Des drones pour une agriculture de précision / Sensefly (Parrot)
Les drones, avenir de l’agriculture ? Le potentiel des multirotors
semble quasiment illimité. Et les agriculteurs ne s’y trompent pas, en
utilisant de plus en plus ces robots volants pour mieux gérer leurs
exploitations.
Selon un rapport
du cabinet d’audit PwC, le marché potentiel pour les drones agricoles
avoisine les 30,5 milliards d’euros. Pour Bank of America Merrill Lynch,
l’agriculture pourrait représenter 80 % du marché des drones
commerciaux dans un futur proche, jusqu’à générer 82 milliards de
dollars d’activité économique aux Etats-Unis, entre 2015 et 2025.
Les “agridrones” sont devenus la spécialité de certains fabricants, comme AeroVironment, d’opérateurs comme Airinov, qui propose un service de cartographie des parcelles agricoles, ou de concepteurs d’appareils de précision, comme Raven Industries.
Et pour cause : les drones agricoles possèdent un potentiel colossal. Par exemple, le RX60 d’AgEagle et Raven,
permet de prendre des photos aériennes d’une exploitation, et
d’identifier des zones nécessitant d’être traitées, avec une grande
précision – une aide précieuse à la décision, pour les agriculteurs,
désireux de pulvériser leur engrais et leurs produits chimiques
uniquement là où ils en ont besoin.
Une agriculture de haute précision
Pour les agriculteurs, qui sont confrontés à un climat de plus en plus détraqué (PwC parle de “phénomènes météorologiques extrêmes
à la hausse”), mais qui conservent la mission de nourrir une population
toujours plus nombreuse (9 milliards d’individus d’ici 2050), les
drones agricoles constituent un outil permettant d’évaluer très vite
l’état d’une récolte, d’estimer les rendements, de collecter des données
et de les analyser bien plus vite et bien plus efficacement
qu’autrefois.
Les drones permettent d’analyser les
sols en produisant des cartographies en 3D, ainsi que des données pour
améliorer la gestion des niveaux d’engrais azotés, ou encore la
planification des semences. Munis de scanners lasers, ils permettent de
réaliser des mesures à distance via la “télédétection par laser” (lidar),
afin de mieux pulvériser des produits chimiques. “Les experts estiment
que la pulvérisation aérienne peut être rendue 5 fois plus rapide avec
des drones”, indique PwC.
Selon Nesta,
fondation britannique spécialiste en innovation, le suivi des récoltes
est rendu bien plus efficace grâce aux drones agricoles qui, munis de
caméras embarquées et pilotés par l’agriculteur, peuvent “prendre des
images dans une résolution supérieure à l’imagerie par satellite”, et
peuvent couvrir 400 hectares en une heure.
Des logiciels de traitement d’image
permettent notamment de créer une carte des zones agricoles, et de
détecter les zones où il est nécessaire, soit d’envoyer de l’engrais,
soit de retirer des mauvaises herbes. Par exemple, en combinant des
photographies en une “orthomosaïque”, et en appliquant les algorithmes
de l’indice de végétation par différence normalisé NDVI (Normalized Difference Vegetation Index),
il est possible de créer une carte de réflectance d’une zone agricole.
Tout cela, “sans les coûts et les lourdes procédures engendrées par des
services de vols habités”, indique SenseFly, la division de “drones professionnels” de Parrot.
Equipés de capteurs thermiques ou de systèmes d’imagerie hyperspectrale,
les multirotors peuvent aussi identifier les zones sèches d’un champ,
afin d’aider à une meilleure irrigation. Enfin, grâce à des capteurs
infrarouges, les aéronefs sans pilotes (UAV)
permettent de connaître “l’état de santé” de chaques plantes, au moyen
d’images multispectrales, et de repérer le début de propagation d’une
maladie dans une parcelle.
Cette agriculture de précision permise par les drones permettrait à l’agriculteur, selon les experts, de diminuer le coût des intrants
et d’optimiser les rendements – de 2 à 5% dans le cas du blé. D’après
Nesta, les revenus d’une exploitation moyenne pourrait ainsi être
augmentés de “près de 20%”.
Les agriculteurs français, fans des drones
Les drones semblent avoir largement
séduit les agriculteurs, notamment en France. Depuis 2014, la Chambre
d’agriculture de la Somme propose ainsi aux agriculteurs du département,
un drone conçu par Sensefly et dédié à la cartographie, le “eBee”.
Présenté comme autonome (il n’a pas besoin d’être piloté, puisqu’il
suffit de définir la zone à cartographier sur une carte numérique, pour
qu’il gère seul son “plan de vol”), ce multirotor testé avec succès
dans les champs samariens, permet de mesurer le stress hydrique et la
présence de maladies dans les cultures, de réaliser une analyse
spectrale de la végétation, de calculer le volume de bois dans une
forêt, ou encore de prendre des photos pour déterminer l’apport d’azote
déjà reçu par les cultures. “Le drone se révèle plus précis que des
mesures par satellite telles qu’il en existe déjà. Il est aussi plus
flexible dans son utilisation, à la demande, et moins sensible à la
météo”, selon Le Monde.
Depuis 2014, le viticulteur Bernard Magrez utilise des drones
pour “identifier l’hétérogénéité au sein d’une parcelle, afin d’avoir
des traitements différenciés” : les drones permettent de détecter des
pieds malades ou en situation de stress hydrique. Le groupe bordelais
espère pouvoir bientôt les utiliser pour détecter plus rapidement les
attaques de mildiou.
De leur côté, les “agridrones”
d’Airinov, là encore autonomes (ils suivent des plans de vol, programmés
en fonction de la parcelle à survoler et à analyser) sont utilisés par
de nombreux agriculteurs, du nord de la France à l’Eure-et-Loire, en passant par la Nouvelle-Aquitaine avec la coopérative Océalia
– pour cartographier les champs, mesurer la lumière absorbée ou
réfléchie par les plantes, et ainsi améliorer la fertilisation des sols,
détecter des maladies, repérer les zones à désherber ou les besoins en
engrais d’une exploitation. Pour Jean-Baptiste Bruggeman,
agriculteur et pilote de drone, c’est clair : “d’ici 2018, la majorité
des surfaces agricoles en France et la majorité des agriculteurs
utiliseront des drones”. Selon Océalia, dont les agriculteurs utilisent
les drones d’Airinov pour “optimiser leurs récoltes”, les rendements auraient augmenté de 10% en un an.
Les drones peuvent même être utilisés dans le cadre de la lutte biologique : un groupe de fabricants et d’opérateurs (Agenium, Drones and Co, Drotek, Droniris) ont ainsi conçu le Damios, un drone capable de larguer, au plus près de zones à traiter, une “charge utile”, le Maïs Top
– en fait, des capsules contenant des larves de trichogrammes,
prédatrices du pyrale, insecte connu pour ravager les champs de maïs. Ce
qui permet, indique Paul Guermonprez, ingénieur innovation chez Intel,
“un traitement de précision”. A terme, le Damios devrait être
“totalement autonome dans l’observation, l’analyse et le traitement des
besoins.”
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