jeudi 12 mai 2016

Les secrets de la transition d’un champignon pathogène vers un mode de vie bénéfique




Ennemi de nombreuses plantes d’intérêt agronomique, les champignons du genre Colletotrichum savent aussi entretenir des relations bénéfiques avec d’autres plantes. Dans le cadre d’un projet international, des chercheurs de l’Inra, en collaboration avec le CNRS et l’Université Paris-Sud ont élucidé les bases génétiques de cette transition, révélant notamment la capacité de la plante modèle Arabidopsis thaliana à différencier l’expression des gènes liés à chacun des modes relationnels. Ces résultats viennent d’être publiés dans la revue Nature Communications.



Les champignons microscopiques du genre Colletotrichum comptent plusieurs espèces, qui diffèrent par leurs capacités à attaquer spécifiquement certaines plantes et par les stratégies d’infection qu’ils développent. Alors que la plupart infectent les parties aériennes de leurs plantes hôtes, Colletotrichum tofieldiae possède la particularité d’en infecter les racines.


Très récemment, un consortium de recherche international piloté par une équipe de l’Inra Versailles-Grignon avait mis en évidence la présence asymptomatique de ce champignon dans les racines de certaines populations naturelles d’A. thaliana, dévoilant les bénéfices de cette association pour la nutrition de la plante dans des conditions pauvres en phosphore. Comprendre les ajustements qui ont été nécessaires, au champignon comme à sa plante–hôte A. thaliana, afin que les deux parties collaborent, représentait une gageure dont s’est emparée la même équipe de l’Inra VersaillesGrignon dans le cadre d’une collaboration internationale avec le Max Planck Institute for Plant Breeding Research en Allemagne, impliquant également le CNRS et l’Université Paris-Sud.


Le génome de Colletotrichum tofieldiae livre les secrets de la transition vers un mode de vie bénéfique


En comparant les génomes du champignon bénéfique C. tofieldiae et celui de son plus proche cousin pathogène C. incanum, les scientifiques ont mis en évidence que la transition vers un mode de vie bénéfique est relativement récente : elle daterait d’il y a quelque huit millions d’années.


Même si la très grande majorité des gènes sont parfaitement conservés entre les deux espèces fongiques (11 300 sur 13 000 soit 87 %), les chercheurs ont identifié un certain nombre de caractéristiques en lien avec la transition d’un mode de vie pathogène vers un mode de vie bénéfique. Ainsi, les gènes codant pour des protéines nécessaires à l’infection de la plante (ou effecteurs) sont 50 % moins nombreux chez C. tofieldiae que chez son homologue pathogène C. incanum (133 contre 189). Plus encore, la majorité des gènes codant pour des facteurs de pathogénicité, qu’il s’agisse d’effecteurs, enzymes clés du métabolisme secondaire ou encore transporteurs, sont exprimés très tardivement voire pas du tout activés chez C. tofieldiae alors qu’ils sont fortement induits chez C. incanum lors de l’infection de la plante hôte.


Collaborer ou résister : la plante choisit pour maximiser sa survie


Les scientifiques ont également examiné le comportement de la plante en présence de l’un ou l’autre de ces deux champignons. En présence de C. tofieldiae, la réponse d’A. thaliana varie selon la concentration en phosphore du milieu. Si celui-ci est présent en quantité importante, les gènes codants pour différents éléments de défense de la plante, telle la synthèse de composés antimicrobiens, sont activés. Plante et champignon ne peuvent alors interagir. Par contre, si le milieu est carencé en phosphore, ces gènes ne sont pas activés.

Les deux partis peuvent interagir pour le plus grand bénéfice de la plante en matière de nutrition, d’autant que les gènes liés au transport du phosphore ou à la différenciation des cellules racinaires sont alors activés.

A l’inverse, en présence du champignon pathogène C. incanum, les gènes codant pour différents éléments de défense de la plante sont fortement activés quelle que soit la concentration en phosphore dans le milieu.


Ces résultats dévoilent les bases génétiques d’une transition dans les interactions entre le champignon et son hôte, de pathogènes à bénéfiques, contribuant à mieux comprendre la complexité des modes de vie fongiques et leur évolution. Ils révèlent également la capacité remarquable d’A. thaliana à prioriser l’expression des gènes liés aux réponses de défense en présence de quantités abondantes de phosphore ou du métabolisme du phosphore en conditions de carence.


Ils suggèrent que les plantes ont la capacité de rapidement hiérarchiser les informations provenant de leur environnement pour répondre de manière adéquate aux variations de leur environnement et plus encore aux stress, biotiques ou abiotiques, auxquels elles sont soumises.



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