Publié le 29/11/2015
Une chercheuse de l'Inra prépare une branche de pin avant de l'insérer
dans le "MégaCavitron" à Pessac, dans le sud-ouest de la France, le 26 novembre 2015 (c) Afp
Une chercheuse de l'Inra prépare une branche de pin avant de l'insérer
dans le "MégaCavitron" à Pessac, dans le sud-ouest de la France, le 26 novembre 2015 (c) Afp
Les arbres et la vigne pourront-ils survivre au stress des
sècheresses liées au réchauffement climatique? La technologie inédite du
"MégaCavitron" développée dans un laboratoire de l'Inra France (Institut
national de recherche agronomique) à Bordeaux, apporte des débuts de
réponse et attire des scientifiques du monde entier.
En 2012, Sylvain Delzon co-signe un article dans la revue Nature où il constate le dépérissement massif des arbres à travers le monde.
Ils fonctionnent à "la limite du point de rupture de leur système
hydraulique" et disposent "d'une faible marge de manoeuvre face à la
sècheresse", rappelle aujourd'hui ce chercheur de 38 ans, fils
d'agriculteur originaire du Lot-et-Garonne.
Le processus
physiologique est très simple: "le long des troncs des arbres, la sève
circule à travers des vaisseaux situés sous l'écorce. Mais lorsqu'une
bulle d'air vient rompre la colonne d'eau dans l'un de ces vaisseaux,
celui-ci est irrémédiablement perdu".
Cette "embolie", que les
scientifiques appellent "cavitation", survient lorsque l'arbre subit "un
stress hydrique", notamment en période de sécheresse. Si elle s'étend à
trop de vaisseaux, l'embolie peut être fatale. "50% de cavitation chez
un conifère, par exemple, c'est la mort assurée", prévient ce
spécialiste du comportement des organismes face à l'évolution de leur
environnement.
Chaque espèce a une résistance à la cavitation
adaptée à son milieu naturel. Et les forêts tropicales sont tout aussi
exposées que les forêts méditerranéennes aux risques des sècheresses à
répétition que nous promettent pour les prochaines décennies les modèles
climatiques, selon ce directeur de recherche de l'Inra-Bordeaux.
A l'échelle de l'Aquitaine, le réchauffement met-il en péril le massif landais qui couvre un million d'hectares et trois départements (Gironde, Landes, Lot-et-Garonne)?
"Oui",
répond M. Delzon qui anticipe des difficultés pour le pin maritime et
donc des baisses de production des exploitations forestières. Les
chercheurs de l'Inra étudient des croisements pour améliorer la
résistance à la sècheresse, et travaillent sur des hypothèses d'hybrides
entre pin maritime et pin d'Alep, ou pin de Calabre (pin Brutia).
- Centrifugeuse 'trafiquée' -
Pour ses travaux, Sylvain Delzon utilise la technologie du "Cavitron", un prototype inventé en 2005 par son collègue de l'Inra Clermont-Ferrand,
Hervé Cochard. Un outil amélioré depuis son invention, et doté tout
récemment d'un microscope à balayage électronique de dernière
génération, pour devenir un instrument de mesure de référence "qui
attire des chercheurs du monde entier", selon M. Delzon.
Au
premier regard, le "Cavitron" ressemble à une machine à laver. Mais il
est "doté d'un logiciel très pointu, le +cavisoft+, couplé à une
centrifugeuse capable de simuler une sècheresse, et un peu trafiquée",
notamment pour l'équiper d'une caméra, explique le chercheur. Il peut
ainsi estimer "en moins de 20 minutes" la vulnérabilité d’un conifère à
la sécheresse.
Cette technologie pionnière a permis de comparer la
résistance à la cavitation de la moitié des 620 espèces de conifères
recensées sur la planète.
Mais le laboratoire bordelais est
également doté d'un "MégaCavitron", plus puissant que le premier,
capable de mesurer en une heure et demi les performances des arbres à
vaisseaux longs (chênes et espèces tropicales), des plantes et des
lianes cultivées, comme la vigne.
L'engin est équipé d'un rotor
d'un mètre de diamètre et pèse environ 1,5 tonne. Et son premier
utilisateur se félicite déjà des "nouvelles perspectives de recherche
ouvertes depuis son arrivée au laboratoire début 2015".
Grâce à
cette technologie inédite à laquelle se sont ralliés des chercheurs
européens et australiens, M. Delzon peut d'ores et déjà contredire
certains collègues d'outre-Atlantique,
sur l'avenir de la vigne, par exemple. "La vigne est beaucoup plus
résistante à la sècheresse que ce qui a été publié par les laboratoires
américains, notamment californiens". Et le chercheur d'ajouter: "idem
pour le chêne, présenté comme +très vulnérable à la sècheresse+ par un
laboratoire de l'Utah", alors que le "MégaCavitron" démontre le
contraire.
Pour asseoir la fiabilité de sa machine, M. Delzon
souligne que l'accélérateur de particules Synchrotron Soleil, instrument
implanté sur le plateau de Saclay (Essonne), "a validé les techniques du Cavitron", et tranché du même coup en sa faveur dans ce débat.
Source: http://www.sciencesetavenir.fr/nature-environnement/20151128.AFP8258/a-bordeaux-le-megacavitron-scrute-les-arbres-et-la-vigne-face-a-la-secheresse.html
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