mardi 2 août 2016

Note de lecture. "Les agriculteurs à la reconquête du monde. Pourquoi le monde agricole va survivre et même nous sauver"

Éditions JC Lattès, 2016.

Cet ouvrage cristallise une vision, celle de Maximilien Rouer, ingénieur agronome, fondateur de BeCitizen, et celle d’Hubert Garaud, agriculteur et président du groupe Terrena. Cette vision s’inscrit dans le contexte actuel de l’agriculture et prend en compte tous ses enjeux, des tenants aux aboutissants. Elle propose un regard exhaustif sur le secteur en faisant un état des lieux d’ordre économique, social et sociétal, et en définissant les atouts qui font de l’agriculture française un modèle unique de compétitivité. Le tout parsemé de constats pertinents pesant indéniablement dans la balance… Les auteurs nous parlent également d’une « triple révolution » concernant la relation au consommateur, les conditions de production et les relations entre acteurs au sein de la filière. Cette fois, les auteurs mettent en avant une liste de solutions, déjà effectives ou en cours sur le marché. Enfin, ils concluent en annexe avec une liste comprenant « 125 raisons d’espérer ». En résumé, un ouvrage rédigé avec un regard bienveillant, parfois même empreint de compassion, disséquant la situation agricole française et cristallisant une vision tendant à se généraliser...
« Ce sont les lettres de noblesse de l’agriculture qui sont en train de s’écrire. Ce sera bientôt le seul métier capable de préserver notre modèle social, nos paysages, notre alimentation, notre santé, et par-dessus tout le premier métier à lutter efficacement contre le changement climatique. »


 
État des lieux

La première partie met en avant un état des lieux objectif, avec quelques constats déjà entendus, mais qui permettent de saisir l’orientation que prendra l’ouvrage. D’entrée de jeu, les auteurs nous livrent une réflexion intéressante portant sur la perception, par la société, des agriculteurs et de la notion de « paysan ». Ils estiment que la société leur a attribué, à travers sa culture et l’imaginaire collectif, un « rôle de gardiens d’un certain bon sens », véhiculant des valeurs telles que « l’honnêteté et le travail ». Selon eux, cette image est inscrite au cœur de l’identité française, comme peut l’être « l’oncle Sam pour les Américains », et serait devenu un marqueur d’identité culturelle, aujourd’hui fortement bousculé. Car selon eux, désormais, « les agriculteurs souffrent d’un isolement et d’un manque de reconnaissance qui aggravent encore le cercle vicieux ». Cette réflexion les amène à se poser les questions suivantes, dont les éléments de réponses apparaîtront de manière transversale tout au long de l’ouvrage :

« Que s’est-il passé pour qu’en une génération l’image de ce ciment moral se soit effritée ? Comment redonner à ce secteur économique une place bien méritée : la première de toutes ? Qui peut vouloir devenir agriculteur de nos jours et affronter une calomnie permanente de la part des médias ? »

Les auteurs nous livrent également un exposé mettant en avant la dégradation des représentations du consommateur, qu’ils associent à l’essor contemporain du phénomène de distanciation avec notre alimentation et à « la succession des crises alimentaires qui a conduit les clients à une rupture : douter du contenu de leur caddie et de leur assiette ». Selon eux, la médiatisation de ces sujets dessert les agriculteurs et induit de mauvais schémas de représentations auprès des consommateurs, ce qui ne favorise en rien l’évolution de cette situation.

Nécessité d’un changement de paradigme

« L’agriculture est davantage perçue comme source de pollution et il est difficile de convaincre qu’elle peut, dans la lutte contre le réchauffement climatique comme ailleurs, être la solution plutôt que le problème. »

Les auteurs mettent en lumière un sentiment de changement de paradigme. Notre modèle agricole passerait d’une agriculture intensive, pouvant se généraliser par la norme « produire plus », à une agriculture ÉCOLOGIQUEMENT intensive, se caractérisant par la norme « produire MIEUX et plus ». Cette vision est motivée par l’évolution des recherches scientifiques et par l’identification du levier permettant de concrétiser ce changement qui serait, selon eux, le numérique.

Une triple révolution

Dans la deuxième partie de cet ouvrage, les auteurs traitent de la triple révolution nécessaire à ce changement de paradigme afin d’atteindre une autosuffisance alimentaire. Ils explorent plusieurs pistes en prenant du recul, tout en mettant en avant des solutions pour chacune d’entre elles. Ce passage est également imprégné du concept d’agriculture écologiquement intensive (AEI), que les auteurs développent mieux, et sonne parfois comme une ode à la différenciation par rapport à la situation mondiale. Selon eux, la France doit exploiter sa diversité pour reconquérir le marché à l’international !

Puis, les auteurs nous offrent des annexes optimistes en énonçant « Les 125 raisons d’espérer de l’agriculture française pour la croissance, l’emploi et la planète ». Ses raisons vont de la grande diversité de notre patrimoine alimentaire au climat privilégié dont nous bénéficions, sans oublier le fait que la France est la plus grande réserve d’eau de l’Union Européenne, ou encore « l’image positive (et vendeuse) de « l’origine France » ». Un regard sans aucun doute intéressant, encore une fois exhaustif, témoignant de la volonté du désir de convaincre du bien-fondé de leurs propos. 

En conclusion, Maximilien Rouer et Hubert Garaud souhaitent vraiment contribuer au renouveau de l’agriculture française, à la naissance d’un projet collectif et d’une vision commune, et ce livre en témoigne de quelle façon.

« Notre élan collectif, économique, sociétal comme agricole, doit viser l’amélioration environnementale et climatique, la santé et l’alimentation, la qualité de vie des travailleurs de la terre comme celle des animaux d’élevage, la chasse au gaspillage, la proximité, la transparence, des prix abordables et la satisfaction des consommateurs […] Que nos gouvernements adoptent le même comportement à l’égard de l’agriculture que celui dont ils font preuve avec le secteur aéronautique ou automobile, et on ne doute pas d’un résultat spectaculaire. Encore en faut-il la volonté politique. »



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