dimanche 18 décembre 2016

La génétique au secours des abeilles

                        
 Dans certaines colonies, des abeilles parviennent à éradiquer les varroas, des parasites qui les affaiblissent. (Reuters)

Le séquençage du génome de ces "mouches à miel" permettra-il de lutter efficacement contre la déclin de leurs colonies? C’est ce qu’espèrent les chercheurs, qui travaillent sur plusieurs pistes. L’urgence reste toutefois de réduire l’usage des produits phytosanitaires. 

Sur leurs frêles ailes pèsent de lourdes responsabilités : 1,4 milliard d'emplois et les trois quarts des cultures dans le monde dépendent d'animaux pollinisateurs, gravement menacés. C'est ce qu'indique le rapport publié fin novembre dans Nature par des chercheurs de l'université de Reading (Royaume-Uni). La perte de ces insectes pourrait générer une "recrudescence substantielle" de maladies et entraîner 1,4 million de décès en plus par an, ajoutent-ils. Fin novembre, le ministère de l'Environnement révélait une autre évaluation : l'action des pollinisateurs représente un "service écologique rendu" d'une valeur de 2,3 à 5,3 milliards d'euros par an en France. Or les abeilles et bourdons sont confrontés à un cocktail de menaces qui, conjuguées, se révèlent mortelles : des produits phytopharmaceutiques (pesticides, insecticides et fongicides), des pathogènes (virus, bactéries, champignons) ou encore des prédateurs (acariens, frelon asiatique)…


Les "nettoyeuses" et les autres

Pour lutter contre le déclin croissant des colonies, les chercheurs explorent la piste génétique. Avec le premier séquençage complet du génome de l'abeille domestique, en 2006, environ 10.000 gènes ont été identifiés. "Depuis, les chercheurs s'attellent à un long travail d'annotation et de décryptage de ce code", résume Gilles Salvat, directeur de la santé animale à l'Anses, l'Agence nationale de sécurité sanitaire. Première application de ce séquençage : identifier les différentes souches d'abeilles présentes à l'intérieur d'une colonie pour caractériser le brassage génétique. "Il s'agit d'éviter la consanguinité, de garantir une diversité cruciale pour l'équilibre de la ruche, de comprendre si certaines souches sont invasives au détriment d'autres." Le séquençage permet également de rechercher dans une population d'abeilles des marqueurs génétiques associés à un caractère particulier, comme la résistance à une maladie ou la capacité à produire de plus grandes quantités de miel.

C'est l'une des voies suivie par l'unité de recherche Abeilles et environnement à l'Institut national de recherche agronomique (Inra), à Avignon. Ses chercheurs ont choisi pour cible un parasite, le Varroa destructor. "Un acarien présent initialement sur le continent asiatique, qui n'est apparu que dans les années 1980 en Europe", explique Gilles Salvat. "Il pompe la lymphe des abeilles et les affaiblit ; il est aussi un vecteur de virus."

Pourtant, dans certaines colonies, des abeilles "nettoyeuses" parviennent à éradiquer ces parasites. Comment? "On sait qu'il y a une communication chimique. Ces nettoyeuses reconnaissent les alvéoles fermées où une nymphe d'abeille se trouve piégée avec une maman Varroa et ses petits. Soit elles ouvrent l'alvéole pour retirer la nymphe et détruire les bébés parasites ; soit elles l'ouvrent avant que la maman varroa ait pondu, ce qui interrompt son cycle de reproduction", précise Yves Le Conte, directeur de recherche dans cette unité spécialisée de l'Inra. Son équipe cherche donc à identifier des marqueurs génétiques distinguant ces "nettoyeuses" des autres abeilles. Ce programme, baptisé "Bee Strong" et soutenu par le laboratoire Labogena et l'Itsap-Institut de l'abeille, a déjà permis de passer au crible plus de 500 colonies (phénotypage et génotypage) sur un objectif global de 1.500.

Des colonies résistantes

À l'issue de cette recherche, l'équipe de l'Inra pourra proposer aux apiculteurs un outil pour les aider à sélectionner génétiquement des abeilles résistantes. "Ils nous enverront un bout d'aile de reine ou quelques abeilles et on déterminera si elles sont porteuses des bons gènes. C'est une lecture génétique, pas une manipulation", insiste Yves Le Conte. Grâce aux travaux de la chercheuse Fanny Mondet, l'équipe voudrait proposer un outil complémentaire : "Elle a identifié cinq composés volatils, autrement dit des odeurs, spécifiques des alvéoles contaminées par le Varroa. Il suffira de les pulvériser sur un couvain et d'observer si les abeilles le nettoient", poursuit Yves Le Conte. 

Lui-même apiculteur depuis quarante ans, il voudrait creuser une autre piste génétique. Deux ruchers de l'Inra, dans la Sarthe et le Vaucluse, possèdent en effet des populations d'abeilles qui n'ont reçu aucun traitement contre les parasites depuis les années 1990. "Ce ne sont peut-être pas les seules en France! Mais elles survivent. On voudrait comprendre l'origine de leur résistance pour sélectionner ensuite ces marqueurs génétiques." Mais ces recherches demandent du temps, prévient-il. L'urgence reste la réduction de l'emploi de produits phytosanitaires dans l'agriculture, notamment des néonicotinoïdes, dont l'équipe de l'Inra a montré l'impact dévastateur sur la capacité d'orientation des abeilles. Couplés à un pathogène, ils peuvent entraîner une mortalité de 90% dans une colonie.



dimanche 11 décembre 2016

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