Déclin des abeilles : l'exposition des mâles à un pesticide affecte
indirectement la capacité de reproduction des reines selon un
rapport des chercheurs de l'Inra (Institut National de Recherche
Agronomique) publié dans la revue Scientific Reports début septembre 2016.
L'INRA de France vient d'annoncer que
l'exposition des abeilles mâles à un pesticide, le fipronil, un
néonicotinoïde, affecte indirectement la capacité de reproduction des
reines.
La mortalité dramatique des abeilles que nous observons depuis
plusieurs années, bien que contestée par les lobbies de l'agrochimie,
est sans aucun doute liée à l'utilisation massive des pesticides
de synthèse systémiques (captés par les racines et circulant dans la
sève), notamment ceux appartenant à la famille des néonicotinoïdes. Les
abeilles butineuses en puisant dans les fleurs gorgées de ces poisons
finissent par mourir.
Mais qu'en est-il des abeilles mâles ? Les pesticides dont la plupart
sont considérés comme des perturbateurs endocriniens chez l'homme
provocant, entre autres effets secondaires, des troubles de la fertilité
et de la fécondité, auraient-ils aussi un effet sur les mâles qui
jouent bien évidemment un rôle fondamental dans la reproduction des
colonies ?
La réponse est oui, viennent de déclarer les chercheurs de l'INRA dans un communiqué publié le 6 septembre 2016. Selon eux, "
l'exposition des abeilles mâles à un pesticide néonicotinoïde, le
fipronil, affecte la concentration, le taux de survie et le métabolisme
de leurs spermatozoïdes ".
Autre résultat original, précise l'INRA : " de jeunes reines vierges inséminées avec le sperme de ces mâles présentent une diminution de 30% du nombre de spermatozoïdes viables qu'elles stockent pour féconder leurs oeufs.
Ces troubles de la reproduction pourraient être une des causes du
déclin des colonies, largement observé dans le monde ces dernières
décennies ".
La fertilité des mâles altérée
Pour parvenir à ces constatations les chercheurs de l'Inra se sont
intéressés à la qualité des semences mâles. Ils ont élevé des mâles
(faux-bourdons) en conditions semi-contrôlées, de la naissance jusqu'à
la maturité sexuelle. Ils ont exposé quotidiennement une partie de ces
mâles au fipronil via un sirop contaminé à une faible concentration
environnementale, de 0,1 µg/L (0,1 ppb). Comme en conditions naturelles,
ces mâles ont été nourris jusqu'à leur maturité par une alimentation
récoltée par les butineuses. Ils ont ensuite réalisé prélèvements et
analyses. Et les résultats montrent que " le fipronil altère la
fertilité en affectant la concentration, le taux de survie et le
métabolisme des spermatozoïdes dans les semences des mâles sexuellement
matures ". Le fipronil est un insecticide, acaricide, termicide
utilisé notamment pour le traitement des semences sous le nom de Régent
commercialisé par le groupe BASF.
Beaucoup moins de spermatozoïdes viables dans la spermathèque des reines
Les chercheurs de l'Inra ont ensuite voulu savoir quelles
conséquences pouvait avoir une baisse de fertilité des mâles sur le
potentiel reproducteur de la reine, élément clé pour la colonie.
En effet, la reine, en s'accouplant au début de sa vie avec de
nombreux mâles, doit constituer un stock de spermatozoïdes dans sa
spermathèque, à partir duquel elle devra produire l'ensemble des
ouvrières de sa colonie et en assurer ainsi la pérennité.
Pour cela, ils ont inséminé artificiellement de jeunes reines vierges et ont observé, après deux semaines d'élevage en laboratoire, la qualité de remplissage de la spermathèque. Les résultats révèlent que ces jeunes reines non exposées, mais ayant été inséminées par des semences provenant des mâles exposés, présentent une diminution de 30% du nombre de spermatozoïdes viables stockés dans leur spermathèque pour fertiliser les oeufs.
Ainsi l'exposition des mâles au fipronil conduit à une altération
des mécanismes de sélection des meilleures semences retenues par les
reines. Et pour les chercheurs de l'INRA, " les préjudices d'une
telle atteinte du potentiel reproducteur pourraient être un facteur
explicatif de la défaillance des reines observée dans les exploitations
apicoles qui se traduit par des pertes prématurées des reines et/ou par
des effets sur la production des ouvrières, perturbant le bon
développement des colonies ".
Ces travaux montrent donc sans équivoque que des altérations
induites par les pesticides chez des mâles exposés peuvent avoir des
répercussions néfastes à l'échelle d'une colonie entière.
Il ne reste plus qu'à espérer que nos responsables politiques,
français et européens, lisent ce rapport de l'INRA publié dans la revue Scientific Reports,
comprennent la gravité de la situation, et prennent enfin la décision
d'interdire définitivement, et sans délai, les pesticides de synthèse
néonicotinoïdes. Car outre les effets toxiques de ces produits chimiques
pour notre santé, la disparition des abeilles pollinisatrices serait une catastrophe majeure pour l'humanité.
José Vieira
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