Jean-Paul Fèvre, le succès par la racine… Photo ER
À première vue, elle a tout de banal cette plante volubile originaire
 de Chine installée sur l’un des plateaux de la vaste serre d’un hectare
 qui abrite « l’usine photosynthétique » de la société PAT, acronyme de 
Plant Advanced Technologies. Mais dans son chevelu racinaire, cette 
sorte de liane recèle une molécule qui permet d’éclaircir la peau et de 
restaurer la sensibilité cutanée. Bref, un pouvoir bénéfique qui n’a pas
 échappé au juteux marché de la cosmétique.
PAT, c’est l’histoire 
d’une star-up née en 2005 des investigations fertiles d’une poignée de 
biologistes de l’École nationale supérieure d’agronomie et des 
industries alimentaires (Ensaia de Nancy-Vandœuvre) et de l’INRA. Un 
coup de génie vite breveté et désormais décliné en recherche et 
production sur le site de Laronxe, l’un des hauts lieux de la tradition 
maraîchère du Lunévillois.
« Cette serre est unique au monde »
En
 11 ans d’existence, l’entreprise a grandi. Elle compte aujourd’hui une 
cinquantaine de salariés et table sur une forte perspective de 
croissance dans les domaines de la cosmétique, de la pharmacologie et de
 l’agrochimie. Tout cela grâce aux propriétés de la diversité du règne 
végétal. Dans ce lieu où poussent pour l’instant quelque 200 espèces de 
la flore exotique et autochtone dans une atmosphère à 30 °C de moyenne, 
les pensionnaires sont nourris au niveau de leurs racines par 
vaporisation, un nuage de 30 secondes toutes les trente minutes. Les 
plantes ne se développent donc hors-sol. D’où ce terme de culture « 
aéroponique » qui assure, sur un espace réduit, une forte productivité 
sans le moindre impact négatif sur l’environnement. « Cette serre est 
unique au monde. Sa vocation n’est pas de produire des fleurs, mais des 
molécules. Nous sommes des moléculteurs », sourit Jean-Paul Fèvre, le 
PDG de PAT. Ingénieur de formation dans l’agriculture, ce Champenois a 
engagé plus de 10 millions d’euros dans l’aventure. Une mise de taille, 
mais les promesses de sa start-up innovante ont séduit la Région 
lorraine qui, à travers le consortium ProBioLor, l’a soutenue à hauteur 
de 3,2 millions d’euros.
Le processus de stimulation tenu secret
La
 PME a en outre très tôt tapé dans l’œil des majors de la cosmétique, à 
l’image de la Maison Chanel. « Ils ont cru en nous. Nous leur livrons 
une molécule qui entre dans la composition du « Lift », l’une de leurs 
crèmes anti-âge les plus vendues ». Un client si prestigieux, ça aide, 
d’autant que tous les fabricants privilégient désormais l’usage 
d’éléments naturels dans la conception de leurs produits.
À 
Laronxe, PAT exploite ainsi avec les racines « la partie la moins 
explorée, mais sans doute la plus riche du monde végétal », poursuit son
 patron. « La capacité est prévue pour accueillir chaque année une 
centaine de variétés supplémentaires ». Ici, aucune plante n’est 
détruite. Par le biais d’un processus ingénieux et tenu secret de 
stimulation, on extrait ses molécules après une immersion dans des bains
 de solvants. Le végétal retrouve ensuite sa place dans le circuit où sa
 motte racinaire va se régénérer. Gros avantage : cette méthode de 
traite inédite permet de récupérer 50 à 100 fois plus de précieuses 
molécules qu’une opération classique sur de la matière sèche.
Voilà
 pourquoi le concept de la PME Lorraine suscite tant d’intérêts, 
notamment chez le leader mondial de la chimie, l’allemand BASF avec 
lequel elle a noué un partenariat dans le domaine des biopesticides, une
 alternative à la chimie phytosanitaire.
PAT est une affaire qui 
marche. Elle possède déjà trois filiales, dont l’une sur l’île de La 
Réunion et ses recherches s’orientent depuis 2010 sur la pharmacologie 
où ses découvertes pourraient servir contre la maladie d’Alzheimer. Une 
plante de la Réunion offre déjà des résultats étonnants : « l’activité 
antioxydante de l’une de ses molécules a été testée sur des animaux 
malades qui ont récupéré après traitement plus de mémoire que des 
animaux sains ! ». Une piste à creuser contre ce fléau.
                                                                                          Patrice COSTA


Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire