Après avoir passé en revue les données mondiales concernant près de 40.000 espèces sur 18.000 sites, des biologistes britanniques concluent que, dans plus de la moitié des terres émergées, la biodiversité est descendue sous une valeur considérée comme la limite. En dessous, les écosystèmes peuvent s’écrouler.
Les pertes de biodiversité sont aujourd’hui souvent assez bien documentées dans différents milieux. Entre agriculture et urbanisation, les disparitions d’espèces,
localement ou globalement, sont indéniables. Mais est-ce grave ? Pour
la première fois à cette échelle et avec cette précision, des
scientifiques, emmenés par Tim Newbold, de l’UCL (University College London), ont dressé un bilan de l’évolution du nombre d’espèces d’écosystèmes terrestres.
Les chercheurs ont travaillé sur 2,38 millions de
données, concernant 39.123 espèces, recueillies sur 18.659 sites par des
centaines de scientifiques collaborant au projet Predicts (Projecting Responses of Ecological Diversity In Changing Terrestrial Systems). Ce patient dénombrement a conduit à une estimation de la biodiversité jusqu’à une unité de surface de 1 km2.
Le résultat, décrit dans la revue Science, quantifie le déclin par « biome », c’est-à-dire par type d’environnement (prairie, désert, forêt tempérée…),
en comparant avec le nombre d’espèces « originel », c’est-à-dire avant
que les activités humaines n’aient modifié l’habitat. Les auteurs ont
considéré une limite, un « seuil de sensibilité », en deçà duquel
l’équilibre n’est plus possible. Cette notion avait déjà été évoquée
dans des travaux antérieurs sur les « frontières planétaires ». En 2009, des chercheurs avaient défini des domaines où les activités humaines peuvent dépasser les capacités de résistance de la planète. De la biodiversité à l’utilisation de l’eau douce en passant par le climat et les cycles de l’azote et du phosphore,
l’étude en pointait neuf. En 2014, une autre équipe affirmait que
quatre de ces frontières avaient été franchies ou allaient bientôt
l’être.
En rouge, les régions où la perte de biodiversité dépasse la limite considérée comme le seuil de sensibilité. En jaune, celles où elle l'approche. En bleu, les régions où la biodiversité se maintient bien. © UCL
58,1 % des terres émergées sous la limite
D’après l’étude de l’équipe de Tim Newbold, la biodiversité est passée sous ce seuil, établi à 10 %, sur 58,1 % des terres émergées. « Sur ces territoires vivent 71,4 % des êtres humains » soulignent les chercheurs dans le communiqué de l’UCL. Les biomes les plus affectés seraient les prairies,
les savanes et les brousses. C’est essentiellement l’exploitation de
ces surfaces pour les activités humaines qui en font fuir des plantes et
des animaux. « Les plus grands changements se sont produits là où les humains sont les plus nombreux » constatent les chercheurs.
Les conséquences d’une dégradation de ces écosystèmes – désertification
par exemple – ont aussi un impact fort sur les populations humaines et
les chercheurs concluent en exhortant les pouvoirs publics à préserver,
autant que faire se peut, des milieux naturels.
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