mercredi 5 octobre 2016

Les insectes envahissants rongent l’économie

Le 04 octobre 2016 par Romain Loury


Chaque année, les insectes envahissants coûteraient au moins 69 milliards d’euros à l’économie mondiale, selon une étude française publiée mardi 4 octobre dans la revue Nature Communications. Un chiffre probablement très sous-estimé, de l’avis même de ses auteurs.

Dans sa base de données sur les espèces envahissantes, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) dénombre 81 insectes partis à la conquête de nouveaux territoires, dont ils menacent la biodiversité, l’agriculture et la santé humaine. Peut-on chiffrer déjà ces dégâts? C’est ce qu’a tenté de faire l’équipe de Franck Courchamp, directeur de recherche au laboratoire Ecologie, systématique et évolution (université Paris-Sud/CNRS/AgroParisTech).


Portant sur 737 articles scientifiques publiés, l’analyse de la littérature menée par les chercheurs révèle que l’atteinte aux biens et services s’élève à au moins 70 milliards de dollars par an (62,7 milliards d’euros) et celle à la santé humaine à 6,9 milliards de dollars (6,2 milliards d’euros), soit un coût total annuel de 69 milliards d’euros.

Parmi les principaux coupables identifiés, le termite de Formose (Coptotermes formosanus), la teigne des choux (Plutella xylostella), le longicorne brun de l’épinette (Tetropium fuscum), le bombyx disparate (Lymantria dispar) et le longicorne asiatique (Anoplophora glabripennis).

Un chiffre minimal

Ces chiffres pourraient être lourdement surestimés, reconnaissent les auteurs. D’une part parce que, au-delà des Etats-Unis, rares sont les études à avoir chiffré, même en Europe, les coûts liés aux insectes envahissants. Par une extrapolation statistique, les chercheurs estiment qu’en ôtant ce biais de publication, le chiffre pourrait s’élever à 270 milliards de dollars par an.
Et ce n’est pas tout: pour de nombreux insectes envahissants, il n’y a tout simplement aucune étude économique, où que ce soit. Exemple, le ver du cotonnier, insecte vorace qui s’en prend à environ 80 espèces de plantes. De même, plusieurs secteurs économiques sont peu ou pas étudiés, notamment la perte de biodiversité occasionnée par ces insectes.

La pollinisation aussi touchée

Contacté par le JDLE, Franck Courchamp explique ainsi qu’il n’existe en France aucune donnée économique sur le frelon asiatique (Vespa velutina nigrithorax), qui dévore les abeilles à l’entrée de la ruche. Or selon une récente étude, les services écosystémiques liés à la pollinisation s’élèveraient à 153 milliards de dollars par an au niveau mondial, soit 9,5% de la valeur mondiale de la production agricole, selon l’Institut national de la recherche agronomique (Inra).
Quant à la santé, les études sont là aussi peu nombreuses: les chercheurs n’ont pu tenir compte que des coûts directs (médicaments, prise en charge), pas des indirects (perte d’activité, d’éducation pour les enfants). Selon leurs estimations, 84% des 6,9 milliards de dollars annuels seraient liés à la dengue, 15% à la fièvre du Nil occidental, deux maladies qui se contractent par piqûre de moustique.

Une prévention à améliorer

Face au réchauffement climatique et à la mondialisation des échanges commerciaux, peut-on empêcher l’arrivée et l’implantation d’insectes envahissants? Difficile, mais pas impossible. «Mieux vaut prévenir que guérir: pour la santé, on estime que les mesures de prévention et de contrôle après introduction coûtent 10 fois moins cher que les coûts engendrés par la suite. On ne peut pas empêcher le commerce, mais on peut mettre en place des mesures de biosécurité, ce que font déjà très bien l’Australie et la Nouvelle-Zélande», explique Franck Courchamp.

«On le fait déjà pour les eaux de ballast [pour les espèces marines envahissantes, ndlr], on pourrait très bien le faire pour les cargaisons sensibles, telles que le bois, les céréales, les fruits et légumes. On pourrait également tenter d’intercepter ces ‘pests’ dès leur arrivée, ou mettre en place des protocoles pour les éradiquer au niveau des poches d’invasion. Cela reviendrait beaucoup moins cher que d’avoir à lutter contre les dégâts par la suite», ajoute le chercheur.

Source


                                              Le journal de l'environnement

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