Deux agronomes américains viennent de
dévoiler les résultats de 40 ans de recherches sur l’agriculture
biologique. Cette dernière suffirait bel et bien à nourrir les sept
milliards d’humains que nous sommes, et ce sans causer de problèmes
environnementaux et sanitaires.
Avant l’apparition de
l’industrialisation de l’agriculture, le terme biologique n’existait
pas. Tout ce qui était produit l’était sans toutes ces choses que sont
les produits chimiques ou encore les semences OGM, alors que le
savoir-faire était tout autre, dans le respect des consommateurs, des
animaux et de l’environnement. Cette forme d’agriculture est plutôt
marginale aujourd’hui, bien qu’en évolution, mais est en général plus
issue d’une mode que d’une réelle volonté de réduire les impacts
environnementaux.
Les guerres et autres famines ont permis
aux investisseurs de surfer sur la vague de la « sécurité
alimentaire », alors que les grands semenciers et grandes compagnies de
l’agroalimentaire ont endossé un rôle (très relatif) de « grands
nourriciers de la planète ». Pourtant, après plusieurs décennies
d’agriculture intensive, près d’un milliard de personnes vivent sous le
seuil de pauvreté dans le monde, au mépris de la biodiversité, de la
qualité des sols et de la ressource eau, alors que l’on assiste à une
véritable standardisation des semences, réduisant terriblement le
« catalogue » que nous a offert la nature.
En février 2016, John Reganold et Jonathan Wachter, deux experts en agronomie de la Washington State University, ont synthétisé et publié dans la revue Nature Plants
40 années de recherches sur l’agriculture biologique. Ces recherches
ont été menées sur la base de quatre critères différents : la
productivité, les performances économiques, l’impact environnemental
ainsi que le bien-être social. Les résultats sont en général très
positifs.
« Nous devons aussi réduire le
gaspillage alimentaire, améliorer l’accès et la distribution de
l’alimentation, stabiliser la population mondiale, éliminer la
conversion des cultures en biocarburants et nous orienter vers une
alimentation plus tournée vers les végétaux » indiquent les chercheurs, qui remettent en cause le système actuel et nos modes de vie.
À propos des deux critères que sont le
bien-être et l’impact environnemental, les effets sont positifs, c’est
indéniable. S’alimenter avec des produits de meilleure qualité
nutritionnelle et n’ayant pas nécessité un gaspillage de l’eau et
diverses pollutions, c’est mieux et cela semble couler de source. Au
niveau des performances économiques, il est possible de dire qu’elles
sont meilleures, car, l’agriculture demandant plus de soin et de temps,
de nombreux emplois sont créés.
Le « hic » proviendrait du dernier
critère, la productivité. Il s’agit du principal reproche fait à
l’agriculture biologique puisque les rendements seraient inférieurs de 8
à 25% face à l’agriculture intensive, suivant les types de plantation.
Si l’on prend le blé, l’agriculture bio n’est pas compétitive, mais une
telle comparaison n’est pas viable. En effet, les semences de blé ont
été sélectionnées (ou modifiées) pour un couplage avec l’agriculture
intensive et il faudrait réaliser des études sur les semences qui
pourraient optimiser les rendements de l’agriculture biologique. Pour
chaque denrée, il existe des dizaines voire des centaines de variétés
différentes, mais à l’heure de la standardisation, où en sommes-nous
réellement ?
« Des centaines d’études
scientifiques démontrent maintenant que l’agriculture bio devrait jouer
un plus grand rôle pour nourrir la planète. Il y a 30 ans, il y avait à
peine quelques études comparant l’agriculture bio à la conventionnelle.
Ces 15 dernières années, leur nombre a explosé. »
Il est également possible de
s’interroger sur la manière de cultiver les sols. L’agriculture
intensive a été façonnée pour la monoculture sur d’énormes parcelles
(openfield), alors que l’agriculture biologique se débrouille bien mieux
sur des surfaces plus réduites et utilisées en polyculture (mélange des
plantations). De plus, la rotation des cultures est quelque chose de
très important afin de garder les sols fertiles, tandis que
l’agriculture biologique permet d’économiser la ressource eau.
La vocation des surfaces cultivables a
aussi son importance. En effet, une partie de ces surfaces est cultivée
pour l’alimentation animale (industrie de la viande et du lait). Ainsi,
en réduisant la consommation de viande à l’échelle mondiale, ces mêmes
parcelles pourront servir à nourrir les Hommes. Une partie du problème
se situe dans nos modes de vie, car beaucoup de personnes sont encore
très attachées à la consommation de viande et ne pensent pas un seul
instant pouvoir s’en passer, le plus souvent pour des raisons de plaisir
gustatif, mais parfois aussi par peur de ne pas rester en bonne santé.
Il est effectivement difficile de se
passer de viande, surtout que les aliments végétaux ont perdu beaucoup
de leur qualité nutritionnelle d’antan, justement à cause de
l’agriculture intensive. C’est pour cela que certains se tournent vers
l’agriculture biologique, mais ces produits sont souvent onéreux et
remplir son caddie peut multiplier par quatre la facture en arrivant en
caisse, donc pas pour toutes les bourses. Paradoxal n’est-ce pas ? Oui,
nous vivons dans ce monde.
Sources : France Inter – PositivR – EurActiv
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