une start-up a découvert une algue aux vertus bio-pesticides prometteuses
La solution pour que les viticulteurs
puissent en finir avec les pesticides viendra-t-elle de Bordeaux ? Ce
serait un symbole magnifique pour la première région viticole de France.
La bonne nouvelle, c'est qu'il y a de l'espoir. ImmunRise, une petite société implantée à Pessac, en région bordelaise, a annoncé en septembre dernier, qu'elle avait découvert une algue microscopique produisant des molécules aux vertus bio-pesticides
prometteuses, efficace à 100% contre le mildiou de la vigne en
laboratoire. Mais il lui faudra prouver son efficacité en plein champ
pour espérer révolutionner l’agrochimie.
Une algue aux vertus fongicides venue de Bretagne
La société ImmunRise,
qui a son siège et son activité recherche à l’Institut de biologie de
l’Ecole normale supérieure à Paris (France), où travaille son co-fondateur Lionel
Navarro, a identifié en septembre 2015 cette
micro-algue à l’effet fongicide. Malgré un brevet déposé en juin
dernier, elle conserve jalousement le nom de cette microalgue, révélant
seulement qu’elle a été prélevée au large des côtes bretonnes. Les molécules fongicides qu’elle produit sont en cours d’identification.
100% d'efficacité contre le mildiou
Selon les essais menés en laboratoire par l’Institut national de Recherche Agronomique (INRA) de Bordeaux, cette poudre de microalgue a 100% d’efficacité sur le mildiou, 50% sur le botrytis (une moisissure aussi appelée « pourriture grise ») et sur quatre des sept champignons responsables de l’esca,
une maladie du bois qui fait des ravages dans les vignobles du monde
entier. Un fléau contre lequel aucun traitement n’est disponible depuis
l’interdiction européenne en 2001 de l’arsénite de sodium, substance
hautement toxique responsable de la mort de certains vignerons.
Comment ça marche ?
Dans l’unité de pré-industrialisation basée à Pessac, l’algue est cultivée en salle dans des bacs de 100 litres d’eau de mer reconstituée.
Suffisamment développée 15 jours après avoir été injectée dans l’eau,
elle est ensuite récupérée sous forme de pâte, séchée puis transformée
en poudre. Si les scientifiques valident le procédé, l'agriculteur
n’aura alors plus qu’à mélanger cette poudre, qui se conserve plusieurs
mois, avec de l’eau pour l’épandre avec ses outils de pulvérisation
conventionnels. « Avec un seul traitement, le viticulteur agit sur trois
maladies de la vigne », souligne Laurent de Crasto, œnologue et ingénieur agronome et co-fondateur d’ImmunRise (photo ci-contre).
Biodégradable
Bon à savoir : les tests ont également démontré que la molécule naturelle est bio-dégradable et n’a aucune toxicité sur la plante.
Reste à vérifier son innocuité sur l’environnement ou les êtres
vivants. Pour se faire, des tests d’éco-toxicologie sont en cours.
Prudence...
ImmunRise est-il en passe de révolutionner l’industrie des produits
phytosanitaires? Pour en arriver là, il faudra passer avec succès les essais en plein champ sur les terres de l’INRA de Bordeaux, qui seront lancés lors de la prochaine campagne viticole en avril 2017.
« Si les tests se confirment, ce sera très innovant », assure
Marie-France Corio-Costet, chercheuse de l’INRA spécialisée dans la
limitation des intrants chimiques dans la viticulture. -t-elle, en
précisant que « beaucoup d’entreprises et de grandes firmes font des
recherches sur les bio-pesticides et la bio-stimulation » mais que « des
produits homologués avec de bons résultats il y en a encore peu ».
A l’échelle industrielle, l’idée est de récupérer de l’eau de mer sur
les côtes d’Aquitaine, de faire proliférer la microalgue dans des
bassins sous le soleil de la forêt landaise et de l’épandre sur le
vignoble de la région. « Pour traiter l’ensemble du vignoble bordelais,
on a estimé qu’il faudrait 6.000 m3 de bassins, soit un à deux
hectares » seulement, indique Laurent de Crasto. En cas de succès,
ImmunRise prévoit de commencer par la filière viticole, dans les vignobles de Bordeaux et de Cognac, avant de se tourner vers d’autres cultures. On croise les doigts.
Cathy Lafon avec l'AFP
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