lundi 20 avril 2015

Le secteur agricole ne peut porter seul le développement rural

le 20.04.15


- Certaines estimations indiquent qu’il y a deux fois plus de pauvres dans les zones rurales que les zones urbaines. Le traitement de la pauvreté rurale nécessite-t-il une approche différenciée ?
Il n’existe pas de données quantitatives actualisées et systématiques sur le niveau de vie dans les zones rurales en Algérie qui permettent de faire une analyse fine et précise de la question de la pauvreté dans ces zones. Mais l’absence de telles données ne réduit en rien de l’importance du problème. Un rapport publié par le ministère de l’Agriculture et du développement rural en 2004 faisait déjà ressortir un net écart de l’indice de développement humain entre les  communes rurales (IDH variant entre 0,362 et 0,505 pour la majorité de ces communes) par rapport à la moyenne nationale (IDH 0,733).
Ce décalage de niveau de développement ne s’exprime pas seulement en termes de revenu moyen disponible par habitant, mais aussi et surtout en termes d’accès limité aux infrastructures et services socio-économiques (éducation, santé, culture, loisirs, accès à l’eau potable), qui peut affecter à long terme les capacités des citoyens à s’émanciper individuellement et à porter les dynamiques collectives nécessaires pour le développement leur territoire. Le traitement de la pauvreté rurale passe par le développement de ces territoires. Avant de parler de développement rural, il faut préciser que le monde rural en Algérie correspond à 948 communes sur les 1541 du pays, et compte près de 37% de sa population (plus de 13 millions d’habitants).

Promouvoir son développement et améliorer d’une manière significative et durable les conditions de vie de ses habitants veut dire engager d’une manière combinée : I) une amélioration durable de la productivité agricole par la mise à niveau technique et organisationnelle permanente des exploitations ; II) un développement des autres activités économiques : tourisme, artisanat, services, etc. ; III) un rattrapage en infrastructures et équipements collectifs ; et IV) une amélioration de la gouvernance locale et l’organisation de la société civile.  Ce qui est constaté aujourd’hui, c’est une forte disparité régionale et locale par rapport à l’ensemble de ces points. Beaucoup de communes rurales, notamment en zones de montagne, en steppe et dans le Sahara, connaissent des retards importants en matière de développement.
Les territoires ruraux qui se développent sont ceux qui attirent le plus d’investissements pour valoriser leurs ressources spécifiques (ressources naturelles, savoir-faire, patrimoine culturel, etc.). Le principal défi des autorités publiques nationales et locales est donc de créer les conditions susceptibles de libérer les initiatives locales, d’encourager la créativité et d’attirer les investisseurs.
- Le monde rural recèle des potentialités économiques certaines, mais ne semble pas tirer la dynamique de développement dans ces zones. Pourquoi ?
Le développement économique, au sens de création de richesses et d’emplois, reste la pierre angulaire de tout processus de développement rural. Dans certaines régions rurales du pays, ce rôle de locomotive économique est assuré par le secteur agricole, mais dans de nombreuses autres régions, le secteur agricole ne peut porter, à lui seul, la dynamique de développement car la productivité agricole augmente moins vite que la population.
Le développement de nouvelles activités économiques hors agriculture devient une exigence et est la seule issue à la stagnation ou la régression de ces zones. Mais cette diversification économique, nécessaire pour le développement des zones rurales, bute sur la faiblesse des secteurs économiques (tourisme, industrie) à l’échelle nationale.

- En matière de politique publique, des programmes destinés au développement rural ont été lancés. Comment évaluer leur apport par rapport aux besoins de ces populations ?
Depuis le début des années 2000, les pouvoirs publics ont, en effet, engagé une série d’ambitieux programmes de développement agricole et rural qui ont mobilisé d’importants moyens financiers. Beaucoup d’acquis sont enregistrés, notamment en matière d’infrastructures et d’équipements socio-économiques, permettant aux zones rurales de réduire leur retard dans ce domaine.
En matière de développement économique, le bilan est plus mitigé, et géographiquement différencié. Certaines régions (certaines communes de Biskra, El Oued, Tiaret…par exemple) connaissent un développement agricole important engendrant une dynamique économique locale qui semble inclusive. Par contre, d’autres régions peinent à trouver le chemin de la croissance économique, malgré les fonds publics investis.

La principale leçon à tirer de ces politiques est que le développement rural ne se limite pas à la mobilisation de moyens matériels, mais dépend aussi de l’efficacité du cadre organisationnel et réglementaire qui permet l’émergence des acteurs et détermine leur qualité et leurs relations. Des acteurs peu efficaces, des relations conflictuelles ou faibles, des maillons manquants ralentissent le processus de développement que les pouvoirs publics soutiennent par des budgets importants.
Safia Berkouk
 Source: http://www.elwatan.com/economie/le-secteur-agricole-ne-peut-porter-seul-le-developpement-rural-20-04-2015-292826_111.php

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