Au Néolithique, la domestication des plantes et des animaux a été particulièrement bénéfique aux hommes.
Selon une équipe de six chercheurs chinois
en génétique des populations, l’avènement de l’agriculture n’a pas
seulement coïncidé avec une croissance démographique générale de
l’humanité mais a été particulièrement bénéfique aux hommes. Elle leur a
notamment permis de se reproduire entre dix et cent fois plus que leurs
ancêtres chasseurs-cueilleurs. Un phénomène retracé grâce à la
généalogie du chromosome Y et s’expliquant probablement par la réduction
de la mortalité masculine induite par la chasse.
L’histoire est connue: voici 10.000 à 12.000 ans environ, les
populations du Croissant fertile domestiquaient quelques plantes et
animaux sauvages et donnaient naissance à l’agriculture. Ce que l’on
sait aussi, c’est que son émergence s’est accompagnée d’un boom démographique,
parce que l’agriculture est bien plus fortiche pour nourrir des bouches
en série que la chasse, la cueillette et le raclage de charognes au
petit bonheur la chance, sur lesquels comptaient nos ancêtres
paléolithiques pour assurer leur subsistance.
à où les scientifiques peuvent chicaner, c’est sur la direction de
cette corrélation: est-ce que les populations humaines ont augmenté
parce que l’agriculture est un merveilleux carburant démographique ou est-ce qu’a contrario la révolution néolithique
est survenue parce que l’humanité avait commencé à s’étendre et
ressentait un besoin pressant de rentabilité et de profitabilité
énergétiques? En effet, des études datant des années 2010 et fondées sur l’analyse de notre ADN mitochondrial (celui que transmet maman) concluent que l’espèce humaine a commencé à pulluler dès la fin du dernier maximum glaciaire,
voici à peu près 15.000 ans. Ce qui laisserait entendre que la
démographie aura été un moteur de l’invention de l’agriculture, et non
l’inverse.
Réduction de la mortalité masculine
C’est dans ce contexte, et grâce aux progrès exponentiels que connaît la génétique des populations
ces dernières années, que Chuan-Chao Wang, Yunzhi Huang, Shao-Qing Wen,
Chun Chen, Li Jin et Hui Li ont voulu dépiauter le chromosome Y de 526
hommes –soit 8,9 millions de paires de base au total– répertoriés dans le projet 1000 Génomes.
Ces hommes sont issus, génético-démographiquement, de trois populations
africaines, cinq européennes, trois asiatiques et trois américaines.
Leur étude confirme une évolution démographique différenciée
entre mâles et femelles humains. Ce que montrent les études sur l’ADN
mitochondrial, c’est que la plupart des lignées maternelles en Europe et
en Asie prouvent bien la survenue d’une explosion démographique
remontant à 8.000-12.000 ans –soit avant la mutation agricole de notre
espèce–, suivie d’une période de croissance beaucoup plus lente
enclenchée il y a grosso modo 7.000 ans. Parallèlement, la généalogie du
chromosome Y
(et donc des lignées paternelles) révèle que l’expansion masculine la
plus significative s’est produite il y a 2.000-6.500 ans. En
particulier, l’apogée de l’empire démographique masculin s’étale sur une
période remontant entre 3.300 et 1.500 ans, soit 1.000 à 3.000 ans
après la naissance de l’agriculture, le temps qu’il lui aura fallu pour
se stabiliser et conquérir le monde. Pendant cet intervalle, les hommes
ont pu se reproduire entre 10 à 100 fois plus que leurs ancêtres
pré-néolitique:
«Grâce à l’agriculture, notent les chercheurs, les
ressources alimentaires étaient beaucoup plus stables qu’avec la chasse
et la cueillette, d’où une fertilité des populations plus élevée et une
meilleure survie infantile. Plus important encore, en éloignant les
hommes des dangers de la chasse, la réduction de la mortalité masculine
liée à la chasse a sans doute été l’un des principaux facteurs de
l’expansion démographique sexuellement différenciée du néolithique.»
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire