Nous partageons avec la plupart des plantes la
station debout, verticale. On sait depuis longtemps que nous contrôlons
la verticalité de notre posture grâce à une perception de la gravité au
sein de notre oreille interne, en particulier au niveau du système
otolithique, un ensemble de petits « cailloux » pris dans un gel et
reposant sur des cils mécanosensibles.
Les plantes elles aussi possèdent un système de perception de leur
orientation par rapport à la verticale, mais il est miniaturisé. Il
s’agit d’un tas de petits grains d’amidons appelés statolithes qui
sédimentent au sein de cellules spécialisées appelées statocytes et
distribuées tout au long des tiges des plantes (voir illustration ci-contre).
Toutefois, une différence a attiré l’attention des scientifiques : si
nous sommes secoués ou lorsque nous sommes soumis dans un manège à une
accélération centrifuge, nous perdons le sens de la verticalité. En
effet, nous savons depuis Einstein qu’un observateur local (un
organisme, une cellule) ne peut distinguer les forces gravitationnelles
des forces inertielles liées à des accélérations, comme par exemple
celles induites par des secousses ou encore par la force centrifuge. Et
notre oreille interne est très sensible à l’intensité de ces forces.
Or,
les plantes sont très souvent agitées par le vent, sans pour autant
perdre le sens de la verticale. Comment font-elles pour ne pas - comme
nous - avoir « la tête qui tourne » ? C’est la question que s’est posé
un groupe de chercheurs associant des mécanobiologistes de l’Inra et de
l’Université Blaise Pascal et des physiciens du CNRS. Ils ont réalisé un
« manège à plantes » en disposant une chambre de culture de plantes sur
une centrifugeuse à deux axes de rotations, similaire à celles
utilisées pour entraîner les astronautes, et suivi de manière précise
les mouvements de redressement des plantes (voir schéma ci-dessous).
En analysant plusieurs centaines de plantes appartenant à 4 espèces
représentatives des grands types de plantes à fleurs cultivées (le blé,
la lentille, le tournesol et l’arabette des dames), ils ont montré qu’à
la différence de notre oreille interne, les plantes sont capables de
percevoir leur inclinaison par rapport à la gravité sans être affectées
par l’intensité des forces gravitationnelles ou inertielles quelles
subissent. Les plantes peuvent ainsi osciller fortement dans le vent
sans confondre ce balancement avec une perte durable de verticalité. Ce
dispositif expérimental est désormais combiné à un microscope afin de
pouvoir suivre en temps réel les mouvements des statolithes dans les
cellules et décrypter les phénomènes cellulaires et moléculaires qui
permettent aux plantes ce « tour de force » perceptif.
Ces
dernières années, les chercheurs ont révélé que les plantes
partageaient avec nous le contrôle postural en combinant sens de la
verticalité et aussi celui de la configuration de leur corps via le sens
de la proprioception1. On sait maintenant qu’elles peuvent
connaître la verticalité même lorsqu’elles sont chahutées. Ces résultats
inédits débouchent sur deux types d’applications. La première,
agronomique, devrait permettre d’améliorer la capacité des plantes à se
redresser après qu’une tempête les ait versées, un problème source de
près de 10% de perte de rendement sur les céréales au niveau mondial. La
deuxième application est biomimétique : en s’inspirant des cellules
statocytes des plantes, on doit pouvoir concevoir des capteurs de
positions miniaturisés plus performants.
1. Les végétaux ont le sens de la rectitude ! : http://presse.inra.fr/Ressources/Communiques-de-presse/rectitude_arbres
- Renaud Bastien, Tomas Bohr, Bruno Moulia et Stéphane Douady, A
unifying model of shoot gravitropism reveals proprioception as a central
feature of posture control in plants - PNAS, 11 décembre 2012.
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