lundi 18 juillet 2016

Usine de mouches qui pourrait révolutionner le monde des biodéchets

Les mouches de l'espèce "black soldier fly" pour recycler les déchets, mais aussi devenir un excellent réservoir de protéines afin de nourrir les poissons et animaux d'élevage. © NextAlim


La jeune société Nextalim entend devenir le pionnier français de la valorisation industrielle de biodéchets... par l'insecte. Elle mise sur l'élevage de certaines mouches, aux qualités très particulières pour valoriser nos déchets. Explications 

 

"Savez-vous qu'il faut trois poissons sauvages pour produire un poisson d'élevage ?", interpelle Jean-François Kleinfinger. Pour ce scientifique de haut vol, titulaire d'un doctorat de robotique, qui a fait l'essentiel de sa carrière dans l'informatique à Soft Computing, nous ne pouvons plus continuer à gaspiller autant les ressources alimentaires de la planète.


Car, d'ici 2050, selon les projections des démographes, la population mondiale devrait passer de 6,4 à 9 milliards d'habitants, ce qui fera exploser les besoins en alimentation et en énergie. "Un tiers de la nourriture produite dans le monde ne sera jamais consommée. Le gaspillage se produit sur tous les maillons de la chaîne : production agricole, industrie agroalimentaire, restauration, distribution grande et petite … jusque dans nos cuisine. Nous devons donc inventer un autre modèle pour produire des protéines", insiste-t-il.

Lauréat des investissements d'avenir

 

Après avoir entrepris de multiples recherches sur le sujet, Jean-François Kleinfinger pense avoir trouvé une partie de la solution du côté des insectes. En l'occurrence des mouches de l'espèce "black soldier fly". Celles-ci s'avèrent être de véritables machines à recycler les déchets, mais aussi, à l'âge adulte, un excellent réservoir de protéines pour nourrir les poissons et animaux d'élevage, voire la chimie verte (biocarburants, fertilisants...). Et, pour alimenter ces mouches, l'entreprise va récupérer des produits inutilisés dans l'industrie agroalimentaire, les invendus des magasins ou encore les restes alimentaires des collectivités. Autre intérêt de cette espèce, elle n'est pas nuisible, ne transmet pas de maladies, ni à l'animal ni à l'homme, et métabolise les déchets sans en produire elle-même. Sans compter qu'elle se multiplier rapidement. De quoi créer une économie circulaire, mais aussi concurrencer sérieusement les méthaniseurs, qui tendent à se développer sur le territoire.

Convaincu qu'il y a là un marché très porteur, il a décidé de se lancer dans l'élevage de ces mouches et de créer sa société en janvier 2014, avec le polytechnicien Raphaël Smia. Symboliquement, il l'a baptisée NextAlim. "Nous sommes à l'aube d'une nouvelle filière industrielle : l'entomoculture", avance cet ingénieur. La société est installée dans la technopole du Futuroscope à Poitiers.
L'idée n'est pas passée inaperçue. En 2015, la start-up a été lauréat des investissements d'avenir.

A quand une usine ?

 

Désormais, Nextalim doit passer à la délicate et cruciale phase de l'industrialisation. "Nous allons lancer un démonstrateur mi-2017, avec l'objectif de produire 10 tonnes de matière par jour", explique-t-il. Mais, pour y parvenir, il faut lever 2,2 millions d'euros.

Autre frein à lever, pour l'heure, la législation européenne interdit l'utilisation de produits carnés pour l'alimentation des animaux d'élevages terrestres. Et, si elle autorise l'usage de farines animales pour les poissons, elle ne permet pour l'instant pas de se servir d'insectes. A ce jour, la consommation de protéines issues des insectes n'est donc autorisée que pour les animaux domestiques et tolérée pour l'homme.

Pas de quoi pour autant refroidir Jean-François Kleinfinger, qui peut déjà compter sur de nombreux partenaires : le CNRS, Bpifrance, l'Ademe... "La législation, comme les mentalités, pourraient évoluer rapidement", espère-t-il. Si c'est le cas, il entend être prêt pour conquérir un vaste marché, ne serait-ce qu'en France. 



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