Cet ouvrage cristallise une vision, celle de Maximilien Rouer,
ingénieur agronome, fondateur de BeCitizen, et celle d’Hubert Garaud,
agriculteur et président du groupe Terrena. Cette vision s’inscrit dans
le contexte actuel de l’agriculture et prend en compte tous ses enjeux,
des tenants aux aboutissants. Elle propose un regard exhaustif sur le
secteur en faisant un état des lieux d’ordre économique, social et
sociétal, et en définissant les atouts qui font de l’agriculture
française un modèle unique de compétitivité. Le tout parsemé de constats
pertinents pesant indéniablement dans la balance… Les auteurs nous
parlent également d’une « triple révolution » concernant la
relation au consommateur, les conditions de production et les relations
entre acteurs au sein de la filière. Cette fois, les auteurs mettent en
avant une liste de solutions, déjà effectives ou en cours sur le marché.
Enfin, ils concluent en annexe avec une liste comprenant « 125 raisons
d’espérer ». En résumé, un ouvrage rédigé avec un regard bienveillant,
parfois même empreint de compassion, disséquant la situation agricole
française et cristallisant une vision tendant à se généraliser...
« Ce sont les lettres de noblesse de l’agriculture qui sont en
train de s’écrire. Ce sera bientôt le seul métier capable de préserver
notre modèle social, nos paysages, notre alimentation, notre santé, et
par-dessus tout le premier métier à lutter efficacement contre le
changement climatique. »
État des lieux
La première partie met en avant un état des lieux objectif, avec
quelques constats déjà entendus, mais qui permettent de saisir
l’orientation que prendra l’ouvrage. D’entrée de jeu, les auteurs nous
livrent une réflexion intéressante portant sur la perception, par la
société, des agriculteurs et de la notion de « paysan ». Ils estiment que la société leur a attribué, à travers sa culture et l’imaginaire collectif, un « rôle de gardiens d’un certain bon sens », véhiculant des valeurs telles que « l’honnêteté et le travail ». Selon eux, cette image est inscrite au cœur de l’identité française, comme peut l’être « l’oncle Sam pour les Américains », et serait devenu un marqueur d’identité culturelle, aujourd’hui fortement bousculé. Car selon eux, désormais, « les agriculteurs souffrent d’un isolement et d’un manque de reconnaissance qui aggravent encore le cercle vicieux ».
Cette réflexion les amène à se poser les questions suivantes, dont les
éléments de réponses apparaîtront de manière transversale tout au long
de l’ouvrage :
« Que s’est-il passé pour qu’en une génération l’image de ce
ciment moral se soit effritée ? Comment redonner à ce secteur économique
une place bien méritée : la première de toutes ? Qui peut vouloir
devenir agriculteur de nos jours et affronter une calomnie permanente de
la part des médias ? »
Les auteurs nous livrent également un exposé mettant en avant la
dégradation des représentations du consommateur, qu’ils associent à
l’essor contemporain du phénomène de distanciation avec notre
alimentation et à « la
succession des crises alimentaires qui a conduit les clients à une
rupture : douter du contenu de leur caddie et de leur assiette ». Selon eux, la médiatisation de ces sujets dessert les agriculteurs et induit de mauvais schémas de représentations auprès des consommateurs, ce qui ne favorise en rien l’évolution de cette situation.
Nécessité d’un changement de paradigme
« L’agriculture est davantage perçue comme source de pollution et
il est difficile de convaincre qu’elle peut, dans la lutte contre le
réchauffement climatique comme ailleurs, être la solution plutôt que le
problème. »
Les auteurs mettent en lumière un sentiment de changement de
paradigme. Notre modèle agricole passerait d’une agriculture intensive,
pouvant se généraliser par la norme « produire plus », à une agriculture ÉCOLOGIQUEMENT intensive,
se caractérisant par la norme « produire MIEUX et plus ». Cette vision
est motivée par l’évolution des recherches scientifiques et par
l’identification du levier permettant de concrétiser ce changement qui
serait, selon eux, le numérique.
Une triple révolution
Dans la deuxième partie de cet ouvrage, les auteurs traitent de la
triple révolution nécessaire à ce changement de paradigme afin
d’atteindre une autosuffisance alimentaire. Ils explorent plusieurs
pistes en prenant du recul, tout en mettant en avant des solutions pour
chacune d’entre elles. Ce passage est également imprégné du concept
d’agriculture écologiquement intensive (AEI), que les auteurs
développent mieux, et sonne parfois comme une ode à la différenciation
par rapport à la situation mondiale. Selon eux, la France doit exploiter
sa diversité pour reconquérir le marché à l’international !
Puis, les auteurs nous offrent des annexes optimistes en énonçant
« Les 125 raisons d’espérer de l’agriculture française pour la
croissance, l’emploi et la planète ». Ses raisons vont de la grande diversité de notre patrimoine alimentaire
au climat privilégié dont nous bénéficions, sans oublier le fait que la
France est la plus grande réserve d’eau de l’Union Européenne, ou
encore « l’image positive (et vendeuse) de « l’origine France » ».
Un regard sans aucun doute intéressant, encore une fois exhaustif,
témoignant de la volonté du désir de convaincre du bien-fondé de leurs
propos.
En conclusion, Maximilien Rouer et Hubert Garaud souhaitent vraiment contribuer au renouveau de l’agriculture française, à la naissance d’un projet collectif et d’une vision commune, et ce livre en témoigne de quelle façon.
« Notre élan collectif, économique, sociétal comme agricole, doit
viser l’amélioration environnementale et climatique, la santé et
l’alimentation, la qualité de vie des travailleurs de la terre comme
celle des animaux d’élevage, la chasse au gaspillage, la proximité, la
transparence, des prix abordables et la satisfaction des consommateurs
[…] Que nos gouvernements adoptent le même comportement à l’égard de
l’agriculture que celui dont ils font preuve avec le secteur
aéronautique ou automobile, et on ne doute pas d’un résultat
spectaculaire. Encore en faut-il la volonté politique. »
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