Les chercheurs en guerre contre les mauvaises herbes en Afrique
17/11/14
Des chercheurs et techniciens des îles de l’océan Indien, dont
Madagascar, à travers le projet "Weed identification and knowledge in
the Western Indian Ocean (Wikwio)" (Identification et connaissances des
adventices des cultures de la région ouest de l’océan Indien), mettent à
contribution les TIC, pour mieux lutter contre les mauvaises herbes et
améliorer la sécurité alimentaire.
Le projet, d’un montant total d’un million d’euros, dont 850 000 euros
du Programme Afrique-Caraïbes-Pacifiques (ACP) Science and Technology
II, de la Commission européenne, vise l’augmentation du rendement au
moyen de l’élimination raisonnée des mauvaises herbes.
Démarrée en novembre 2013, l’initiative, d’une durée de 36 mois, s’est inspirée de la réussite du projet Afroweeds (2009-2012) qui ciblait uniquement les mauvaises herbes dans les zones rizicoles.
"Nous avons fait évoluer les outils et les techniques avec les
expériences acquises. Nous avons développé le projet Wikwio sur une
autre zone concernée et surtout nous l’avons ouvert à l’ensemble des
systèmes de culture", a déclaré à SciDev.Net le chef de projet,
Thomas Lebourgeois, chercheur au Centre de coopération internationale
en recherche agronomique pour le développement (Cirad), lors du deuxième
atelier technique à Antananarivo, les 20-24 octobre
Selon lui, les mauvaises herbes représentent l'une des contraintes
majeures de l’agriculture en zone tropicale et notamment dans les pays
de l’ouest de l’océan Indien.
"Dans toutes ces cultures, la contrainte de l’enherbement est très
importante, pour deux raisons. La première : si on ne désherbe pas, on
va perdre entre 30 et 80 % et parfois même 100 % du rendement.
La deuxième : le désherbage manuel prend énormément de temps. Il
représente près de 50 % du travail d’un agriculteur. Si on compte le
temps consacré à toute une culture depuis le travail du sol, le semi,
l’entretien, la récolte…, le désherbage à lui seul représente la moitié
du temps de travail et cela conditionne la possibilité pour
l’agriculteur de pouvoir cultiver une certaine surface. Il n’est capable
de cultiver que ce qu’il est capable de désherber", a estimé l'expert.
Mais, pour le projet Wikwio, la question centrale est de trouver les
moyens de se servir des outils informatiques pour permettre aux acteurs
agricoles d’avoir accès aux informations sur les mauvaises herbes et la
nouvelle stratégie de lutte mise à leur disposition, le but étant de
partager toutes les connaissances en vertu de la complémentarité.
"Les chercheurs font de la recherche. Les techniciens et les agents du
développement font de l’encadrement des agriculteurs. Chacun a une part
de connaissance et si on partage toutes ses connaissances, on accède à
un niveau de perception nettement supérieur pour aider les
agriculteurs", a-t-il ajouté.
Des supports de type web 2.0 sont mis au point pour faciliter l’accès à l’information sur les mauvaises herbes de cultures.
Les scientifiques ont développé depuis un certain nombre d’années des
outils d’aide à l’identification et de partage de connaissances dans le
domaine de la botanique et, plus particulièrement, en ce qui concerne
les mauvaises herbes.
"Les choses évoluent très vite dans le contexte actuel de
mondialisation. Des changements sont observés dans le domaine des
mauvaises herbes. De nouvelles espèces sont depuis les années 90
arrivées à cause peut-être de la circulation des marchandises. La
mutation de l’environnement agricole du point de vue technique et
commercial nous contraint aussi de nous mettre au diapason des
nouveautés, surtout à l’heure des TIC", a pour sa part déclaré à SciDev.Net
Augustin Randriamampianina, malherbologue au Centre national de
recherche appliquée au développement rural (Fofifa, Madagascar).
En revanche, les malherbologues soulignent que l’idée n’est pas de
délivrer des recettes de cuisine, mais de diffuser des connaissances à
la fois sur les mauvaises herbes et des méthodes de lutte dans certains
contextes bien définis et de permettre aux gens, agronomes,
scientifiques et techniciens des services de développement, de pouvoir
raisonner par eux-mêmes les itinéraires de désherbage à mettre en œuvre.
A terme, l’opérationnalisation d’un réseau régional S&T renforcé
pour briser les cloisonnements existant à des différents échelons est
l’une des finalités du projet.
"Un des objectifs de ces outils est d’arriver à mettre tous les acteurs
du développement agronomique en réseau pour qu’ils puissent, d’une part,
se connaître et, d’autre part, échanger leurs connaissances, partager
leurs questions, s’intégrer dans un réseau de communication. Ce qui fait
qu’un agent de développement à Madagascar saura ce qui se fait, par
exemple, à Maurice. Mais, en même temps, un chercheur des Comores saura
quelles sont informations présentes sur une telle ou telle espèce de
mauvaise herbe à Madagascar, à Maurice, à La Réunion", a insisté Thomas
Lebourgeois.
Pour l’heure, le projet Wikwio renseigne sur une sélection de 344
espèces de mauvaises herbes dont 60-70 % sont communes aux îles de
l’océan Indien en dépit de la différence des contextes agroécologiques.
Mais il arrive que la présence des espèces cause problème dans une île,
alors que c’est plutôt le cas inverse dans d’autres, selon les
malherbologues.
Le recours aux herbicides et à l’agroécologie a été depuis des années un
moyen de lutte recommandé. Mais les méthodes pratiquées ont montré
chacune leurs limites.
Par ailleurs, l’augmentation du taux de CO2 dans l’atmosphère commence à
poser un sérieux problème du fait qu’elle a favorisé depuis les trente
dernières années le développement des lianes dans les plantations des
cannes à sucre à La Réunion et à Maurice, entre autres.
L’initiative doit s’étendre sur l’ensemble de l’Afrique orientale et
australe, en raison d’une certaine similitude des réalités entre les
pays.
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