Ennemi de nombreuses plantes d’intérêt agronomique,
les champignons du genre Colletotrichum savent aussi entretenir des relations
bénéfiques avec d’autres plantes. Dans le cadre d’un projet international, des
chercheurs de l’Inra, en collaboration avec le CNRS et l’Université Paris-Sud
ont élucidé les bases génétiques de cette transition, révélant notamment la
capacité de la plante modèle Arabidopsis thaliana à différencier l’expression
des gènes liés à chacun des modes relationnels. Ces résultats viennent d’être
publiés dans la revue Nature Communications.
Les champignons microscopiques du genre Colletotrichum
comptent plusieurs espèces, qui diffèrent par leurs capacités à attaquer
spécifiquement certaines plantes et par les stratégies d’infection qu’ils
développent. Alors que la plupart infectent les parties aériennes de leurs
plantes hôtes, Colletotrichum tofieldiae possède la particularité d’en infecter
les racines.
Très récemment, un consortium de recherche
international piloté par une équipe de l’Inra Versailles-Grignon avait mis en
évidence la présence asymptomatique de ce champignon dans les racines de
certaines populations naturelles d’A. thaliana, dévoilant les bénéfices de
cette association pour la nutrition de la plante dans des conditions pauvres en
phosphore. Comprendre les ajustements qui ont été nécessaires, au champignon
comme à sa plante–hôte A. thaliana, afin que les deux parties collaborent,
représentait une gageure dont s’est emparée la même équipe de l’Inra
VersaillesGrignon dans le cadre d’une collaboration internationale avec le Max
Planck Institute for Plant Breeding Research en Allemagne, impliquant également
le CNRS et l’Université Paris-Sud.
Le génome de Colletotrichum
tofieldiae livre les secrets de la transition vers un mode de vie bénéfique
En comparant les génomes du champignon bénéfique C.
tofieldiae et celui de son plus proche cousin pathogène C. incanum, les scientifiques
ont mis en évidence que la transition vers un mode de vie bénéfique est
relativement récente : elle daterait d’il y a quelque huit millions d’années.
Même si la très grande majorité des gènes sont
parfaitement conservés entre les deux espèces fongiques (11 300 sur 13 000 soit
87 %), les chercheurs ont identifié un certain nombre de caractéristiques en
lien avec la transition d’un mode de vie pathogène vers un mode de vie
bénéfique. Ainsi, les gènes codant pour des protéines nécessaires à l’infection
de la plante (ou effecteurs) sont 50 % moins nombreux chez C. tofieldiae que
chez son homologue pathogène C. incanum (133 contre 189). Plus encore, la
majorité des gènes codant pour des facteurs de pathogénicité, qu’il s’agisse
d’effecteurs, enzymes clés du métabolisme secondaire ou encore transporteurs,
sont exprimés très tardivement voire pas du tout activés chez C. tofieldiae
alors qu’ils sont fortement induits chez C. incanum lors de l’infection de la
plante hôte.
Collaborer ou résister : la plante
choisit pour maximiser sa survie
Les scientifiques ont également examiné le
comportement de la plante en présence de l’un ou l’autre de ces deux
champignons. En présence de C. tofieldiae, la réponse d’A. thaliana varie selon
la concentration en phosphore du milieu. Si celui-ci est présent en quantité
importante, les gènes codants pour différents éléments de défense de la plante,
telle la synthèse de composés antimicrobiens, sont activés. Plante et
champignon ne peuvent alors interagir. Par contre, si le milieu est carencé en
phosphore, ces gènes ne sont pas activés.
Les deux partis peuvent interagir pour le plus grand
bénéfice de la plante en matière de nutrition, d’autant que les gènes liés au
transport du phosphore ou à la différenciation des cellules racinaires sont
alors activés.
A l’inverse, en présence du champignon pathogène C.
incanum, les gènes codant pour différents éléments de défense de la plante sont
fortement activés quelle que soit la concentration en phosphore dans le milieu.
Ces résultats dévoilent les bases génétiques d’une
transition dans les interactions entre le champignon et son hôte, de pathogènes
à bénéfiques, contribuant à mieux comprendre la complexité des modes de vie
fongiques et leur évolution. Ils révèlent également la capacité remarquable
d’A. thaliana à prioriser l’expression des gènes liés aux réponses de défense
en présence de quantités abondantes de phosphore ou du métabolisme du phosphore
en conditions de carence.
Ils suggèrent que les plantes ont la capacité de
rapidement hiérarchiser les informations provenant de leur environnement pour
répondre de manière adéquate aux variations de leur environnement et plus
encore aux stress, biotiques ou abiotiques, auxquels elles sont soumises.
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