L'article publié le 11 mars 2016
Photo d'illustration.
Voisin / Phanie - AFP
Voisin / Phanie - AFP
Les nouvelles techniques du génie génétique permettent depuis quelques
années d'obtenir des plantes qui présentent les mêmes propriétés que les
OGM, mais qui échappent à leur cadre règlementaire. Ce vide juridique a
alerté de nombreuses associations qui réclament que le statut de ces
biotechnologies soit clarifié. Le risque ? Les voir arriver sur le
marché à l'insu des citoyens...
L'industrie et une partie de la recherche ne souhaitent
pas du tout voir l'encadrement strict des OGM se répéter. La Commission
européenne travaille sur la question depuis... 2007 ! Et devrait rendre
sa décision dans les prochaines semaines.
La recherche agronomique utilise les nouvelles techniques de
modification du vivant : activation ou suppression de gène,
recombinaison du génome, mutagenèse assistée... Ces nouvelles techniques
de sélection, nommées NBT, selon l'acronyme anglais New Breeding
Techniques, interviennent ainsi directement sur le génome des plantes ou
des animaux pour obtenir les caractères souhaités : tolérance à des
herbicides, résistance à un insecte où nanisme d'un animal par exemple.
Si les NBT relèvent bien du génie génétique, elles se distinguent de
la transgenèse (insertion d'un gène étranger dans le génome), qui a
caractérisé jusqu'à présent les OGM. Ces techniques produisent-elles des
OGM ? La réponse dépasse la simple question juridique, puisqu'elle
déterminera l'encadrement règlementaire des nouvelles variétés de
plantes et des nouvelles espèces animales qui vont arriver sur le
marché. Une chose est déjà sûre : la bataille rangée qui divise la
recherche et oppose l'agro-industrie aux organisations paysannes et
écologistes rappelle indéniablement celle des OGM.
Des modifications génétiques intraçables
Pour l'industrie des semences et une partie de la recherche
agronomique, ces nouvelles techniques de modification du génome se
distinguent des anciennes par leur précision. "On va faire de la dentelle", a ainsi déclaré Olivier Le Gall, directeur général délégué aux affaires scientifiques de l’Ira, interrogé par Agra Presse. Un argument qui veut démontrer que les techniques de la transgenèse étaient grossières.
Mais le principal argument est ailleurs : il ne reste aucune trace de
l'intervention humaine après la modification génétique. Pour les
défenseurs des biotechnologies, c'est la preuve de l'équivalence entre
les produits obtenus par des NBT et les produits naturels. Et c'est donc
un argument pour ne pas les voir tomber sous la réglementation OGM, qui
avait largement contraint la recherche et interdit la culture d'OGM
dans de nombreux pays européens. Plus cyniquement, les produits n'étant
pas identifiables, leur traçabilité devient difficile.
Polémique au HCB
Pourtant, de nombreuses voix s'élèvent contre cette vision des
choses. Différentes associations environnementales et paysannes pointent
au contraire qu'il y a bien une modification du génome et, qu'à ce
titre, l'étude des risques spécifiques à ces produits et l'information
des citoyens sont nécessaires. La polémique qui secoue aujourd'hui le
Haut Conseil des Biotechnologies (HCB) illustre ce bras de fer engagé
entre pro et anti-OGM.
Le HCB a rendu un avis début février, favorable à ne pas soumettre
les NBT à la réglementation OGM. Mais un des membres du comité
scientifique, Yves Bertheau, a démissionné, refusant d'être s’associé à
cet avis. Le chercheur de l’Inra de Versailles estime en effet que la
modification du génome peut avoir des effets non intentionnels qui
doivent être étudiés. Il rejoint ainsi les associations sur la nécessité
d'évaluer les risques sanitaires et environnementaux de ces nouveaux
produits.
Un boulevard pour le brevetage du vivant
Dans la foulée, les sept organisations paysannes et de la société
civile qui siègent au comité économique, éthique et social (CEES) du HCB
ont annoncé qu'elles boycotteront cette instance tant que la pluralité des avis sur les NBT ne sera pas respectée.
Pour ces organisations anti-OGM, un autre problème émerge avec ces
"nouveaux OGM" : le brevetage du vivant. En effet, les semences
produites grâce au génie génétique sont brevetables, car elles relèvent
d'une invention du semencier. Les principales industries agro-chimiques,
comme Syngenta, BASF ou Monsanto, ont déjà enregistré des dizaines de
demandes de brevets auprès de l'Organisation mondiale de la propriété
intellectuelle (Ompi) pour des semences obtenues grâce aux NBT, selon un rapport publié par l'ONG TestBiotech.
C'est au niveau européen que la décision du statut des NBT sera
prise. La Commission planche sur le sujet depuis près de 10 ans et doit
enfin trancher la question dans les prochaines semaines. Plusieurs
organisations s'inquiètent déjà de l'issue, compte tenu des pressions
exercées par les industriels... L'ONG Corporate Observatory Europe a
suivi le lobbying de l'industrie des semences et pointe en particulier
la création d'une organisation de lobbying ad hoc : la New Breeding Techniques Platform.
Magali Reinert
Source © 2016 Novethic
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