Trois questions à Amel Benkahla, experte foncier au Gret, sur
sa participation au Forum mondial pour l’accès à la terre et aux
ressources naturelles (FMAT 2016) qui s’est tenu à Valence (Espagne) du
31 mars au 2 avril 2016. Ce Forum avait pour objectif de dresser un
bilan des problèmes majeurs liés à l’inégalité d’accès à la terre et aux
ressources naturelles, et d’analyser les conséquences de ces
inégalités.
En lien : Qu’est ce que le Forum mondial pour l’accès à la terre (FMAT) ?
A.B. : Le FMAT est une initiative portée par la société civile,
organisée par Agter et le Cerai, qui a pour objectif de remettre les
questions d’accès à la terre et de lutte contre les inégalités au cœur
des débats. Il existe aujourd’hui un mouvement de pensée dominant au
sein des institutions internationales qui promeut la formalisation des
droits fonciers via la délivrance de titres ou certificats et la mise en
place de marchés fonciers. Les acteurs de la société civile réunis au
FMAT portent un message différent, que le Gret partage. Un plaidoyer
pour recentrer les objectifs que devraient avoir les politiques
agricoles et foncières vers l’essentiel : la garantie d’un accès durable
à la terre des exploitations familiales pour leur permettre d’investir,
de se développer, de donner envie à leurs enfants de continuer leur
activité, la lutte contre les inégalités et la précarité dans lesquelles
vivent beaucoup de paysans sans terre, la préservation du patrimoine
culturel et naturel de la « terre-mère », la promotion de modèles de
développement qui ne soient pas porteurs d’exclusion et permettent à
chacun d’avoir une place dans la société, un emploi, un avenir.
En lien : Quelles sont les idées qui ont été promues durant le Forum, quels étaient les messages clés ?
A.B. : Le principal message du forum était un message à visée
politique, qui, dans la continuité de l’année internationale de
l’agriculture familiale (AIAF), a défendu le modèle de l’agriculture
familiale. C’est en effet le modèle le plus résilient et le plus
performant d’un point de vue global : impact environnemental limité de
par l’adoption majoritairement de pratiques agroécologiques, emplois
créés au sein et en périphérie de ces exploitations, impact économique
lié à la valeur ajoutée créée par unité de surface qui est très souvent
supérieure à celle qui pourrait être générée par une entreprise agricole
de taille plus importante. Les atouts des agricultures familiales ne
sont plus à démontrer, pourtant elles sont encore trop peu appuyées,
voire déstabilisées par des concessions de terres à grande échelle, qui
interviennent parfois sur des superficies considérables et conduisent à
l’accaparement par quelques-uns de richesses naturelles qui étaient
valorisées collectivement. De manière moins visible, on observe aussi
depuis plusieurs décennies une concentration foncière inquiétante et
génératrice d’exclusion. Le Forum a rappelé qu’il était temps que des
décisions politiques soient prises pour stopper ces phénomènes.
En lien : Concrètement, quelles vont être les implications suite à ce forum?
A.B. : Le Gret a participé à ce Forum avec de nombreux partenaires
venus du Sénégal, du Niger, de Madagascar, de France. Le Forum a permis
de mettre en réseau beaucoup d’acteurs, dont certains étaient déjà
membres de réseaux comme le Comité technique « Foncier &
développement » dont le Gret assure le secrétariat technique et
scientifique. Le Forum a permis de partager l’expérience des
organisations de la société civile de différents pays, de se soutenir
mutuellement aussi. Les actions de plaidoyer vont maintenant se
poursuivre dans les pays, mais aussi au niveau des espaces économiques
régionaux, pour des politiques plus équitables, garantes de l’intérêt du
plus grand nombre.
Lien vers le FMAT
Voir la note de la C2A de Coordination SUD (français, anglais, espagnol et portugais) – Quelles politiques foncières pour sécuriser les agricultures familiales en Afrique ?
Voir la note de la C2A de Coordination SUD (français, anglais, espagnol et portugais) – Quelles politiques foncières pour sécuriser les agricultures familiales en Afrique ?
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