dimanche 10 avril 2016

Nouvelle publication: Dormez tranquilles jusqu’en 2100 et autres malentendus sur le climat et l’énergie

Jean-Marc Jancovici, un expert reconnu des questions énergétiques fondateur de la société Carbone 4, souhaite dissiper, dans ce nouveau livre, quelques malentendus sur le climat et l’énergie qui risquent d’être lourds de conséquences politiques.

L’auteur mène son instruction au pas de charge, dans les 11 chapitres de son ouvrage, pour convaincre le lecteur de perdre certaines illusions sur l’avenir de l’économie et d’adopter un point de vue réaliste sur l’énergie. En effet, il estime qu’un retour de la croissance économique mondiale, en berne depuis la crise financière de 2007, est illusoire. La consommation s’essoufflant, le retour de la croissance est, selon lui, un mythe qu’il pourfend dans nombre de chapitres.

Il constate d’abord que l’offre mondiale d’énergie, de pétrole notamment, augmente peu depuis une dizaine d’années. La production de pétrole conventionnel stagne, compensée, il est vrai, par l’exploitation du pétrole de schiste, plus coûteuse. Cette tendance lourde compromet la croissance du PIB (produit intérieur brut) à long terme, une énergie abondante à bas coût catalysant l’économie. Il observe ensuite que le pétrole évolue de manière contracyclique avec le PIB : la baisse des investissements dans le secteur pétrolier lorsque son cours est bas, comme aujourd’hui, va peser à terme sur l’offre de pétrole qui, si elle diminue, freinera à nouveau l’économie. Il reste à trouver la recette pour gérer un monde sans croissance économique avec un chômage élevé. Miser sur des activités de service (comme les aides à la personne et le tourisme) est une solution qui conduira, ajoute-t-il, à revoir sérieusement le rôle de l’Université, qui devrait préparer à de nouveaux métiers. La vertu d’un accès non sélectif à l’enseignement supérieur d’une large fraction de chaque génération est un autre mythe à pourfendre.


Le livre a été écrit avant la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques de 2015 (COP21) mais, sans en attendre les conclusions, l’auteur invite les lecteurs à ne pas dormir jusqu’à la fin du siècle car le changement climatique fait courir des risques sérieux à toute la planète et surtout à des régions pauvres qui subiront des sécheresses compromettant les récoltes (les crises alimentaires, en Tunisie, en Égypte et en Syrie, ont contribué à l’avènement des printemps arabes).

La relation énergie-climat est évidemment au cœur de la question climatique puisque aujourd’hui, les énergies fossiles, émettrices de CO2, représentent encore 80 % de la demande énergétique mondiale, et l’auteur la passe au crible dans cinq chapitres à l’argumentation très serrée. Selon lui, le recours aux énergies renouvelables pour produire de l’électricité n’est pas la formule magique que défendent certains, notamment les Verts, car leur rentabilité n’est pas assurée et la question de leur stockage n’est pas résolue. Le pari de l’Allemagne d’assurer une transition énergétique via ces énergies est très risqué et peut s’avérer coûteux. De plus, alors Berlin a déstabilisé le marché européen de l’électricité (en subventionnant massivement les filières renouvelables), les Allemands ne peuvent pas prétendre diminuer leurs émissions de CO2 en sortant du nucléaire tout en conservant le charbon, une énergie du passé. Celui-ci devrait être la cible des efforts internationaux pour limiter le réchauffement climatique alors qu’il est sur la première marche du podium des filières électriques émettrices de CO2. L’option nucléaire semble à l’auteur, arguments à l’appui, la seule option raisonnable au plan technique et financier pour sortir des énergies fossiles et éviter un réchauffement climatique désastreux, même s’il reconnaît que le nucléaire est très capitalistique (trois à quatre fois plus que le solaire ou l’éolien, mais avec un facteur de disponibilité plus élevé).

Dans son dernier chapitre, l’auteur pourfend un dernier mythe, celui de la « croissance verte ». Une économie verte peut certes augmenter l’efficacité énergétique, mais il ne faut pas se faire d’illusions : sa progression et celle des énergies renouvelables ne compenseront pas assez vite la chute inéluctable et souhaitable de l’offre d’énergies fossiles pour éviter une baisse du PIB.

Jean-Marc Jancovici plaide avec talent, dans son livre, pour que l’économie mondiale puisse « atterrir en douceur » et assurer ainsi un avenir « durable » à la planète. Il faut éviter que le débat sur l’avenir de l’énergie soit biaisé par des malentendus et, même si le lecteur a souvent le tournis dans l’avalanche de chiffres que déclenche l’auteur, celui-ci parvient à en dissiper un certain nombre. Toutefois, son point de vue reste très occidental car il laisse dans l’ombre la question majeure du développement des pays émergents qui ont besoin d’énergie et de croissance ; par ailleurs, il n’évoque pas la possibilité de ruptures techniques qui feraient sauter les verrous qui bloquent encore le décollage de filières renouvelables. En dépit de quelques zones d’ombre, ce livre a le grand mérite d’inviter à plus de réalisme dans le débat sur l’énergie et le climat.


 

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