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L’anthropologue Claude Lévi-Strauss l’avait remarqué, « il ne suffit pas qu’un aliment soit bon à manger, encore faut-il qu’il soit bon à penser ». Car en la matière il s’agit d’insérer dans notre corps ce qui deviendra notre propre chair, il est donc les aliments cristallisent une bonne partie de nos angoisses, car nous craignons d’acquérir malgré nous leurs défauts supposés et nous souhaitons au contraire nous emparer des qualités qu’on leur prête, comme la pureté du lait, la légèreté de la salade ou la force du bœuf.
Depuis la fin des 30 glorieuses, dans nos sociétés occidentales, la science n’a parfois plus la côte : on la trouve irresponsable, vénale et souvent vendue au Grand Capital, etc. On la tolère quand elle se fait oublier, par exemple pour le GPS ou le téléphone portable, mais on souhaite la garder à bonne distance de notre bouche.
Comme en plus notre religion majoritaire ne souhaite plus s’occuper de la nourriture, comme elle l’a fait pendant des siècles (à la différence des religions juive et musulmane, qui restent très prescriptrices en matière d’alimentation), et que d’ailleurs nous ne pratiquons plus, loin de nous être libérés, nous vivons dans l’angoisse de ne plus savoir ce que c’est que bien manger. Et puisque le curé ne nous dit plus comment Dieu veut que nous mangions, nous nous sommes rabattus sur la Mère Nature que nous avons déifiée, d’autant plus que nous vivons loin d’elle, hors-sol dans des villes artificialisées. Nous avons donc déclaré péremptoirement que « la Nature nous veut du bien », et que donc nous irons au paradis des écolos si et seulement si nous mangeons des produits naturels et locaux. Et pour nous la terre est naturelle et la science artificielle…
Le discours des écolos nous promet une
nourriture saine et écologiquement viable en privilégiant une
alimentation bio et un circuit court. La grande oubliée dans ce domaine
est la science, qui est mal perçue alors qu'elle peut être une solution
évidente pour tous les problèmes liés à l'environnement.
Atlantico : Le mythe du circuit court et d'une agriculture biologique à petite échelle est souvent présenté comme la solution écoresponsable pour mettre fin au gaspillage et à la pollution liée au transport. Or selon un article de Louise Fresco, présidente de Wageningen, la plus prestigieuse université européenne d’agriculture, et qui a travaillé auparavant pour la FAO, il ne faut surtout pas passer à côté des progrès technologiques. Au contraire le discours actuel serait nuisible. Qu'en pensez-vous ?
Bruno Parmentier : Contrairement à
ce qui se passe dans les autres secteurs de l’économie, en matière
d’alimentation, les consommateurs regardent souvent plus vers le passé
que vers l’avenir. Personne n’aurait eu l’idée d’aller se faire opérer
dans un hôpital « à l’ancienne », ni, hormis certains collectionneurs,
de rouler dans une voiture des années 30. Pourtant, sur notre table, on
apprécie tel producteur de champagne « depuis 1825 » ou la confiture «
comme Bonne Maman », et toutes les recettes « traditionnelles », etc.
Déjà, dans les années 30, on regrettait la « bonne » alimentation de la
fin du XIXe siècle !
L’anthropologue Claude Lévi-Strauss l’avait remarqué, « il ne suffit pas qu’un aliment soit bon à manger, encore faut-il qu’il soit bon à penser ». Car en la matière il s’agit d’insérer dans notre corps ce qui deviendra notre propre chair, il est donc les aliments cristallisent une bonne partie de nos angoisses, car nous craignons d’acquérir malgré nous leurs défauts supposés et nous souhaitons au contraire nous emparer des qualités qu’on leur prête, comme la pureté du lait, la légèreté de la salade ou la force du bœuf.
Depuis la fin des 30 glorieuses, dans nos sociétés occidentales, la science n’a parfois plus la côte : on la trouve irresponsable, vénale et souvent vendue au Grand Capital, etc. On la tolère quand elle se fait oublier, par exemple pour le GPS ou le téléphone portable, mais on souhaite la garder à bonne distance de notre bouche.
Comme en plus notre religion majoritaire ne souhaite plus s’occuper de la nourriture, comme elle l’a fait pendant des siècles (à la différence des religions juive et musulmane, qui restent très prescriptrices en matière d’alimentation), et que d’ailleurs nous ne pratiquons plus, loin de nous être libérés, nous vivons dans l’angoisse de ne plus savoir ce que c’est que bien manger. Et puisque le curé ne nous dit plus comment Dieu veut que nous mangions, nous nous sommes rabattus sur la Mère Nature que nous avons déifiée, d’autant plus que nous vivons loin d’elle, hors-sol dans des villes artificialisées. Nous avons donc déclaré péremptoirement que « la Nature nous veut du bien », et que donc nous irons au paradis des écolos si et seulement si nous mangeons des produits naturels et locaux. Et pour nous la terre est naturelle et la science artificielle…
En chemin, nous avons oublié que les maladies
naturelles sont bien des maladies : il y a encore un siècle où deux,
tout le monde mangeait bio puisqu’on n’avait pas encore inventé les
pesticides, et… on mourrait couramment après souper ! Aujourd’hui, c’est
fini, l’obésité et le diabète nous guettent, mais nous ne risquons plus
notre vie à chaque repas ! Notons d’ailleurs que dernier vrai scandale
alimentaire en Europe a été précisément celui des graines bios à germer,
qui ont tué 50 allemands (soit 10 fois plus que la vache folle !) et
handicapé plusieurs milliers.
Alors, bien évidemment, la science a plus que jamais
son mot à dire pour que nous continuions à progresser, y compris en
direction d’un développement plus durable. La vraie question n’est pas
celle de « science ou tradition », mais d’orienter les crédits de la
recherche dans les directions conformes à nos valeurs et nos vraies
priorités collectives. Car en la matière, il est bien évident que, sauf
rares exceptions, on ne trouve que ce que l’on cherche. Par exemple, en
matière de fraises, la recherche s’est focalisée sur le fait de rendre
ce produit transportable, pour qu’on puisse manger 6 mois par an ce
fruit très fragile en élargissant les zones de production, ce qui a
malheureusement eu comme effet de le rendre le plus souvent insipide. En
revanche, le melon a toujours été un fruit nettement plus transportable
; la recherche s’est focalisée dans une autre direction : le rendre
sucré, et elle a relativement bien réussi, ce qui fait que nous n’avons
plus à gesticuler pour choisir nos melons dans les supermarchés : ils
sont pratiquement tous bons, et la vérité oblige à dire que dorénavant
les seuls melons insipides sont (parfois) les bios ! De la même manière,
comme l’écrit cet auteur, la production de légumes en serres, qui à
première vue paraît totalement artificielle, s’avère souvent beaucoup
plus économe en eau et en pesticides, voire en énergie, que la
production de plein champ, avec à l’arrivée un goût que les
consommateurs trouvent souvent meilleur. Et la sauce tomate est aussi
parfois meilleure pour la santé que la tomate elle-même ! Sans compter
que la salade bien fraiche du marché a peut-être été cultivée au bord de
l’autoroute ou sous les pistes de l’aéroport, et contient peut-être
davantage de toxines que la salade toute épluchée et emballée du
supermarché, qui est moins poétique mais dont la teneur en arsenic a été
contrôlée !
Source: http://www.atlantico.fr/rdv/atlantico-green/developpement-durable-pourquoi-science-est-solution-plus-viable-que-nourriture-bio-et-equitable-bruno-parmentier-2443379.html
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