Les mouches de l'espèce "black soldier fly" pour recycler les
déchets, mais aussi devenir un excellent réservoir de protéines afin de
nourrir les poissons et animaux d'élevage. © NextAlim
La jeune société Nextalim entend devenir le pionnier français de la valorisation industrielle de biodéchets... par l'insecte. Elle mise sur l'élevage de certaines mouches, aux qualités très particulières pour valoriser nos déchets. Explications
"Savez-vous qu'il faut trois poissons sauvages pour produire un poisson d'élevage
 ?", interpelle Jean-François Kleinfinger. Pour ce scientifique de haut 
vol, titulaire d'un doctorat de robotique, qui a fait l'essentiel de sa 
carrière dans l'informatique à Soft Computing, nous ne pouvons plus continuer à gaspiller autant les ressources alimentaires de la planète.
Car, d'ici 2050, selon les projections des démographes, la population mondiale devrait passer de 6,4 à 9 milliards d'habitants, ce qui fera exploser les besoins en alimentation et en énergie. "Un tiers de la nourriture produite dans le monde ne sera jamais consommée.
 Le gaspillage se produit sur tous les maillons de la chaîne : 
production agricole, industrie agroalimentaire, restauration, 
distribution grande et petite … jusque dans nos cuisine. Nous devons 
donc inventer un autre modèle pour produire des protéines", 
insiste-t-il.
Lauréat des investissements d'avenir
Après avoir entrepris de multiples recherches sur le sujet, 
Jean-François Kleinfinger pense avoir trouvé une partie de la solution 
du côté des insectes. En l'occurrence des mouches de l'espèce "black 
soldier fly". Celles-ci s'avèrent être de véritables machines à recycler
 les déchets, mais aussi, à l'âge adulte, un excellent réservoir de 
protéines pour nourrir les poissons et animaux d'élevage, voire la 
chimie verte (biocarburants, fertilisants...). Et, pour alimenter ces mouches, l'entreprise va récupérer des produits inutilisés dans l'industrie agroalimentaire,
 les invendus des magasins ou encore les restes alimentaires des 
collectivités. Autre intérêt de cette espèce, elle n'est pas nuisible, 
ne transmet pas de maladies, ni à l'animal ni à l'homme, et métabolise 
les déchets sans en produire elle-même. Sans compter qu'elle se 
multiplier rapidement. De quoi créer une économie circulaire, mais aussi
 concurrencer sérieusement les méthaniseurs, qui tendent à se développer sur le territoire.
Convaincu qu'il y a là un marché très porteur, il a décidé de se lancer 
dans l'élevage de ces mouches et de créer sa société en janvier 2014, 
avec le polytechnicien Raphaël Smia. Symboliquement, il l'a baptisée NextAlim.
 "Nous sommes à l'aube d'une nouvelle filière industrielle : 
l'entomoculture", avance cet ingénieur. La société est installée dans la
 technopole du Futuroscope à Poitiers.
L'idée n'est pas passée inaperçue. En 2015, la start-up a été lauréat des investissements d'avenir.
A quand une usine ?
Désormais, Nextalim doit passer à la délicate et cruciale phase de 
l'industrialisation. "Nous allons lancer un démonstrateur mi-2017, avec 
l'objectif de produire 10 tonnes de matière par jour", explique-t-il. 
Mais, pour y parvenir, il faut lever 2,2 millions d'euros.
Autre frein à lever, pour l'heure, la législation européenne interdit l'utilisation de produits carnés pour l'alimentation des animaux d'élevages
 terrestres. Et, si elle autorise l'usage de farines animales pour les 
poissons, elle ne permet pour l'instant pas de se servir d'insectes. A 
ce jour, la consommation de protéines issues des insectes n'est donc 
autorisée que pour les animaux domestiques et tolérée pour l'homme.
Pas de quoi pour autant refroidir Jean-François Kleinfinger, qui peut 
déjà compter sur de nombreux partenaires : le CNRS, Bpifrance, 
l'Ademe... "La législation, comme les mentalités, pourraient évoluer 
rapidement", espère-t-il. Si c'est le cas, il entend être prêt pour 
conquérir un vaste marché, ne serait-ce qu'en France. 


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