Écrit par
Hélène Gosselin
L’emballage, issu de résidus d’huileries,
de laiteries ou de paille de blé broyée convient très bien à la
conservation des fruits et légumes. photo dR
L'utilisation de l'article, la reproduction, la diffusion est interdite - LMRS - (c) Copyright Journal La Marseillaise
Le projet européen Ecobiocap pourrait révolutionner toute la chaîne de l’emballage. C’est du moins son ambition.Des chercheurs montpelliérains ont mis au point un matériau complètement biodégradable à partir des déchets agricoles et agro-alimentaires.
Les magasins où l’on pioche la nourriture en vrac commencent à
ouvrir, les sacs plastiques sont désormais interdits en caisse, on voit
fleurir les boîtes et sachets en papier et carton, recyclables. Mais dès
qu’il s’agit de produits frais, la nécessité de permettre une bonne
conservation rend le conditionnement plus contraignant. D’où les boîtes
en plastique, issus de la chimie du pétrole, qui s'alignent sur les
rayons des supermarchés.
« Nous travaillons à la réduction de la quantité de plastique qui se
retrouve dans l’environnement. Lorsque tous ces déchets seront réduits à
la taille nanoscopique les conséquences seront très lourdes, explique
la coordinatrice du projet européen Ecobiocap, Nathalie Gontard, du
laboratoire Ingénierie des agropolymères et technologies émergentes*.
Les plastiques mettront 100 à 200 ans à se dégrader jusqu’à atteindre
cette taille et leur utilisation massive date de 50 ans. » Les effets
s’en feront sentir sur les toutes prochaines générations. Cinq millions
de tonnes d’emballages ménagers sont jetés chaque année et seul 1% est
biodégradable. Quant au recyclage, il est très loin d’être assez
opérationnel pour éviter une accumulation de déchets qui s’avère toxique
pour les sols, les cours d’eau, les espèces végétales et animales,
terrestres ou marines et l’Homme par ricochet.
« Nous devons trouver une solution pour éliminer les emballages et
réduire le gaspillage alimentaire, notamment en travaillant sur la
conservation des produits frais, tels que les fruits et légumes, qui
passeront moins en pertes. L’objectif est d’améliorer l’atmosphère
modifiée à l’intérieur de l’emballage pour une meilleure conservation
sans additif », poursuit Nathalie Gontard. Les bioplastiques mis au
point jusqu’à présent utilisent l’amidon et mobilisent donc des
ressources alimentaires : maïs, pomme-de-terre ou blé. Contre-productif
au regard de la nécessité de nourrir la population grandissante.
Depuis cinq ans, les équipes ont lancé plusieurs projets dont
Ecobiocap, qui s’appuie sur la réutilisation des déchets
agro-alimentaires et agricoles pour créer un nouveau matériau.
Un sosie du plastique mais bio
Les chercheurs ont travaillé à transformer des déchets agricoles
liquides, provenant de laiteries ou d’huileries, pour créer un
biopolyestère et des déchets solides, dont la paille de blé pour obtenir
des fibres ligno-cellulosiques. Le produit final est un matériau
ressemblant comme deux gouttes d’eau au plastique mais totalement
biodégradable. Un premier pas qui résonne comme un fol espoir.
« Depuis octobre dernier, le projet est devenu deux fois plus gros,
avec un financement de 8 millions d’euros et 32 partenaires, dont
4 chinois, s’enthousiasme Nathalie Gontard. Nous allons poursuivre la
démarche avec la valorisation de sarments de vignes. L’objectif est de
trouver des solutions localement dans un contexte plus large de
valorisation des déchets agricoles ». Bioénergies, biofertilisations,
biomolécules, bioemballages... Remplacer le pétrole par des résidus
agricoles au niveau local, une démarche qui va être expérimentée dans
trois régions : Languedoc en France, Veneto en Italie et Bavière en
Allemagne. « Il s’agit d’une démarche d’économie circulaire qui
permettrait d’éviter d’épuiser les ressources et d’accumuler des
déchets. Il serait possible de la mettre en place à grande échelle d’ici
2030 ».
Révolutionnaire, mais les industries, les pouvoirs publics, la
population seront-ils prêts ? « Je pense que nous n’aurons pas le
choix », répond Nathalie Gontard sans ambages.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire