Paul Molga / Correspondant à Marseille |
La recherche agronomique tente d’adapter les cultures aux défis du climat. Objectif : réconcilier intensivité et écologie.
D’ici
à 2050, la productivité des principales cultures céréalières mondiales
(blé, riz, maïs) sera impactée par la hausse des températures dans les
régions tropicales et tempérées. Le manque d’eau, l’irrégularité des
pluies, l’accroissement de l’évapotranspiration dans tous les
écosystèmes, créeront de nouvelles conditions et contraintes de
production. Le changement climatique modifiera la répartition
géographique des cultures, des espèces envahissantes, des ravageurs et
des vecteurs de maladies. Les sols arables seront également fragilisés
par le régime de lessivage et l’accélération de l’érosion. Plus de
100.000 hectares de terres fertiles disparaissent déjà chaque année…
Nourrir 9 milliards d’humains
Pour les scientifiques, adapter les cultures au changement climatique est un enjeu massif. « Le défi de l’intensification durable des terres agricoles vient d’ouvrir une nouvelle page de la recherche agronomique, résume Luc Abbadie, professeur d’écologie à l’université Pierre-et-Marie-Curie (UPMC France).
Notre
système productiviste est à revoir. Nous devons d’urgence migrer vers
une agriculture écologiquement intensive pour subvenir aux besoins
croissants de la démographie humaine en préservant la planète. » Ce retour à la « sobriété agricole »
vise à rétablir le cycle normal de la matière organique. En cultivant
des groupes d’espèces complémentaires, les chercheurs espèrent parvenir à
créer des usines naturelles de production d’azote, indispensable à la
croissance des plantes. Car, aujourd’hui, l’agriculture utilise des
engrais azotés minéraux produits à partir de gaz naturel. Des essais
marient donc des légumineuses et des céréales pour mettre au travail des
bactéries spécifiques qui recombinent les glucides des plantes en
molécules riches en azote. Avec ces stratégies de régulation écologique,
on pourra sans doute lutter avec la même efficacité contre les
parasites nuisibles. Les généticiens cherchent aussi à adapter
rapidement les espèces en déclenchant à volonté des gènes impliqués dans
certains processus. « C’est l’enjeu majeur des prochaines décennies »,
estime l’agronome et économiste Michel Griffon. A ce jour, une
vingtaine de plantes ont été séquencées, et seulement les plus simples
comme la tomate, le soja, le colza, le riz ou le maïs. Les chercheurs
chinois du Beijing Genomics Institute ont donné un coup d’accélérateur
en lançant une armée de séquenceurs à l’assaut de la formule génétique
d’un million de plantes d’ici à 2020. Une fois cet alphabet connu, ils
devront encore comprendre la grammaire du langage végétal et ses
interactions avec l’environnement.
Le
temps presse. D’ici à 2050, malgré le réchauffement climatique, il
faudra avoir doublé le rendement du blé tendre, qui constitue la
nourriture de base de plus d’un tiers de la population mondiale. Soit
juste le temps de tester huit générations de nouvelles variétés selon
les méthodes de sélection héritées de l’école Vilmorin.
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