- Par Aïssa Bouziane
- samedi 1 novembre 2014 08:53
La pomme de terre
est à cent dinars le kilo, malgré l’aide de l’Etat. Ce qui pousse M.
Fouad Chehat, directeur de l’Institut national de recherche agronomique
(INRA), à préconiser une refonte du système de l’Etat.
Fouad Chehat tord le cou aux idées reçus. Le
directeur de l’institut national de recherche agronomique d'Algérie (INRAA) estime
que l’Algérie n’a pas forcément besoin d’augmenter ses surfaces
agricoles, ni d’envisager des rendements très élevés pour améliorer sa
balance agricole. Au cours d’un débat à la radio, M. Chehat a estimé
qu’il suffit pour le moment d’aller à un rendement de 30 quintaux à
l’hectare, contre 17 actuellement, pour améliorer considérablement la
production algérienne de céréales. C’est un objectif "raisonnable",
a-t-il dit. Selon lui, il est inutile de brandir comme objectif des
rendements de 60 ou 70 quintaux à l’hectare, qui "ne seront jamais
atteints".
Dans le même registre, il estime que l’Algérie
n’a pas besoin d’augmenter considérablement les superficies cultivées,
mais de travailler sur les rendements, et sur une rationalisation de la
production. Selon lui, les 8,5 millions d’hectares, qui représentent
pourtant à peine 3,5% du territoire algérien, peuvent suffire pour
approcher l’équilibre de la balance alimentaire de l’Algérie. Pour cela,
il faut "revoir les mécanismes d’aide et le niveau de soutien, pour les
adapter aux vraies situations sur le terrain".
L’objectif du ministère de l’agriculture de
passer de 350.000 à 600.000 hectares de céréales irriguées n’exige pas
seulement d’importants investissements, mais impose aussi des révisions
dans les modèles d’aide et de gestion de l’agriculture. Cela dépendra
d’abord de la disponibilité de l’eau, car "il faudra aller dans de
nouvelles régions, où il n’y a pas de barrages", selon M. Chehat. Il
faudra donc mobiliser de la ressource, y compris par de grands
transferts.
Méthodes dépassées
Dans le même temps, il faudra avoir le souci
d’une utilisation "rationnelle et intelligente" de cette eau, issue
d’une "ressource non renouvelable", la nappe albienne, qui s’étend sur
de vastes superficies au Sahara central et oriental. Selon M. Chehat,
il faut aussi "modifier l’ensemble des mécanismes pour réguler les
filières". Il critique les mécanismes actuels, qui "réduisent le coût
pour le consommateur, mais n’encouragent pas la production nationale".
Il déplore que ces mécanismes n’aient "pas du tout découragé les
importations", tout en "induisant d’énormes gaspillages".
Il s’en prend aussi aux méthodes
traditionnelles et aux campagnes inefficaces contre le gaspillage. "Je
ne crois pas aux campagnes de sensibilisation. Ce ne sont pas les
méthodes les plus valables", a t-il dit, affirmant sa préférence pour
"les moyens économiques". De même, il a critiqué la méthode de contrôle
du marché de la pomme de terre, même si le principe de départ était bon.
"Il faut utiliser les moyens de son temps", a t-il déclaré.
Il a cité l’exemple précis de la pomme de
terre, à travers le système Cyrpalac (garantie d’un prix minimum au
producteur), affirmant que "l’objectif est bon, les mécanismes de
régulation non". Il en conclut qu’il "faut garder le principe, et
réviser le mécanisme". Les mécanismes mis en place à travers le système
Cyrpalac ont donné des résultats encourageants, en favorisant la
production. Cela a même donné lieu à une surproduction.
Le prix du pain "indécent"
Mais le système a rapidement produit de graves
dérives. Au lieu de soutenir les producteurs, il est devenu un moyen de
contrôle du marché par des propriétaires de chambres froides. "Il faut
augmenter les capacités de froid, et avoir le courage de revoir la
mécanique mise en place", en révisant notamment "les prix, les
procédures et le suivi du déstockage", selon M. Chehat.
Sur la question des subventions, M. Chehat a un
point de vue tranché. Il a déclaré trouver "indécent de vendre le pain
au prix actuel, pour le donner ensuite aux poulets et aux vaches". Selon
lui, c’est "le prix le plus bas au monde". Pour lui, l’Algérie a choisi
"les subventions à la consommation et pas à la production, ce qui
constitue un handicap certain pour le développement d’une production
nationale agricole".
Autre terrain sensible, celui des semences.
Seule le secteur de la pomme de terre connait un programme en mesure
d’atténuer la dépendance. "Pour le reste, on reste totalement
dépendant", déclare M. Chehat.
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