Produire dans le Jura de manière industrielle des coléoptères Tenebrio molitor. Tel est le défi d’Ynsect. Les protéines produites seront dans un premier temps utilisées pour l’alimentation animale.
L'usine est en phase de démarrage.
Sur Innovia, parc d'activité du Grand Dole (Jura), choisi pour le
savoir-faire local en agroalimentaire et en robotique, la société
implantée à Evry (Essonne) teste la production industrielle du
coléoptère Tenebrio molitor. C'est le nom scientifique d'un scarabée
sélectionné car ses larves représentent une bonne source en protéines et
en lipides. Dans un premier temps, elles sont destinées aux fabricants
de croquettes pour chiens et chats. « Nous avons déjà une forte
demande, notamment d'un fabricant allemand de croquettes
hypoallergéniques pour chiens, et nous devrons augmenter la production
plus vite que prévu », se félicite Jean-Gabriel Levon, directeur
des opérations et un des quatre cofondateurs d'Ynsect, en 2011, avec
Antoine Hubert, Alexis Angot et Fabrice Berro.
Haute teneur en protéines
L'entreprise
vise l'élevage et la transformation d'insectes à grande échelle, selon
les technologies industrielles qu'elle a brevetées, pour les transformer
en « molécules d'intérêt ». Estimé à 200 millions d'euros, le
marché du « petfood » (alimentation des animaux de compagnie) est le
premier visé. Dans un second temps, Ynsect vise celui des élevages de
volailles et poissons, les protéines animales les plus consommées au
monde.
Dans un futur plus
lointain, ces larves seront transformées en aliments pour les humains.
L'idée sous-jacente de cette aventure étant de « nourrir le monde »,
affirme Jean-Gabriel Levon. S'il le dit avec le sourire, l'ambition est
réelle sur une planète qui comptera 9 milliards d'habitants en 2050.
Déjà consommé par l'homme
Le
choix du coléoptère Tenebrio molitor n'est pas anodin : outre sa haute
teneur en protéines et son absence d'historique de maladie, ce
coléoptère est déjà consommé par l'homme dans certaines régions d'Asie. « Nous sommes convaincus que les insectes sont l'une des briques incontournables d'un système alimentaire plus durable », estime Antoine Hubert, président d'Ynsect, ingénieur agronome passionné d'agriculture urbaine.
Basée
au genopole d'Evry,cluster des biotechnologies francilien, la société
emploie près de 50 salariés, dont la moitié en R&D. Elle a développé
plusieurs partenariats scientifiques, le dernier en date avec le Loewe
Center Insect Biotechnology, en Allemagne, l'un des plus gros
investisseurs publics de la recherche dans ce domaine.La start-up
a investi depuis le départ 14 millions d'euros, dont la moitié issue de
deux levées de fonds. Une grosse partie a été consacrée à Ynsite, le
nom donné au démonstrateur jurassien de 3.000 mètres carrés livré cet
été. Il emploiera une dizaine de personnes fin 2016 et, en validant la
technologie, constituera l'étape intermédiaire entre le prototype de
production, conçu en 2013, le pilote réalisé dans le Doubs en 2014 et
les bioraffineries de grande capacité que les fondateurs imaginent
construire dans les années à venir sur toute la planète. « Nous
voulons montrer à nos futurs partenaires que nous maîtrisons le
processus industriel. Nous produirons ici quelques centaines de tonnes
par an, contre quelques milliers dans les usines réelles », pronostique Antoine Hubert.
Monique Clemens
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