mardi 24 mai 2016

La haie comme élément de régulation des ravageurs

Nids à vermines ou refuges à auxiliaires ? Les haies sont mises en avant pour leur intérêt dans la préservation de la biodiversité. Une étude a été faite sur l’influence de la présence de haies sur les pucerons avec la Fredon Picardie aux manettes(1).

Sur la pomme de terre, la haie agit surtout comme antidérive au moment de l'irrigation par aspersion. Elle héberge également nombre d'insectes auxiliaires.À l’issue de trois ans de suivi (2010 à 2012) à Marcelcave dans la Somme, la Fredon a tenté de déterminer les effets sur les populations de pucerons de parcelles de pommes de terre. « Nous observons une plus grande diversité d’espèces de pucerons dans la parcelle avec une haie à côté et à proximité de celle-ci, comparativement à une parcelle sans haie mitoyenne. Il s’agit surtout d’espèces non inféodées à la culture de la pomme de terre, et donc sans incidence sur celle-ci", remarque Pauline Lebecque, chargée d’études et entomologiste à la Fredon Picardie. "Cette situation peut représenter plusieurs avantages potentiels pour l’agriculteur, ajoute-t-elle. Elle entraîne une compétition entre espèces, défavorable à la pullulation des pucerons dommageables à la pomme de terre. D’autre part, elle apporte des pucerons qui n’auront pas d’impact sur la culture et qui se développent précocément sur les végétaux de la haie et de la bordure enherbée. Ils peuvent servir d’hôtes relais pour les insectes parasitoïdes ou de réserve alimentaire pour les prédateurs généralistes. Ces organismes auxiliaires seront alors plus nombreux pour limiter de manière précoce le pic majeur de pullulation des pucerons inféodés à la culture », interprète la spécialiste de la Fredon.

Toujours autant de pucerons sur pomme de terre

 

Plusieurs parcelles du GIE des Beaux Jours ont été suivies dans le cadre de l'étude. Sur l'une d'elles située à côté d'une haie et sur une autre sans haie, on retrouve des densités de pucerons (capturés dans des cuvettes jaunes) significativement identiques. Il s'agit majoritairement d'espèces nuisibles aux cultures. On pourrait donc penser que les auxiliaires hébergés dans la haie n’ont pas d’impacts sur les pucerons de la pomme de terre. Ou de manière plus positive, que la présence d’une haie n’aggrave pas la situation en termes de pucerons préjudiciables au tubercule. Pour le blé, le résultat est plus franc. « La présence de la haie s’accompagne d’une baisse de pucerons inféodés aux céréales, celles-ci se trouvant de l’autre côté de la haie. Cette dernière fait office de barrière physique au déplacement des pucerons, observe Pauline Lebecque. On remarque également que les pucerons sont moins nombreux à proximité de la haie qu’au centre de la parcelle, ce qui peut s’expliquer également par l’effet brise-vent de la haie. »

Sur les trois ans de l’étude, les populations de pucerons relevées ont été très variables entre années. En l’occurrence, les conditions climatiques (précipitations, froids) pèsent beaucoup plus sur les infestations que l’influence d’une haie. 2010 fut une année à forte pullulation de pucerons et ce fut la seule année où l’on a pu noter un effet bénéfique net de la haie envers les insectes parasitoïdes.

Le puceron Myzus persicae est un ravageur important de la pomme de terre.
Le puceron Myzus persicae est un ravageur important de la pomme de terre. - © Fredon

 

Davantage de carabes et de syrphes, insectes prédateurs de ravageurs

 

Dans l’étude, les haies sont constituées d’une grande diversité d’essences : trois espèces d’érables, de l’aulne, du charme, du tilleul, noisetier, cornouiller, troène, prunellier, deux types de saules et du sureau noir. Leur intérêt ne se limite pas à la régulation sur les pucerons par les organismes auxiliaires qu’elles hébergent. Sur la base de résultats de 2010 à 2012, la chambre d’agriculture de Picardie a pu estimer que ces haies engendraient dans les parcelles un plus grand nombre et une diversité plus riche des communautés de carabes et de syrphes, insectes prédateurs de ravageurs. Effet brise-vent, vente de son bois, lutte contre l’érosion, etc., la haie apporte encore d’autres effets bénéfiques que la simple biodiversité fonctionnelle pour l’agriculture.
(1) La Fédération régionale de défense contre les organismes nuisibles de Picardie a travaillé en partenariat avec d’autres organisations agricoles : Agro-Transfert Ressources et Territoires, les chambres d’agriculture, Picardie Nature et la Fédération des chasseurs de la Somme.

Un effet dépressif très léger sur le rendement

 

Une haie du type de celle de Marcelcave a un effet dépressif sur le rendement de la culture en bordure de parcelle (sur une largeur de 5 m) mais qui est compensé par un rendement amélioré à distance de la bordure. Cela se voit surtout sur la culture de la pomme de terre. L’explication vient notamment d’une irrigation rendue plus régulière grâce à l’effet antidérive de la haie. Dix ans après la plantation des haies, la chambre d’agriculture a mesuré l’effet global d’une haie sur une parcelle contigüe - 1,1 % sur le rendement de la pomme de terre et entre - 0,65 % et - 0,8 % sur le blé. Une paille.


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