En plus de fournir
aux populations des produits sains, l’agriculture écologique peut
permettre à un pays d’être souverain sur le plan alimentaire et de
résister à d’éventuelles crises, ont estimé jeudi à Alger des
spécialistes en agro-écologie qui plaident pour le changement de
« philosophie agricole » pour aller vers une agriculture naturelle
respectueuse de l’environnement. « L’agro-écologie est une agriculture
qui est à cheval entre le milieu naturel et les activités humaines. Le
principe c’est d’optimiser l’utilisation de l’eau et garder le sol
vivant », explique Olivier Hebrard, écologiste et spécialiste en agro
écologie au sein de l’association française Terre&humanisme.
« Atteindre la souveraineté alimentaire par l’agro-écologie est tout à
fait faisable. Il faut revenir aux époques passées où les populations se
nourrissaient d’elles-mêmes et où les villes avaient des ceintures
maraîchères qui alimentaient les centres urbains », selon ce spécialiste
qui a animé une conférence sur la souveraineté alimentaire à l’Ecole
nationale supérieure d’agronomie (ENSA).
Ce conférencier qui
relevé les principes de l’agro-écologie et son impact positif sur
l’environnement, a évoqué les conséquences de l’arsenal chimique hérité
de la deuxième guerre mondiale et réutilisé dans la production de
fertilisants à destination de l’agriculture intensive. En conséquence,
la fertilité des sols a connu depuis une chute « dramatique », dit M.
Hebrard.
Actuellement, la
dégradation et la perte des sols à cause d’une chimie démesurée mettent
en danger la sécurité alimentaire des pays développés, d’après cet
expert. « La ville de Paris par exemple a seulement trois jours
d’autonomie alimentaire », a-t-il dit. « En cas de crise suite à une
guerre ou à une catastrophe naturelle, des millions de personnes seront
privées de nourriture. D’autant plus que les économistes voient venir
des crises alimentaires d’ici 15 ans à cause des conflits géopolitiques
et climatiques », selon cet expert.
Evoquant le cas de
l’Algérie qui subit actuellement les effets de la dépendance de la rente
pétrolière, M. Hebrard suggère de créer des « ceintures agricoles
durables » tout en arrêtant l’urbanisation galopante au détriment des
terres fertiles.
Il préconise aussi
aux décideurs d’installer les paysans dans une dynamique agro-écologique
et faire des liens entre les consommateurs citadins et ces producteurs
respectueux de l’environnement qui s’installent autour des villes. « Vu
les conséquences sur l’environnement et la santé humaine, il faut
changer complètement de philosophie agricole. Il faut être intransigeant
concernant l’utilisation d’engrais et de molécules chimiques, de
pesticides et d’engrais minéraux », suggère ce spécialiste.
Il a également cité
le cas des semences hybrides et OGM dont le principe est de rendre les
agriculteurs dépendants pour qu’ils achètent chaque année ces semences,
alors que le bon choix serait de revenir aux semences locales que
produisent chaque année les agriculteurs, selon lui.
C’est pourquoi,
a-t-il insisté, les consommateurs doivent soutenir les agriculteurs qui
se sont engagés dans ce « nouveau paradigme ».
« Le modèle agricole
actuel a des externalités terribles sur la santé. Le nombre de cancers
est dramatique », note le conférencier.
Alors que l’agro
écologie connaît une révolution dans le monde occidental, en Algérie,
l’agriculture durable est pratiquement inexistante, à l’exception de
l’agriculture vivrière pratiquée dans les zones rurales. « La question
de l’agro-écologie s’impose dans la mesure ou si on ne choisit pas cette
orientation, on va détruire nos sols et au bout de quelques années on
pourra plus se nourrir », estime pour sa part, Karim Rahal président du
Collectif Torba qui active dans la sensibilisation du consommateur
algérien à vivre dans le respect de la terre, de la nature et de
l’environnement.
En Algérie,
l’agro-écologie a existé jusqu’à ce que le colon français ait introduit
des techniques de surexploitation des terres. « Actuellement, nous
sommes en train d’aller vers la surexploitation des terres au niveau du
sud », regrette-t-il.
Initié par des
consommateurs conscients des effets négatifs de l’agriculture intensive
et la nécessité de préserver l’environnement, le collectif Torba vise à
développer des partenariats avec les producteurs pratiquant
l’agro-écologie pour écouler leur production. « Nous sommes prêts à
l’aider à commercialiser et à développer son exploitation. C’est comme
ça qu’on pourrait à l’avenir développer une nouvelle vision de
l’agriculture », estime M. Rahal.
Pour ce faire, cette
association « d’agro-consommateurs » mise sur la formation du public à
travers trois niveaux de formation : le premier concerne le grand public
pour montrer comment produire ses propres légumes naturels en ville. Le
deuxième niveau est destiné aux citadins qui ont des parcelles de terre
et qui veulent cultiver leurs propres légumes, tandis que le troisième
concerne les agro-écologistes souhaitant investir dans la culture de
produits agricoles naturels.
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