Par L'Atelier - San Francisco 26 juillet 2016
L’agriculture cellulaire permet de reproduire des
protéines animales sans recourir à l’élevage. Une alternative pour
répondre aux défis du secteur agricole et aux besoins alimentaires
croissants liés à la démographie et à l’urbanisation.
La population mondiale grandit inexorablement. Selon les Nations Unies,
la planète comptera 9,7 milliards d’habitants en 2050. Et ce sont les
villes qui accueilleront la majorité de la population. Si, en 1960, les
citadins représentaient 34 % de la population mondiale,
ils atteignaient 54 % en 2014. Et on s’attend à ce que la population
urbaine augmente de 2% par an en moyenne d’ici 2030. Ces 2 milliards de
bouches supplémentaires à nourrir et cette concentration vers les zones
urbaines invitent à repenser l’ensemble de la chaîne de production et de
distribution alimentaire.
Les enjeux environnementaux sont également de taille. D’après l’ONG Global Footprint Network,
si nous maintenons notre rythme de croissance actuel, il faudrait 2
planètes pour subvenir à nos besoins en ressources naturelles d’ici
2030.
L’agriculture, premier secteur impacté, doit donc produire
davantage, dans un contexte de restriction des réserves (épuisement des
sols et des nappes phréatiques). Le bât blesse particulièrement du côté
de la production animale. À l’échelle mondiale, 18% des émissions de CO2 proviennent de la production de viande seule. Et il faut aujourd’hui 1 670 litres d’eau pour
produire 500 grammes de viande de bœuf. En parallèle, la consommation
de viande croît à un rythme effréné. Dans les pays en développement, là
où l’augmentation de la population est la plus vigoureuse, la
consommation de viande a augmenté de 5 à 6 % par an au cours des dernières décennies, celles du lait et des produits laitiers de 4 % environ.
La pression exercée sur la production animale donne naissance à une
agriculture industrielle intensive, polluante. Aux États-Unis, entre 1997 et 2012, la taille des élevages laitiers a doublé
tandis que les élevages allaitants (élevages destinés à la production
de viande) sont passés de 3 800 têtes en moyenne à plus de 4 000.
Les défis de l'agriculture, tirée de l'étude "AgTech: Will technology feed and save us?" par L'Atelier BNP Paribas
Pour tenter de relever ces défis, plusieurs solutions émergent. L’AgTech avec l’agriculture pilotée par la donnée permet une optimisation des tâches pour les agriculteurs. L’agriculture urbaine,
verticale, en intérieur ou en extérieur, ouvre également la voie pour
répondre aux besoins d’approvisionnement des smart cities.
Une alternative de rupture se fait aujourd’hui entendre,
notamment en Californie, terre agricole et d’innovations : l’agriculture
cellulaire. Grâce aux avancées en matière d’ingénierie tissulaire et de biologie de synthèse,
cette forme d’agriculture entend produire de la viande, des œufs, des
produits laitiers mais aussi du cuir, et potentiellement bien d’autres
produits dérivés d’animaux, en ayant recours à la culture cellulaire et
non à l’élevage animal traditionnel.
Deux types de produits peuvent être réalisés par le biais
de ce type d’agriculture en laboratoire : des produits non-cellulaires
(protéines et composés organiques tels que la vanilline, la gélatine ou
encore l’ovalbumine et la caséine) et des produits cellulaires (tels que
la viande, les abats ou le cuir).
Le produit final, qu’il soit issu d’une culture classique végétale ou
animale ou d’une culture en laboratoire, est le même. Seul le procédé
de production change, précise New Harvest,
une ONG qui finance des projets dans le domaine et rassemble une
communauté de scientifiques et d’intéressés pour contribuer à vulgariser
le concept.
L’insuline, premier acide aminé produit dans des boîtes de pétri
Les produits non-cellulaires sont créés en boîtes de pétri
(boîte pour la mise en culture de micro-organismes) grâce à
l’intervention de microbes (levures ou bactéries), dans lesquels on
insère le gène responsable de la création de la protéine que l’on
souhaite générer. Cette technique n’a rien de nouveau. L’insuline,
découverte en 1889, était historiquement prélevée à partir du pancréas
de porcs et de bœufs. Une pratique difficilement industrialisable. En
1978, trois scientifiques, Arthur Riggs, Keiichi Itakura et Herbert
Boyer introduisaient pour la première fois le gène porteur de l’insuline
humaine au sein d’une bactérie, de sorte que celle-ci puisse reproduire
à l’identique l’insuline générée par les humains. Trente ans plus tard,
la grande majorité de l’insuline utilisée dans le monde est produite
par des bactéries et des levures.
Un scénario similaire est à observer dans le fromage. Au coeur de sa fabrication siège la présure,
un coagulant naturel, à l’origine extrait de la caillette des veaux (le
quatrième estomac des jeunes ruminants). Aujourd’hui, la présure
d’origine animale n’est plus le seul coagulant utilisé pour la
réalisation des fromages, l’industrie agroalimentaire a également
recours à des ferments lactiques, par exemple. Et depuis 1990, (date à
laquelle la FDA - Food and Drug Administration - a validé le procédé),
bon nombre de fromages américains sont réalisés grâce à de la présure
produite par des levures et des bactéries élevées en laboratoire.
Les procédés de l'agriculture cellulaire expliqués par New Harvest
Le premier burger « in vitro »
Si ces techniques ne datent pas d’hier, elles sont
aujourd’hui amplifiées par les dernières avancées en matière de
biotechnologies. En 2005, les premières recherches scientifiques ont été entamées aux Pays-Bas et en 2009, la toute première viande de laboratoire a été créée. En 2013, Mark Post,
un chercheur néerlandais de l’Université de Maastricht, faisait
sensation en révélant aux yeux du monde l’existence du « premier burger
in vitro », un projet sur lequel une poignée de scientifiques a
travaillé pendant deux ans, pour un coût total de ... 350.000 dollars !
Depuis peu, c’est au tour des start-ups de s’emparer de ce sujet d’actualité. L’Atelier a notamment identifié 21 start-ups américaines spécialisées
dans l’agriculture cellulaire. Au cours des cinq dernières années,
elles ont attiré pas moins de 567,2 millions de dollars. Bill Gates a
ainsi investi dans les start-ups Impossible Foods et Beyond Meat.
Cette dernière a également été soutenue par les deux cofondateurs de
Twitter. Deux approches se dessinent parmi ces jeunes pousses : celles
qui se lancent dans la culture de viande, œufs, produits laitiers et
fromages à partir de cellules souches animales et celles qui puisent
protéines et autres éléments constitutifs d’un produit dans le règne
végétal afin d’en reconstituer l’aspect, le goût et les propriétés
nutritionnelles.
Very interesting article by Pauline Canteneur
RépondreSupprimer