06/01/2015
| par Frédéric Hénin |
Terre-net Média
L’agriculture et l’élevage français sont responsables de 20 % des
émissions de gaz à effet de serre (Ges) produites à plus de 74 % par le
sol. Une étude de l’Inra France et de l’Ademe propose plusieurs scénarios
technologiques afin de réduire la production de Co2 et de No2 et de
stocker du carbone atmosphérique dans le sol. Ils reposent sur des
pratiques agricoles plus écologiques sans remettre en cause l’emploi de
matériels performants.
Le
changement du climat de la planète et les
émissions de gaz à effet de serre
(Ges) sont au programme des grandes négociations internationales au
même titre que les sujets portant sur la défense, la sécurité ou la
croissance économique. En décembre prochain, la France sera l’hôte de la
21
e conférence "
Paris Climat 2015" sous
l’égide de l’Onu, qui rassemblera les représentants des 195 états
membres de la planète. Avec comme seul mot d’ordre : trouver un accord
programmatique pour limiter la hausse des températures de la planète de
2°C en 2100.
La
réduction des Ges fait partie des
quatre défis que l’agriculture mondiale doit relever avec la nécessité
de nourrir 9 milliards d’homme, de produire de l’énergie et d’élaborer
de nouveaux matériaux. Et comme en France, ces émissions de gaz
représentent 20 % de la production totale de la planète, la contribution
de l’agriculture sera particulièrement importante. Les émissions de Ges
sont deux fois plus élevées sur notre territoire que dans les autres
pays européens en raison des surfaces substantielles qu'occupe
l’agriculture.
Six scénarios envisageables
C’est
aussi la production d’électricité d’origine nucléaire qui réduit
proportionnellement les autres sources d’émissions de Ges en France et
augmente par conséquent la part de l'agriculture. En
Allemagne,
la combustion de charbon et les quantités massives de gaz relâchées
dans l’atmosphère atténuent proportionnellement les contributions
d’origine agricole.
Six travaux expérimentaux réalisés par l’
Inra
et l’Ademe, et repris par le centre d’études et de prospective du
ministère de l’agriculture, proposent différents scénarios pour réduire
de 10 à 65 % les émissions de Ges par rapport à leur niveau de 2005.
Certains d’entre eux s’inscrivent dans la continuité des efforts déjà
entrepris tandis que d’autres sont en rupture totale avec les
pratiques agricoles actuelles.
Mais comme 74 % de ces gaz sont émis par les sols et par les fermentations entériques (avec du NO
2 au pouvoir de réchauffement 298 fois supérieur au CO
2),
les actions des scénarios présentés reposent d’abord sur l’adoption de
pratiques agronomiques adéquates et non pas, comme le laisse entendre
l’opinion publique, sur des actions visant à avant tout à maîtriser les
déjections animales ou à
réduire la consommation d’énergie. Autrement dit, en renonçant à l’emploi de matériels agricoles.
En
France, une baisse de 12 % des émissions de Ges serait possible par un
simple déploiement de techniques adaptées sans remettre en cause le
modèle agricole et la vocation exportatrice.
Une réduction de 20 %
de ces mêmes émissions suppose, selon l’Ademe, le recours à des
pratiques agricoles agro-écologiques et à l’extension de l’
agriculture biologique
sur 20 % de la surface agricole. Avec moins d’animaux dans les
exploitations, la consommation de soja baisserait en conséquence. Mais
ce scénario conduira à une
baisse des rendements de céréales et à une
consommation d’engrais azotés réduite de 22 %.
Changement de paradigme
Sinon,
des scénarios "plus volontaristes" envisageant une baisse de 50 et 60%
des émissions de Ges d’ici 2030 obligeraient l’agriculture à changer de
paradigme en donnant la priorité à l’autonomie complète des
exploitations agricoles. Les surfaces pâturées s’accroîtraient alors au
détriment des grandes cultures. Mais la France devrait renoncer à sa
vocation exportatrice et à celle de terre d’élevages consommateurs de
matières premières agricoles.
Enfin, les consommateurs seraient contraints d’adopter de
nouvelles habitudes alimentaires en diminuant la consommation de
produits carnés, en réduisant le gaspillage de matières premières
agricoles ou encore en favorisant la consommation de protéines
végétales.
Prises individuellement, certaines actions sont plus
efficaces que d’autres pour limiter les émissions de Ges. Certaines
pratiques contribuent même à stocker du carbone dans le sol et
réduiraient les
charges des exploitants. Citons, par exemple, les prairies de légumineuses ou la fertilisation organique.
32 millions de tonnes de CO2
Les
techniques de culture superficielles et le labour des parcelles une
fois tous les cinq ans favorisent aussi le stockage du carbone sans
générer de frais particulier, selon les études du ministère de
l’Agriculture. En revanche, si les
cultures intermédiaires
fixent massivement le carbone atmosphérique, leur implantation est
onéreuse. D'où la nécessité d'allouer des aides publiques
spécifiques pour les rendre plus attractives auprès des agriculteurs.
Au
total, en cumulant les effets de toutes les pratiques agricoles
écologiques disponibles, il serait possible d'atténuer les émissions de
Ges d'origine agricole de 32 millions de tonnes équivalent CO
2 chaque année.
C’est le
prix de la tonne de carbone en équivalent CO
2
sur les marchés des matières premières (les hydrocarbures par exemple),
par rapport auquel pourrait reposer une approche économique des actions
à mettre en place, qui déterminerait le potentiel de réduction des
émissions de Ges. A 40 € la tonne, celui-ci est de de 12 %. Autrement
dit, le prix de la tonne de CO
2 ne serait pas suffisamment
incitatif pour favoriser et rémunérer les pratiques
agricoles écologiques onéreuses à mettre en œuvre avec des matériels
agricoles appropriés. A 90 € la tonne, le spectre des actions à
développer pour réduire de 20 % ou plus les émissions de Ges serait
beaucoup plus étendu. Au delà, le prix de la tonne de carbone en
équivalent CO
2 pourrait conduire à une refonte totale des
modèles de production et de consommation puisque les intrants seraient
très chers à l'achat.
L’ensemble de ces scénarios constitue des pistes de
recherche
importantes mais ils ne mesurent pas toutefois les difficultés qui
pourraient être rencontrées pour les mettre en œuvre. Ils reposent sur
un parc de matériels adapté sans remettre en question cependant la
nécessité d’être équipé de machines performantes consommant davantage
d’hydrocarbures renouvelables.
Source de l'article: http://www.terre-net.fr/actualite-agricole/economie-social/article/le-developpement-de-pratiques-agricoles-ecologiques-est-une-priorite-202-106845.html