lundi 30 janvier 2017

Impact de la recherche agonomique : le débat est ouvert entre organisations scientifiques et bailleurs de fonds

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©institut.inra.fr

Comment mesurer l’impact de la recherche agronomique ? Comment contribuer au pilotage de la recherche pour maximiser son impact sur le terrain, en termes de gain de productivité, de qualité environnementale, d’efficacité le long de la chaîne agro-alimentaire, de relations sociales, etc. ? Ces questions ont intéressé les projets ImpresS et Impresa, dont les résultats ont été présentés, à l’initiative du Cirad, le 18 novembre à Bruxelles. Un débat a suivi avec des représentants de trois Directions générales de la Commission européenne (Recherche et innovation, Agriculture et développement rural, Développement et coopération internationale) et du Fonds international de développement agricole (Fida). Cette rencontre inédite entre organisations scientifiques et bailleurs de fonds a ouvert des pistes pour renouveler les façons d’évaluer l’impact, réfléchir à la place de l’impact dans les financements compétitifs et repenser les politiques de recherche et développement agricole. 

Mesurer, évaluer, mieux comprendre l’impact de leurs recherches sur l’agriculture : c’est la raison qui a poussé le consortium européen Impresa, le Cirad et leurs partenaires, à s’engager dans les projets Impresa et ImpresS. Alors que les terrains d’étude des projets sont différents - l’un sur l’agriculture européenne, l’autre sur les agricultures du Sud – les enseignements des deux projets se rejoignent sur la nécessité d’investir à long terme, mais aussi d’impliquer les chercheurs dans la réflexion sur l’impact de leurs recherches.

La recherche, un investissement à long terme

 

« Dix à 30 ans d’investissement de la recherche sont nécessaires pour avoir un impact économique, social, environnemental, territorial, ou en matière de santé » a souligné à Bruxelles le 18 novembre Etienne Hainzelin, coordinateur du projet ImpresS au Cirad. « Quinze ans est la durée minimale sur une question de recherche donnée : elle correspond souvent à une grappe de projets, qui s’enchaînent ou s’imbriquent, avec des partenariats à monter sur la durée » . Ce qu’a confirmé Peter Midmore, coordinateur du projet Impresa à l’université Aberystwyth.

Marc Duponcel, de la Direction générale pour l’agriculture et le développement rural a indiqué qu’il partageait cette vision : « La recherche doit être perçue comme un investissement à long terme. Il est donc important de donner un cadre politique adapté pour développer l’impact de la recherche agricole dans une approche multi-acteur » . Le représentant du Fida a confirmé l'intérêt de la démarche tout en soulignant la difficulté de sa mise en œuvre, car les bailleurs de fonds doivent rendre des comptes sur l'efficacité de l'emploi de leurs ressources en terme d'impacts directement liés aux investissements. 


Une approche multi-acteurs

 

Les résultats d’ImpresS et Impresa ont mis en évidence en effet l’importance de co-construire les résultats, dans une approche multi-acteurs, avec des interactions entre chercheurs et parties prenantes tout au long du processus d’innovation, et des relations de confiance s’inscrivant dans le temps. 

Les travaux menés par le Cirad dans le cadre d’ImpresS ont aussi révélé la nécessité d’interagir avec les acteurs publics et les décideurs politiques en prenant en compte le contexte institutionnel et l’agenda politique. Ils ont montré également le rôle essentiel du développement des capacités des acteurs, notamment par le biais de la formation, pour générer de l’impact.

Impresa s’est intéressé par ailleurs aux liens entre secteur public et secteur privé. Le projet a mis en exergue l’influence des recherches et des innovations de l’industrie agro-alimentaire sur l’agriculture. Peter Midmore a insisté ainsi sur la nécessité d’une gouvernance forte des fonds publics dédiés à la recherche agricole. 


D’une «culture de la promesse» à une «culture de l’impact»

 

ImpresS et Impresa invitent les chercheurs à passer « d’une culture de la promesse » à une « culture de l’impact ». « Il faut inciter les chercheurs à penser à leurs utilisateurs finaux » a commenté Hans-Joerg Lutzeyer de la Direction générale pour la recherche et l’innovation.
Ce changement de culture ne pourra cependant pas s’opérer sans l’aide des bailleurs qui définissent le cadre de financement des recherches et des appels à projet. « Les procédures actuelles peuvent conduire les porteurs de projets à promettre beaucoup » ont indiqué les participants.
Il s’agit donc de concevoir un cadre favorable à l’émergence des projets pouvant avoir de l’impact en prenant en compte la durée. Pour ce faire, « il faut impliquer les chercheurs dans le suivi de ces impacts et la définition même de scénarios d’impacts de leurs recherches, dès l’appel à projet, en les mettant en perspective dans l’écosystème de grappes de projets. Suivre ces scénarios au cours du projet, et au-delà, permettrait de mesurer les impacts au fil des activités, et réorienter les actions si nécessaire » , selon Etienne Hainzelin. La préparation d’un manuel de bonnes pratiques pour développer l’impact a été évoquée par les participants. 


Mobiliser l’expertise européenne pour le développement agricole

 

Peter Midmore d’Impresa a, de plus, suggéré de mieux renseigner le système d’information de la recherche agricole européenne. « Nous avons besoin d’un panorama complet de la recherche agricole en Europe, qui pourrait prendre la forme d' un observatoire de ce qui se fait dans les États membres et au niveau européen , c’est important pour comprendre qui fait quoi et pour connaître les ressources investies » , a confirmé Marc Duponcel de la Direction générale pour l’agriculture et le développement rural. 

Cela permettrait en effet de mieux mobiliser l’expertise européenne pour « un développement agricole basé sur la science » selon Bernard Rey de la Direction générale pour le développement et la coopération internationale. « Nous réfléchissons actuellement aux mécanismes financiers à mettre en place pour gagner en efficacité et cibler directement l'expertise scientifique, sans être contraint par les procédures des appels à projets, habituelles en milieu scientifique » a-t-il précisé. « La science a un rôle à jouer dans la conception de la politique de développement ».

                               
 

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