Publié le 14/02/2016
En voie d’être labellisé
Dieu
nous a donné de la steppe, du soleil et d’excellentes races de moutons. Avec un
peu plus d’organisation, on pourrait en faire une source permanente de
devises», dit Belkacem Mezrou, secrétaire général de la Fédération nationale
des éleveurs (FNE) et éleveur lui-même à Ouled Djellal, le pays du mouton.
A l’heure où le pétrole commence à tirer sa révérence, il est peut-être
temps de se tourner vers des ressources naturelles renouvelables et
génératrices de richesse et de développement durable. Le mouton de Ouled Djellal, véritable patrimoine sur pattes, en est une.
L’origine de ce produit du terroir authentiquement algérien est aussi
confuse que l’histoire non encore écrite de ce pays. Trois thèses se
disputent l’origine de ce bel ovin à la belle prestance. Les tenants de
la première hypothèse pensent que cette race est née chez les Amazighs
qui l’ont domestiquée puis améliorée par sélections au fil des siècles.
Les seconds soutiennent qu’elle a débarqué avec les légions romaines
tandis que la troisième voie, et c’est la plus courante, affirme qu’elle
est arrivée lors des invasions des tribus des Banu Hilal qui ont
déferlé sur l’Afrique du Nord, il y a un millénaire. Toujours est-il que
ce mouton au gabarit impressionnant et qui fournit une viande
d’excellente qualité est typiquement algérien, puisqu’il n’existe pas
ailleurs et que son biotope se limite aux steppes dont l’altitude se
situe entre 250 et 600 m. «Au-delà, il ne s’acclimate guère», affirme
Belkacem Mezrou.
Les Français qui ont été les premiers à s’y intéresser ont pris soin de
décrire ses caractéristiques physiques, aujourd’hui dûment répertoriées
et reconnues. Les Algériens, pour leur part, par le biais du ministère
de l’Agriculture, ont récemment procédé à l’analyse de son ADN afin de
protéger ce label qui intéresse aussi grandement nos voisins immédiats.
D’autant plus que les contrebandiers, qui bradent les produits locaux
pour une poignée de dirhams ou dinars tunisiens vers nos voisins de
l’est et de l’ouest, ont réussi à faire expatrier des troupeaux entiers.
Un pays de steppes et de moutons
Ce que l’on connaît du mouton blanc d’Ouled Djellal est qu’il a une
espérance de vie qui oscille entre 11 et 14 ans. Sa toison fournit très
peu de laine, il aime le soleil, supporte la chaleur, le froid et les
grandes marches à travers la steppe pour se repaître d’armoise, de remth
et autres plantes caractéristiques de ces altitudes.
Au cours de sa vie, une brebis peut donner à son maître jusqu’à
20 agneaux. Sa croissance est très rapide et un agneau peut prendre
jusqu’à 200 g par jour, dit-on. Adulte, il peut peser jusqu’à 40 kg. Il
représente aujourd’hui un peu plus de 60% du cheptel national constitué
de 5 ou 6 races ovines principales comme le Telagh El Hamra, le Rembi,
le Taâdmit, issu d’un croisement entre une femelle Ouled Djellal et un
mérinos d’Arles en 1932, la race barbe et la sidahou du Sud. A bien
regarder la carte de l’Algérie, on se rend compte que le pays, en dehors
d’une mince bande côtière, n’est qu’un vaste territoire partagé entre
steppes et désert.
En grand connaisseur du sujet, Belkacem Mezrou soutient que l’Algérie
possède 9 wilayas steppiques et 18 autres semi-steppiques. De quoi
permettre aux 30 millions de moutons que compte le cheptel national de
gambader en toute liberté à travers les 40 millions d’hectares de cette
contrée dédiée à l’agropastoralisme.
Le secrétaire général de la FNE soutient que l’Algérie a atteint
l’autosuffisance en matière de viande ovine depuis deux ou trois ans.
Plus besoin d’importer le mouton néo-zélandais ou australien quand le
nôtre les dépasse largement en qualité et en saveur. Maintenant, il
s’agit plutôt d’inverser cette tendance : en mettant en place des
mécanismes de soutien aux éleveurs et à leurs produits, on peut
envisager d’exporter cette excellente race qu’est le Ouled Djellal,
d’ici deux à trois ans. Trois complexes-abattoirs répondant aux
dernières normes internationales en matière de technologie et d’hygiène
ont d’ores et déjà été réalisés dans les zones agropastorales : Aïn
M’lila, Hassi Bahbah et Bouktob à El Bayadh.
En outre, d’une capacité de 2000 têtes d’ovins/jour et 600 bovins/jour,
l’abattoir de Hassi Bahbah, qui va très bientôt ouvrir ses portes,
devra satisfaire les demandes des grands groupes comme Sonatrach, l’ANP
ou les COUS des universités. Pour ces abattoirs, la FNE réclame un droit
de regard, voire une participation à leur capital et gestion afin de
barrer la route aux intermédiaires de tous poils qui phagocytent cette
filière.
Ces intermédiaires sont accusés d’être derrière la cherté de la viande
rouge, notamment ovine. Pour les éleveurs, il existe toute une faune
parasitaire d’intermédiaires entre le producteur direct et le
consommateur qui font flamber les prix. Selon Belkacem Mezrou, les
moutons sont d’abord achetés au marché d’Ouled Djellal ou directement
chez les éleveurs par des intermédiaires originaires de Médéa et M’sila,
pour les revendre à Alger ou dans les marchés à bestiaux des grandes
villes où d’autres intermédiaires les rachètent pour les revendre aux
abattoirs et aux bouchers professionnels.
Avec une moyenne de 3 à 4 intermédiaires qui prennent à chaque fois des
marges de 2000 à 3000 DA, cela fait au final un supplément de 300 DA
sur le kilo de viande. Au lieu de se vendre à 800 ou 900 DA le kilo, le
mouton est proposé entre 1200 à 1300 DA chez le boucher. Au cas où la
filière de la viande ovine serait restructurée et son marché régulé, le
prix du kilo pourrait devenir plus abordable.
En voie d’être labellisé
Bien avant d’atterrir dans l’assiette du consommateur, on doit recevoir
l’alimentation adéquate comme complément de ce que le mouton broute sur
les parcours steppiques. Orge, paille, luzerne, maïs, vesce, le bétail
dispose d’une large variété d’aliments pour son engraissement. C’est
pour cela que la filière de l’élevage est directement liée à celle de la
céréaliculture.
Dans sa ferme sise à Melili, une vaste zone steppique à l’ouest de
Biskra, où Belkacem Mezrou nous conduit, ce principe de lier ces deux
filières est déjà mis en application, en ce sens que notre homme a
entrepris depuis quelque temps de produire ce que ses bêtes consomment.
Pour cela, un important forage et trois grands pivots d’irrigation pour
les surfaces semées en orge ou en luzerne ont été réalisés. C’est un
gros investissement pour un éleveur car les pivots, à eux seuls, coûtent
200 millions de centimes l’unité. «Ce sont des investissements réalisés
sur fonds propres. Nous dépensons de notre argent pour l’achat des
pivots, des semences, etc. Ce sont des dépenses lourdes et il faut du
temps pour les rentabiliser. L’Etat doit nous aider», dit-il. Pour le
moment, au titre de soutien de l’Etat aux éleveurs, il est prévu une
ration de 300 g d’orge par tête de mouton.
Une Fête du mouton a été lancée depuis une année à Biskra. Elle célèbre
cette excellente race à viande qu’est le mouton blanc d’Ouled Djellal
et assure sa promotion. De même, un Centre scientifique d’insémination
artificielle et d’amélioration génétique a été ouvert dans cette
localité, nous dit-on. Il œuvre à la préservation, la protection et
l’amélioration de la race qui n’est toujours pas labellisée, mais est en
voie de l’être.
Pour le moment, quatre produits nationaux sont en cours de
labellisation par le ministère de l’Agriculture. Il s’agit de la Deglet
Nour de Tolga, de la figue sèche de Beni Maouche, des olives de Sig et
du mouton d’Ouled Djellal. Cette belle bête à nulle autre pareille
mérite bien un label.
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