Les plantes et agents pathogènes utilisent diverses stratégies pour
mieux se défendre et pour mieux attaquer, respectivement. L’Inra a
identifié un mécanisme de résistance qui convertit une activité de
virulence bactérienne en déclencheur d’une réponse immunitaire. Ce
résultat ouvre de nouvelles perspectives pour la sélection ciblée de
plantes.
Ralstonia solanacearum, une bactérie au fort pouvoir pathogène
R. solanacearum (ou Pseudomonas solanacearum)
est responsable du flétrissement bactérien sur plus de 200 espèces de
plantes relevant de plus de 50 familles botaniques. Connue comme agent
de la pourriture brune de la pomme de terre, cette bactérie présente
dans le sol colonise le xylème de ses plantes hôtes. Outre des plantes
d’intérêt agronomique telles que la tomate, l’arachide ou encore le
bananier, les plantes modèles Arabidopsis et Medicago sont également colonisées par R. solanacearum.
Cette bactérie, comme de nombreuses autres, présente un mode
d’infection des cellules hôtes basé sur l’injection de protéines de
virulence, appelées effecteurs, dont le rôle est souvent de bloquer les
mécanismes de défense des plantes. Parmi les 70 effecteurs identifiés
chez R. solanacearum figure la protéine PopP2 qui s’attaque à des facteurs de transcription impliqués dans l’élaboration des réponses de défense.
Les mécanismes de défense immunitaire des plantes : un système à deux niveaux
Les
plantes disposent de deux niveaux de défense face aux agents
pathogènes. Le premier niveau, appelé résistance basale, fait
intervenir des récepteurs PRRs (Pattern Recognition Receptor),
situés au niveau de la membrane plasmique. Les PRRs reconnaissent des
structures microbiennes conservées (flagelle bactérien, chitine de
champignon) et déclenchent le système d’alarme. Les bactéries
phytopathogènes utilisent leurs effecteurs pour neutraliser cette
première ligne de défense et ainsi favoriser l’infection. En réponse à
ces tentatives d’invasion, les plantes ont développé un second niveau de
défense qui repose sur des récepteurs intracellulaires, les NLRs (NOD-like receptors),
qui jouent un rôle clef dans l’immunité innée. Les NLRs sont capables
de détecter spécifiquement certains effecteurs et d’activer des réponses
de défense de plus forte amplitude. La perception des effecteurs par
les NLRs fait intervenir des mécanismes moléculaires dont l’élucidation
représente un enjeu fondamental pour la sélection de plantes
résistantes.
Une découverte originale : un leurre sous forme de récepteur pour piéger les agents pathogènes
La
rapidité avec laquelle les populations microbiennes produisent de
nouveaux effecteurs induit une pression énorme sur les plantes pour
réajuster génétiquement leurs récepteurs moléculaires ou modifier leurs
modes de reconnaissance. Mais les chercheurs ont découvert une
contre-attaque originale chez Arabidopsis : une paire de
récepteurs immunitaires (RPS4/RRS1-R) intégrant un leurre moléculaire
qui mime les facteurs de transcription normalement neutralisés par
l’effecteur PopP2 de R. solanacearum. En s’attaquant à ce leurre,
c’est la bactérie qui, par l’intermédiaire de PopP2, déclenche
involontairement un système d’alarme difficile à contourner. Ce
mécanisme de résistance basé sur l’intégration de domaines leurres
serait assez répandu chez les espèces végétales puisqu’on estime à 10 %
le nombre de récepteurs immunitaires qui possèdent de tels domaines.
D’ores et déjà, les chercheurs ont prouvé la fonctionnalité de ce piège
vis-à-vis de plusieurs pathogènes (R. solanacearum, Pseudomonas syringae)
chez plusieurs espèces cibles des bactéries (tabac, tomate, colza).
Cette découverte intéressante, menée dans le cadre du Labex Tulip, ouvre
la voie à de nouveaux programmes de sélection ciblée pour
l’identification de nouveaux récepteurs immunitaires permettant de
reconnaitre des agents pathogènes donnés.
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