par Julien Hoffmann
Les vers de terre sont des animaux qui font partie de ce que l’on
appelle la macrofaune (animaux dont la taille est supérieure à un
millimètre et que l’on peut voir à l’œil nu) et que l’on n’estime pas
assez que ce soit pour leur biologie ou pour les services qu’ils
rendent. De la famille des annélides (au corps constitué de segments,
d’anneaux), ces animaux sont présents sur terre depuis 680 millions
d’années… Certainement de quoi leur donner un rôle d’importance !
Qui sont donc ces vers de terre ?
Il existe environ 4 000 espèces dans la famille des annélides sur
notre planète pour une centaine d’espèces en France et le tout avec des
différences notoires allant d’animaux aquatiques, de sous-sols ou de
surface.
Ils ne possèdent pas de poumon mais une hémoglobine un peu
particulière qui leur donne leur couleur caractéristique et qui leur
permet de transporter l’oxygène directement de leur peau (qui joue ainsi
le rôle d’alvéoles pulmonaires) vers les différents organes de leur
corps.
En France et concernant les espèces qui vivent dans nos sols, on dénombre trois groupes de vers de terre :
-
Les anéciques
De grande taille, ils creusent des galeries verticales allant
jusqu’à six mètres de profondeur jouant un rôle essentiel dans la
structuration des sols. Ils sont principalement nocturnes et remontent
en surface à la nuit tombée pour se nourrir de tout ce qu’ils s’y
trouvent. Retournant dans leurs galeries en journée, ils enfouissent
ainsi tout ce qu’ils ont glané. Ce sont eux qui produisent les fameuses
« turricules », ou déjections, que l’on voit à la surface des sols
qu’ils fréquentent.
-
Les endogés
Ces vers de terre, de plus petite taille que les anéciques, ne
creusent que des galeries horizontales et consomment littéralement la
terre des sols. C’est en en digérant les résidus organiques qu’ils se
nourrissent et permettent ainsi d’accélérer la décomposition de la
matière organique.
-
Les épigés
De très petite taille (de un à cinq centimètres), les épigés ne
creusent quasiment pas de galerie et vivent en surface dans la litière
du sol. On comprendra qu’ils ne peuvent évoluer sur des sols nus car ils
n’y trouveraient pas de nourriture. Mais sur un sol où fumier, amas de
plantes en décomposition et autres déchets organiques sont présents, ils
s’épanouiront.
La reproduction chez les vers de terre
Les vers de terre sont hermaphrodites, c’est-à-dire qu’ils possèdent
les organes des deux sexes, sans pour autant s’autoféconder. Les ovules
et les spermatozoïdes sont déposés dans ce que l’on appelle un cocon,
dans lequel interviendra la fécondation. Selon les espèces, il faudra
attendre de 30 à 150 jours avant de voir sortir de ce cocon les jeunes
vers de terre. En règle générale, seul un à deux individus (des fois
plus, mais rarement) en sortiront et qui mettront de 45 jours à neuf
mois pour devenir adultes et compléter leur cycle.
De vrais ingénieurs du sol
Les vers de terre structurent littéralement le sol en y creusant de
nombreuses galeries, qu’elles soient verticales ou horizontales. Ce
travail du sol par nos petits amis bénévoles a un impact colossale sur
sa structure, en permettant à l’eau de s’infiltrer bien plus facilement
et bien plus profondément que s’ils n’étaient pas présents. Ils
maximisent son stockage et son drainage et limitent également le
phénomène d’érosion. Pour mieux comprendre ce rôle, il suffit d’imaginer
que pour un mètre cube de terre colonisée normalement par les vers de
terre, c’est 900 mètres de galeries présentes !
Les déjections de vers de terre sont incroyablement riches pour nos
plantes cultivées. On y trouve en moyenne cinq fois plus d’azotes, sept
fois plus de phosphore et onze fois plus de potassium que dans la terre
environnante. Les vers de terre sont donc des producteurs important de
fertilisants. Dans les galeries qu’ils creusent et que les racines des
plantes colonisent, ces dernières trouvent aussi les éléments nutritifs
essentiels à leur croissance
Cette production de NPK (sigle pour signifier la présence d’azote,
phosphore et potassium dans un engrais) est loin d’être anecdotique. En
effet, nos lombriciens déposent de quatre à dix kilogrammes de
déjections par an et par mètre carré, ce qui représente quarante à cent
tonnes à l’hectare. Cette digestion permet par ailleurs de détruire un
certain nombre d’organismes nuisibles aux cultures, tel que certains
nématodes ! Tout ceci est sans compter sur leur capacité à incorporer de
la matière organique dans les sols et ce, à raison de six tonnes par an
et par hectare.
Avec un cycle de vie relativement long selon les espèces et un
déplacement annuel moyen de vingt mètres, on comprend que pour favoriser
leur présence il suffit de leur laisser le temps de se reproduire et de
voir leurs petits grandir jusqu’à l’âge adulte. Les différentes
techniques de non-travail du sol prennent ici tout leur sens avec la
favorisation de cette macrofaune si utile.
Un sol labouré au minimum, voire non labouré, et hors période de
reproduction (de mars à avril et de septembre à octobre) avec des
techniques de semis direct ou de paillage sera un des éléments principaux favorisant la présence de lombriciens.
Et multitâches !
Si les vers de terre sont donc d’excellents auxiliaires pour ce qui
est de la qualité de nos sols, à des fins de production, ils jouent ce
rôle tout naturellement dans bien des biotopes et méritent à cet égard
toute notre attention. Partant de ce constat, nombreuses utilisations
des vers de terre sont désormais monnaie courante ou en cours
d’expérimentation.
- Les vers de terre sont déjà largement utilisés dans le cadre de l’aquaponie, qui ne fonctionnerait pas aussi efficacement sans leur présence.
- Dans les différentes techniques de compostage,
ce sont bien les vers de terre qui sont prépondérants dans le recyclage
de la matière organique, elle-même utilisable comme engrais (autant au
potager qu’en culture, ou encore pour les plantes d’intérieur).
- Dans la catégorie expérimentale, ce sont les lombrifiltres qui sont désormais à l’étude avec une expérimentation de filtration de station d’épuration à base de lombriques,
depuis 2004. Une deuxième station de petite taille a été montée au
Chili avec un succès certain. Ce type de filtration est néanmoins
fragile (problématique inhérente aux fonctionnements biologiques),
certains composés chimiques étant mortels pour les vers de terre.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire