Publié le 23/11/2015
Une nouvelle étude menée en plein champ par
l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) confirme que les risques
des désorientation des abeilles exposées aux insecticides néonicotinoïdes. En
outre, l'étude révèle que la proximité des parcelles traitées diminue
l'espérance de vie des butineuses. Cependant, les colonies ont été capables de
s'adapter à cette surmortalité en modifiant leur stratégie de production de
couvain de façon à privilégier le renouvellement des ouvrières.
Alors que les colonies d'abeilles souffrent toujours de surmortalité et
qu'il devient de plus en plus difficile de trouver du miel français dans les
rayons, des chercheurs de l'INRA ont voulu vérifier, sur le terrain, les
conditions d'exposition des abeilles aux effets toxiques d'un insecticide
controversé de la famille des néonicotinoïdes, le thiaméthoxam. Cet insecticide
est fabriqué par Syngenta sous la marque Cruiser pour lutter contre les
taupins, oscinies, pucerons, cicadelles, thrips et sitones en protection du
maïs, du colza, des pois et des betteraves notamment par enrobage des semences.
Déjà, en 2012, une équipe de scientifiques français de l'INRA mettait en
évidence, en grandeur nature que le taux de non-retours à la ruche des abeilles
intoxiquées était deux à trois fois supérieur à la normale : "Ce taux
serait suffisant pour déséquilibrer une colonie, voire même la conduire à l'effondrement".
Malgré ces résultats inquiétants, cette gamme d'insecticide est toujours en
grande partie autorisée et donc commercialisée[1]. Une nouvelle étude apporte
des éléments scientifiques qui confirment la nécessité d'une réévaluation du
risque par les agences sanitaires.
Les chercheurs de l'INRA ont équipé 7000 abeilles de micropuces RFID
permettant de surveiller leur entrée/sortie de la ruche. Les abeilles pouvaient
butiner dans un territoire agricole de 200 km² comprenant quelques parcelles de
colza dont les semences étaient traitées à l'insecticide de la famille des
néonicotinoïdes, le thiaméthoxame.
Les résultats montrent que le risque de mortalité des abeilles augmente
selon l'exposition des ruches. Ce gradient d'exposition est fonction à la fois
de la taille des parcelles et de leur distance à la ruche. L'effet de
l'exposition s'accroit progressivement au cours de l'avancement de la floraison
du colza allant d'un risque moyen de mortalité de 5 à 22%.
Cependant, les chercheurs n'ont pas observé d'altération des performances
des ruches exposées : les quantités de miel produites restent les mêmes. Ceci
s'expliquerait par l'adaptation démographique de la colonie à la surmortalité :
"les colonies étudiées ont conservé des effectifs d'ouvrières et de
butineuses suffisants pour maintenir la dynamique de production du miel. Ainsi,
un rééquilibrage entre la taille du couvain mâle et celui des ouvrières
apparaitrait pendant la floraison et dans les semaines qui suivent."
indique l'INRA.
De plus, les scientifiques ont découvert des traces d'imidaclopride, une
autre substance néonicotinoïde pourtant restreinte au traitement des semences
des cultures non butinées, dans la plupart des échantillons de nectar prélevé
dans des fleurs de colza, ainsi que dans le nectar collecté par les abeilles
butineuses. Si l'étude initiale visait à cibler les effets de la seule molécule
de thiaméthoxame, cette "co-exposition complique davantage l'évaluation du
risque en plein champ, car il n'a pas été possible de distinguer l'impact
individuel de l'une ou l'autre molécule sur les abeilles." explique
l'INRA.
Au final, cette étude souligne la difficulté d'évaluer précisément les
risques encourus par les abeilles en situation réelle d'exposition aux
traitements phytosanitaires. "Ces risques sont mesurables à large échelle
spatiale et se traduisent sur les ruches par des effets biologiques
retardés." conclut l'INRA.
Une nouvelle fois, les auteurs de l'étude insistent sur la nécessité de
mieux évaluer les effets chroniques de faibles doses de pesticides ainsi que
les "effets coktails" inattendus lorsque les différentes substances
actives des pesticides se cumulent. Des risques qui "ne sont pas à ce jour
pris en compte par les autorités sanitaires", ces mêmes agences qui sont
chargées d'autoriser la mise sur le marché des pesticides...
Rappelons qu'en 2012, l'Agence sanitaire pour l'alimentation et
l'environnement (ANSES) tenait compte dans son avis de l'effet "d'une dose
sublétale de thiaméthoxam sur le retour à la ruche des abeilles
butineuses" mais concluait "de poursuivre les expérimentations sur la
base de la technologie RFID en faisant varier les niveaux d'exposition pour se
rapprocher davantage des doses auxquelles les abeilles sont communément
exposées, et en approfondissant les conséquences des effets observés
individuellement sur la dynamique de la colonie d'abeilles." C'est fait !
Source:
http://www.notre-planete.info/actualites/4380-insecticide-n%C3%A9onicotino%C3%AFde-surmortalite-abeilles
23 novembre 2015
Source : notre-planete.info, http://www.notre-planete.info/actualites/4380-insecticide-n%C3%A9onicotino%C3%AFde-surmortalite-abeilles