Alors que les origines asiatique des oranges et mandarines ou
méditerranéenne de la clémentine sont bien établies, on sait depuis
cette année seulement que le citron jaune est né en Méditerranée d’un
mariage entre le cédrat (parent mâle) et la bigarade (parent femelle).
Cette découverte a été publiée par les chercheurs de l’unité Inra-Cirad
de San Guliano en collaboration avec leurs collègues de l’IVIA de
Valence en Espagne, dans le cadre de travaux pour étudier leur diversité
et structure génétique de ces agrumes.
C'est à un véritable travail
d’investigation scientifique que se sont livrés les chercheurs de l’Inra
San Guliano pour trouver les origines phylogénétiques et géographiques
du citron jaune et des citrons verts, appelés aussi limes. Les résultats
montrent que les citronniers jaunes qu’ils ont étudiés, incluant les
variétés commerciales classiques et ceux de deux collections (Corse et
Espagne) présentent un même profil génétique. Leur génome est composé à
50 % de cédratier, à 30 % de mandarinier et à 20 % de pamplemoussier. À
partir de ces résultats, les chercheurs ont proposé une origine hybride
entre le bigaradier, le parent femelle (dont l’ADN est à 50 % d’origine
mandarinier et 50 % d’origine pamplemoussier) et le cédratier, le parent
mâle. Le cédrat est le premier agrume à être introduit en Méditerranée
en 300 avant J.C. en provenance de la Mésopotamie. La bigarade est
arrivée bien plus tard entre le IXe et le XIe siècle et bien avant
l’orange douce. Les chercheurs ont en toute logique établi l’origine
géographique du citron jaune né du mariage entre le bigaradier et le
cédratier entre la Méditerranée et la Mésopotamie.
«
Nous avons également pour la première fois, déterminé l’origine
génétique des citrons verts sans pépin (triploïde*) et à gros fruits.
Les limes de Tahiti (C. latifolia), les plus généralement
trouvées dans le commerce, résultent très probablement de la fécondation
d’une fleur de citronnier par un pollen doublé (diploïde) de limettier
de type mexicain. Les limettiers et citronniers de notre étude résultent
d’au moins 36 hybridations différentes », déclare Franck Curk qui a
piloté ces recherches. « Pour mieux comprendre la structuration de la
diversité des limettiers et citronniers et d’identifier l’origine des
différents groupes, nous avons travaillé sur toute la population de
citronniers et de limettiers présente dans les collections de Corse
(Centre de Ressources Biologiques Citrus Inra-Cirad) et de Valence en
Espagne (Ivia). »
Entre génétique et ethnobotanique
Le genre Citrus
regroupe l’essentiel des espèces d’agrumes cultivés et est le plus
diversifié des genres d’agrumes (orangers, citronniers, cédratiers,
mandariniers, pamplemoussiers, bergamotiers, bigaradiers, limettiers,
pomelos...). Les principales espèces qui composent ce genre étant
sexuellement compatibles entre elles et avec les autres genres
d’agrumes, il n’y a pas vraiment de consensus quant au nombre d’espèces
de Citrus. L’ensemble des espèces de ce genre est probablement
issu de croisements directs ou successifs de quatre espèces ancestrales :
le cédratier, le mandarinier, le pamplemoussier et un papéda. Par
différents croisements, ces taxons de base auraient généré les espèces
dites secondaires : les orangers, les pomelos, les citronniers, les
bigaradiers et les clémentiniers.
Les génomes de l’oranger et du
clémentinier ont été les premiers à être séquencés. Les origines et les
structures génétiques de ces agrumes les plus courants sur les marchés
sont bien décrites par rapport aux limes et citrons. L’extraordinaire
facilité qu’ont les agrumes à se féconder les uns les autres, entre
variétés, entre espèces voir même entre genres et leur capacité à muter
très facilement, n’ont pas facilité la tâche des premiers taxinomistes. «
Nous avons hérité de plusieurs classifications et de points de vue
différents. Un grand nombre de variétés, mutants et hybrides sont
souvent décrits comme des espèces à part entière. Les taxinomistes
semblent malgré tout d’accord sur le fait que les agrumes appartiennent à
l’ordre des Sapindales, famille des Rutaceae qui regroupe
des plantes herbacées, arbustes et arbres à glandes à huiles
essentielles. C’est la division en tribu, sous tribus, genres et espèces
qui continuait à faire débat, » précise Franck Curk. Les chercheurs
peuvent à partir de ces avancées scientifiques sur l’origine
phylogénétique des citronniers et limettiers proposer de toutes
nouvelles hypothèses pour d’autres variétés. Ces résultats laissent
également entrevoir des perspectives intéressantes pour la gestion et la
caractérisation des ressources génétiques des agrumes, créer de
nouvelles variétés adaptées à de nouveaux marchés, adapter les variétés
futures à l’émergence de nouvelles maladies, aux faibles intrants, aux
aléas climatiques...
* Cellule possédant 3 jeux de chromosomes.
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