lundi 16 novembre 2015

Développement durable : pourquoi la science est une solution plus viable que la nourriture bio et équitable

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Le discours des écolos nous promet une nourriture saine et écologiquement viable en privilégiant une alimentation bio et un circuit court. La grande oubliée dans ce domaine est la science, qui est mal perçue alors qu'elle peut être une solution évidente pour tous les problèmes liés à l'environnement.


Atlantico : Le mythe du circuit court et d'une agriculture biologique à petite échelle est souvent présenté comme la solution écoresponsable pour mettre fin au gaspillage et à la pollution liée au transport. Or selon un article de Louise Fresco, présidente de Wageningen, la plus prestigieuse université européenne d’agriculture, et qui a travaillé auparavant pour la FAO, il ne faut surtout pas passer à côté des progrès technologiques. Au contraire le discours actuel serait nuisible. Qu'en pensez-vous ?

Bruno Parmentier : Contrairement à ce qui se passe dans les autres secteurs de l’économie, en matière d’alimentation, les consommateurs regardent souvent plus vers le passé que vers l’avenir. Personne n’aurait eu l’idée d’aller se faire opérer dans un hôpital « à l’ancienne », ni, hormis certains collectionneurs, de rouler dans une voiture des années 30. Pourtant, sur notre table, on apprécie tel producteur de champagne « depuis 1825 » ou la confiture « comme Bonne Maman », et toutes les recettes « traditionnelles », etc. Déjà, dans les années 30, on regrettait la « bonne » alimentation de la fin du XIXe siècle !

L’anthropologue Claude Lévi-Strauss l’avait remarqué, « il ne suffit pas qu’un aliment soit bon à manger, encore faut-il qu’il soit bon à penser ». Car en la matière il s’agit d’insérer dans notre corps ce qui deviendra notre propre chair, il est donc les aliments cristallisent une bonne partie de nos angoisses, car nous craignons d’acquérir malgré nous leurs défauts supposés et nous souhaitons au contraire nous emparer des qualités qu’on leur prête, comme la pureté du lait, la légèreté de la salade ou la force du bœuf.
Depuis la fin des 30 glorieuses, dans nos sociétés occidentales, la science n’a parfois plus la côte : on la trouve irresponsable, vénale et souvent vendue au Grand Capital, etc. On la tolère quand elle se fait oublier, par exemple pour le GPS ou le téléphone portable, mais on souhaite la garder à bonne distance de notre bouche.

Comme en plus notre religion majoritaire ne souhaite plus s’occuper de la nourriture, comme elle l’a fait pendant des siècles (à la différence des religions juive et musulmane, qui restent très prescriptrices en matière d’alimentation), et que d’ailleurs nous ne pratiquons plus, loin de nous être libérés, nous vivons dans l’angoisse de ne plus savoir ce que c’est que bien manger. Et puisque le curé ne nous dit plus comment Dieu veut que nous mangions, nous nous sommes rabattus sur la Mère Nature que nous avons déifiée, d’autant plus que nous vivons loin d’elle, hors-sol dans des villes artificialisées. Nous avons donc déclaré péremptoirement que « la Nature nous veut du bien », et que donc nous irons au paradis des écolos si et seulement si nous mangeons des produits naturels et locaux. Et pour nous la terre est naturelle et la science artificielle…

En chemin, nous avons oublié que les maladies naturelles sont bien des maladies : il y a encore un siècle où deux, tout le monde mangeait bio puisqu’on n’avait pas encore inventé les pesticides, et… on mourrait couramment après souper ! Aujourd’hui, c’est fini, l’obésité et le diabète nous guettent, mais nous ne risquons plus notre vie à chaque repas ! Notons d’ailleurs que dernier vrai scandale alimentaire en Europe a été précisément celui des graines bios à germer, qui ont tué 50 allemands (soit 10 fois plus que la vache folle !) et handicapé plusieurs milliers.

Alors, bien évidemment, la science a plus que jamais son mot à dire pour que nous continuions à progresser, y compris en direction d’un développement plus durable. La vraie question n’est pas celle de « science ou tradition », mais d’orienter les crédits de la recherche dans les directions conformes à nos valeurs et nos vraies priorités collectives. Car en la matière, il est bien évident que, sauf rares exceptions, on ne trouve que ce que l’on cherche. Par exemple, en matière de fraises, la recherche s’est focalisée sur le fait de rendre ce produit transportable, pour qu’on puisse manger 6 mois par an ce fruit très fragile en élargissant les zones de production, ce qui a malheureusement eu comme effet de le rendre le plus souvent insipide. En revanche, le melon a toujours été un fruit nettement plus transportable ; la recherche s’est focalisée dans une autre direction : le rendre sucré, et elle a relativement bien réussi, ce qui fait que nous n’avons plus à gesticuler pour choisir nos melons dans les supermarchés : ils sont pratiquement tous bons, et la vérité oblige à dire que dorénavant les seuls melons insipides sont (parfois) les bios ! De la même manière, comme l’écrit cet auteur, la production de légumes en serres, qui à première vue paraît totalement artificielle, s’avère souvent beaucoup plus économe en eau et en pesticides, voire en énergie, que la production de plein champ, avec à l’arrivée un goût que les consommateurs trouvent souvent meilleur. Et la sauce tomate est aussi parfois meilleure pour la santé que la tomate elle-même ! Sans compter que la salade bien fraiche du marché a peut-être été cultivée au bord de l’autoroute ou sous les pistes de l’aéroport, et contient peut-être davantage de toxines que la salade toute épluchée et emballée du supermarché, qui est moins poétique mais dont la teneur en arsenic a été contrôlée !


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