Mercredi 22 juin 2016 •
Sébastien Duquef
•
Terre-net Média
Dans la Somme, une
expérimentation sur l'agriculture à l'ère du numérique est menée en
direct depuis un an. Chez Jean-Marie Deleau, les robots binent à la
place des humains et les drones survolent les champs pour collecter des
données sur l'état des cultures. Objectif : mettre en place
l'agriculture de demain, économiquement viable et toujours plus
respectueuse de l'environnement.
Dans la ferme 3.0, les drones permettent de collecter des données sur l'état des cultures. (©Terre-net Média)
La ferme du futur
pourrait ressembler à la sienne. A Aizecourt-le-Haut (Somme),
l’exploitation de Jean-Marie Deleau a fait son entrée dans l’ère du
numérique l'année dernière, lorsqu’il a signé un partenariat avec la
Chambre d’agriculture et Agro-transfert Ressources et territoire, la
plateforme d’application et de transfert de la recherche agronomique. 85
ans après sa création, la ferme agro-écologique désormais 3.0 de
Jean-Marie s’est donc transformée en laboratoire à ciel ouvert. De quoi
satisfaire l’agriculteur, qui a toujours souhaité contribuer aux
évolutions de son métier, comme son père et son grand-père avant lui.
Depuis un an, 23 essais différents ont été conduits dans les domaines de la robotique , de l’ agriculture de précision et de l’ agriculture connectée .
« L’agriculture connaît sa seconde révolution. Après celle de la
mécanisation, l’enjeu est maintenant d’appliquer l’informatique à la
mécanique », explique Jérôme Cipel, chargé de la numérisation des
données à la Chambre d’agriculture de la Somme. Pour y parvenir, les
travaux les plus pénibles devront être délégués aux machines. Le temps
et l’énergie économisés pourront être réinvestis dans la gestion de
l’exploitation et la prise de décisions.
« Notre objectif est de
tester toutes les innovations, grandeur nature, avec des
expérimentations menées à la fois en micro-parcelles, en bandes et dans
des parcelles entières », précise Aurélien Deceuninck, responsable
d'équipe productions végétales à la Chambre d'agriculture de la Somme.
« Une étape incontournable avant de les diffuser, pour mesurer leur
acceptabilité technique, économique et sociale », insiste-t-il. En
effet, pas question de revoir à la baisse les objectifs de rentabilité
de Jean-Pierre Deleau, ni de toucher à son effectif de salariés. En
France, une dizaine d’autres fermes testent déjà le numérique mais
l’exploitation de la Somme est la seule à prendre en compte l’aspect
économique. Autre avantage, elle est idéalement située : elle regroupe
tous les types de sols présents dans la région Hauts-de-France.
Le robot Oz remplace trois personnes
« Nous testons actuellement deux robots », explique le technicien. Le premier, un engin de désherbage, est fourni par Naïo technologies .
« Oz se promène seul entre les rangs de la culture et supprime les
adventices avec l’outil arrière. À lui seul, il remplace trois
personnes. » Le robot est programmable grâce au guidage laser et à une
caméra. Il est capable de suivre une personne et apporte ainsi une aide
précieuse. Pratique par exemple pour transporter les charges à votre
place.
Le second appareil, conçu par l’ Irstea ,
communique avec un tracteur via un réseau Wi-Fi. Il le suit à la trace
et, par l’intermédiaire du GPS, passe exactement au même endroit ou se
déporte de quelques mètres. Plusieurs robots peuvent accompagner le
tracteur. Objectif ? Limiter le tassement des sols. La largeur de
travail augmente tout en réduisant le poids de chaque engin. La
répartition s’effectue sur plusieurs matériels, eux-mêmes plus légers
car nécessitant moins de puissance.
Le robot de l'Irstea est l'auxiliaire du tracteur grâce à une communication Wi-Fi (©Terre-net Média)
Autres appareils désormais devenus incontournables, les drones sont présents dans les champs pour collecter des données. « Ici, trois dispositifs de type avion cartographient les parcelles et nous informent entre autres sur le stress hydrique , la quantité d’azote à apporter , la présence de maladies », commente Aurélien Deceuninck. Des drones hélicoptères
sont même en mesure de survoler les cultures de plus près. À environ un
mètre, ils peuvent fournir des informations sur la flore adventice.
Ensuite, un logiciel de reconnaissance faciale, adapté aux besoins
agricoles, détecte les mauvaises herbes. Un autre appareil, qui embarque
jusqu’à 10 kg de matériel, est capable de pulvériser du désherbant
uniquement sur la plante à éliminer.
Face à ces merveilles de technologie, le coût de l’innovation
pourrait pourtant en faire hésiter plus d’un. Un drone hélicoptère
coûte entre 2 500 et 10 000 € selon le poids qu’il embarque. Le prix
d’un drone avion peut monter jusqu’à 25 000 €. Les solutions proposées
par les différents acteurs du marché sont loin d’être gratuites mais
Jérôme Cipel l’assure : « l’agriculture de précision est toujours
rentable ». Il considère même qu’il s’agit d’un cercle vertueux. « Plus
les informations sont perfectionnées, plus elles s’affinent »,
détaille-t-il. « Les coûts seront de toute façon amortis », appuie
Daniel Roguet, président de la Chambre d’agriculture.
message d'espoir pour l'avenir
Toutes
les données acquises peuvent être recoupées avec d’autres, provenant de
nombreuses sources : météo, satellites, etc. Le logiciel de la Chambre,
Mes parcelles , les centralise pour fournir à
l’exploitant des préconisations plus fines. « Le conseil doit être
personnalisé, pour identifier les niches d’optimisation, explique Jérôme
Cipel. Notre travail porte sur du vivant. Il est imprévisible et évolue
sans cesse. C’est pourquoi il est nécessaire de fonctionner au cas par
cas. »
Le numérique permettra principalement de limiter le recours aux intrants , donc respecter davantage l’environnement , et de diminuer les coûts de production .
Une idée qui va séduire les « ageekculteurs » et permettre de voir
venir l’avenir avec un peu plus de sérénité. « C’est un message d’espoir
que l’on tente d’envoyer aux jeunes », fait valoir Daniel Roguet.
© Tous droits de reproduction réservés - Contactez Terre-net
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