mercredi 1 juin 2016

De nouvelles pistes moléculaires pour améliorer la sélection de plantes résistantes


Les plantes et agents pathogènes utilisent diverses stratégies pour mieux se défendre et pour mieux attaquer, respectivement. L’Inra a identifié un mécanisme de résistance qui convertit une activité de virulence bactérienne en déclencheur d’une réponse immunitaire. Ce résultat ouvre de nouvelles perspectives pour la sélection ciblée de plantes.


Ralstonia solanacearum, une bactérie au fort pouvoir pathogène

 

R. solanacearum (ou Pseudomonas solanacearum) est responsable du flétrissement bactérien sur plus de 200 espèces de plantes relevant de plus de 50 familles botaniques. Connue comme agent de la pourriture brune de la pomme de terre, cette bactérie présente dans le sol colonise le xylème de ses plantes hôtes.  Outre des plantes d’intérêt agronomique telles que la tomate, l’arachide ou encore le bananier, les plantes modèles Arabidopsis et Medicago sont également colonisées par R. solanacearum. Cette bactérie, comme de nombreuses autres, présente un mode d’infection des cellules hôtes basé sur l’injection de protéines de virulence, appelées effecteurs, dont le rôle est souvent de bloquer les mécanismes de défense des plantes. Parmi les 70  effecteurs identifiés chez R. solanacearum figure la protéine PopP2 qui s’attaque à des facteurs de transcription impliqués dans l’élaboration des réponses de défense.

Les mécanismes de défense immunitaire des plantes : un système à deux niveaux

 

Les plantes disposent de deux niveaux de défense face aux agents pathogènes. Le premier niveau, appelé résistance  basale, fait intervenir des récepteurs PRRs (Pattern Recognition Receptor), situés au niveau de la membrane plasmique. Les PRRs reconnaissent des structures microbiennes conservées (flagelle bactérien, chitine de champignon) et déclenchent le système d’alarme. Les bactéries phytopathogènes utilisent leurs effecteurs pour neutraliser cette première ligne de défense et ainsi favoriser l’infection. En réponse à ces tentatives d’invasion, les plantes ont développé un second niveau de défense qui repose sur des récepteurs intracellulaires, les NLRs (NOD-like receptors), qui jouent un rôle clef dans l’immunité innée. Les NLRs sont capables de détecter spécifiquement certains effecteurs et d’activer des réponses de défense de plus forte amplitude.  La perception des effecteurs par les NLRs  fait intervenir des mécanismes moléculaires dont l’élucidation représente un enjeu   fondamental pour la sélection de plantes résistantes.

Une découverte originale : un leurre sous forme de récepteur pour piéger les agents pathogènes

 

La rapidité avec laquelle les populations microbiennes produisent de nouveaux effecteurs induit une pression énorme sur les plantes pour réajuster génétiquement leurs récepteurs moléculaires ou modifier leurs modes de reconnaissance. Mais les chercheurs ont découvert une contre-attaque originale chez Arabidopsis : une paire de récepteurs immunitaires (RPS4/RRS1-R) intégrant un leurre moléculaire qui mime les facteurs de transcription normalement neutralisés par l’effecteur PopP2 de R. solanacearum. En s’attaquant à ce leurre, c’est la bactérie qui, par l’intermédiaire de PopP2, déclenche involontairement un système d’alarme difficile à contourner. Ce mécanisme de résistance basé sur l’intégration de domaines leurres serait assez répandu chez les espèces végétales puisqu’on estime à 10 % le nombre de récepteurs immunitaires qui possèdent de tels domaines. D’ores et déjà, les chercheurs ont prouvé la fonctionnalité de ce piège vis-à-vis de plusieurs pathogènes (R. solanacearum, Pseudomonas syringae) chez plusieurs espèces cibles des bactéries (tabac, tomate, colza). Cette découverte intéressante, menée dans le cadre du Labex Tulip, ouvre la voie à de nouveaux programmes de sélection ciblée pour l’identification de nouveaux récepteurs immunitaires permettant de reconnaitre des agents pathogènes donnés.  

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