L’agriculture familiale
Publié le 2 octobre 2014
En 2012, l’Union des producteurs agricoles (UPA) du
Québec et l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et
l’agriculture (FAO) ont signé un mémorandum. L’objectif : promouvoir le
développement de l’agriculture familiale. Le point sur cette
collaboration et ses défis, avec André Beaudoin, secrétaire général de
l’UPA Développement international (UPA-DI).
Le partenariat entre la FAO et l’UPA a été scellé il y a à peine deux ans. Déjà, plusieurs mesures concrètes ont été mises de l’avant dans le cadre de cette collaboration. Elles visent surtout à améliorer la sécurité alimentaire de pays africains. Un programme, nommé CoOPéquité, a été mis en place au Niger afin de promouvoir la gouvernance et l’équité au sein des organisations de producteurs et des organismes ruraux. Axé sur le renforcement des capacités, ce programme appuie aussi le gouvernement dans son initiative des 3N, qui signifie « Les Nigériens nourrissent les Nigériens ». « On travaille avec des organisations pour bien faire comprendre le rôle des organisations paysannes et de l’agriculture familiale dans ce plan gouvernemental », explique André Beaudoin en entrevue téléphonique. Dans quatre pays du Maghreb, soit l’Algérie, le Maroc, la Tunisie et la Mauritanie, des activités et des formations sont élaborées pour des organisations présentes dans les domaines de l’apiculture, de l’élevage de petits ruminants et de la pêche artisanale. Au Burkina Faso, l’expertise de l’UPA-DI a été sollicitée par la FAO pour permettre aux agriculteurs dans la filière du tournesol de s’engager dans le marché.
« On est convaincu que l’agriculture familiale a une place fondamentale dans la sécurité alimentaire mondiale, dit M. Beaudoin. Pour qu’elle puisse émerger, cette agriculture a besoin de services qui doivent être offerts par les organisations paysannes et les organisations professionnelles de producteurs et de productrices agricoles. »
Si plusieurs activités sont amorcées, démontrer l’importance et la pertinence de l’agriculture familiale dans la réponse à l’insécurité alimentaire reste un défi de taille, juge M. Beaudoin. « Le principal obstacle, c’est le paradigme qui est ancré dans l’esprit de beaucoup de décideurs selon lequel c’est l’agriculture industrielle qui est la mieux placée pour produire des volumes à peu de frais pour nourrir le monde […]. Il faut faire comprendre qu’on est dans la mauvaise direction lorsque le système alimentaire repose uniquement sur l’agriculture industrielle. »
Alors que l’Année internationale de l’agriculture familiale, telle que désignée par les Nations unies, s’achève, la balle est dans le camp du monde agricole, croit M. Beaudoin. « Fort de ces discussions et de cette prise de conscience, il faut continuer d’informer les décideurs du monde pour qu’on garde le cap sur ce type d’agriculture, en sachant que, sans que les projecteurs s’éteignent, la lumière sera plus tamisée dans les prochaines années pour faire valoir ce point de vue. » Selon lui, les changements climatiques, les conflits armés dans des zones agricoles et la spéculation sur les denrées alimentaires font « qu’on ne peut plus fermer les yeux » sur les autres façons de faire de l’agriculture, dont l’agriculture familiale.
Une question d’accès
André Beaudoin soulève un autre enjeu majeur auquel devra répondre l’UPA-DI dans son travail avec la FAO : celui de mettre à la disposition des organisations de producteurs agricoles les moyens, techniques ou financiers, et les mécanismes nécessaires pour améliorer leur capacité d’agir. « Pour rivaliser avec l’agriculture industrielle, l’agriculture familiale a un problème d’accès, ajoute M. Beaudoin. On parle d’abord de l’accès à la connaissance. Les Monsanto de ce monde ont beaucoup plus de moyens pour accéder aux résultats des recherches, qu’ils font eux-mêmes, alors que ce n’est pas à la portée d’une organisation paysanne. L’accès à la connaissance et à la recherche doit donc passer par des structures gouvernementales et paragouvernementales. Ce qui est un défi. » Il souligne aussi les enjeux de l’accès à des intrants agricoles de qualité, tout comme celui de l’accès au financement. « Il est actuellement beaucoup plus facile pour les grands groupes, que ce soit des fonds de placement ou des entreprises privées d’envergure, d’accaparer des terres que ce ne l’est pour de petits producteurs. » Il ajoute l’importance d’accéder ensuite au marché. « Tous ces mécanismes d’accès sont absolument essentiels pour que l’agriculture familiale puisse jouer son rôle. »
Comme les moyens de plusieurs petits producteurs agricoles du monde s’avèrent limités, M. Beaudoin croit que les regroupements et les organisations professionnelles peuvent « permettre à l’agriculture familiale d’évoluer à côté des autres types d’agriculture ».
Présence au Sommet
L’agriculture familiale aura droit à son forum, le 9 octobre prochain à Québec, dans le cadre du Sommet international des coopératives. L’agriculture, dans son sens large, sera au coeur de plusieurs autres tables rondes et présentations. André Beaudoin, aussi membre du comité de validation du Sommet, explique que d’y souligner cet enjeu permettra de « faire prendre conscience au mouvement coopératif qu’il a un rôle à jouer, au même titre que les autres acteurs de la société civile, pour faire évoluer les mentalités sur ces questions fondamentales ». Bien qu’il considère que la promotion et le développement des multiples formes d’agriculture ne peuvent relever de la responsabilité d’un seul acteur, il croit que le mouvement coopératif peut jouer « un rôle assez déterminant, puisqu’il est tout de même assez bien ancré, partout dans le monde, dans le secteur agricole et rural ».
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