On savait déjà les racines des plantes capables de percevoir séparément
de nombreuses propriétés du sol (disponibilité en eau, en nutriments et
en oxygène), sans comprendre comment elles intègrent les variations
simultanées de ces différents signaux pour y réagir de manière adaptée.
Des chercheurs du CNRS et de l’Inra France viennent de découvrir un mécanisme
permettant à la plante d’ajuster son statut hydrique et sa croissance en
fonction des conditions d’inondation des sols. Publiés le 15 septembre
2016 dans la revue Cell, leurs travaux décrivent comment les
racines perçoivent de manière conjointe la teneur en potassium et en
oxygène du sol afin de moduler leur capacité à absorber l’eau. Outre
leur importance fondamentale, ces résultats permettent d’envisager une
optimisation de la tolérance des plantes cultivées aux inondations.
Cela ne se voit pas au premier coup d’œil mais
la croissance et la survie des plantes reposent largement sur leurs
racines, dont les ramifications dans le sol permettent d’y prélever
l’eau et les nutriments nécessaires. Ces activités souterraines
requièrent de l’énergie et donc une respiration intense des racines, qui
utilisent l’oxygène présent dans les cavités du sol. En cas
d’inondation, l’oxygène, qui diffuse mal dans l’eau, vient à manquer,
générant un stress sévère pour les racines et la plante. En conséquence,
la perméabilité à l’eau des racines de nombreuses plantes est réduite.
C’est ainsi que les plantes poussant dans un sol inondé voient parfois
leur teneur en eau réduite, et leurs feuilles flétrir – un paradoxe bien
connu des agronomes.
En utilisant différentes lignées de la plante modèle Arabidopsis thaliana,
des chercheurs du Laboratoire de biochimie et physiologie moléculaire
des plantes de Montpellier (CNRS/Inra/Université Montpellier/Montpellier
SupAgro) et de l’Institut Jean-Pierre Bourgin (Inra/AgroParisTech/CNRS)
ont identifié un gène qui contrôle la perméabilité à l’eau des racines,
sous l’influence conjointe des teneurs en oxygène et en potassium du
sol. Nommé HCR1, il réduit l’entrée d’eau dans les racines quand
l’oxygène fait défaut… mais uniquement quand le sol est aussi riche en
potassium, un sel minéral indispensable à la croissance des plantes. De
fait, ces conditions sont favorables à une meilleure récupération une
fois l’inondation passée. Aussi, le gène HCR1 déclenche toute une
série de réactions métaboliques de « survie » qui contribuent à la
résilience de la plante. Lorsqu’elle retrouve un sol oxygéné, la plante
réhydrate ses feuilles et croît davantage que si elle avait été
précédemment privée de potassium.
Outre leur
intérêt fondamental, ces recherches ouvrent des perspectives
importantes en agronomie. L’utilisation de l’eau par les plantes et les
performances des racines sont des cibles cruciales pour les
sélectionneurs de variétés cultivées. Mais dans la nature, les plantes
ne sont jamais exposées à un seul stress ; aussi les sélectionneurs
s’intéressent-ils aussi aux capacités des plantes à résister aux
contraintes multiples de l’environnement. L’identification d’un
mécanisme reliant disponibilité en oxygène, teneur en minéraux et
perméabilité à l’eau des racines est donc une avancée importante pour
l’agronomie. Ce mécanisme représente une cible prometteuse pour de
futurs travaux dans le domaine de l’amélioration des plantes.
- Contact(s) scientifique(s) :
- Christophe Maurel Biochimie et Physiologie Moléculaire des Plantes
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire