Depuis vingt ans, les chercheurs de l’Inra Bordeaux-Aquitaine (France) conçoivent
des stratégies alternatives à l’usage des produits phytosanitaires dans
les vignobles et explorent notamment les voies de la lutte biologique.
Une des pistes examinées vise à comprendre les modalités de prédation
des populations d’insectes ravageurs de la vigne par leurs ennemis
naturels, notamment les arthropodes parasitoïdes et prédateurs, et plus
récemment par les oiseaux et chauves-souris insectivores. Dans un
article publié le 25 juillet 2016 dans la revue Journal of Applied Ecology,
les chercheurs démontrent que la lutte biologique exercée par les
oiseaux contre ces ravageurs est guidée par les interactions entre
la diversité fonctionnelle des communautés d'oiseaux et l’hétérogénéité
du paysage. Ces résultats invitent à repenser la gestion des vignobles à
plusieurs échelles spatiales pour favoriser,in fine, une viticulture
moins impactante sur l’environnement.
Les oiseaux insectivores sont
aujourd’hui reconnus pour les services qu’ils rendent aux
agroécosystèmes en matière de lutte contre les insectes ravageurs.
Cependant, bien qu’il ait été démontré que les activités de recherche de
nourriture et la diversité fonctionnelle (ou diversité des traits
biologiques et écologiques) au sein des communautés d’oiseaux augmentent
avec la proportion d’habitats semi-naturels dans les paysages, peu de
connaissances existent sur les conséquences de ces variations sur les
niveaux de régulation naturelle des insectes ravageurs.
Pour
explorer ces relations, les chercheurs ont échantillonné les
communautés d’oiseaux et mesuré les niveaux de prédation des
lépidoptères par les oiseaux (à l’aide de modèles de proies fictives)
dans vingt vignobles du Sud-Ouest de la France. Les vingt vignobles
échantillonnés ont été sélectionnés de manière à analyser les effets
relatifs de la modalité d’enherbement de l’inter-rang à l’échelle de la
parcelle et de l’hétérogénéité du paysage. Des indices de diversité
fonctionnelle des communautés d’oiseaux ont ensuite été calculés sur la
base de traits fonctionnels incluant la masse corporelle, la taille et
la date des pontes, le régime alimentaire, la méthode d’alimentation,
les sites de nidification, les stratégies de migration et la taille des
domaines vitaux.
Contrairement aux attendus
des chercheurs, les observations ont montré que la diversité
fonctionnelle des oiseaux diminuait avec l’hétérogénéité à l’échelle du
paysage. En fait, l’abondance des oiseaux insectivores glaneurs du
feuillage (donc les plus susceptibles de limiter les ravageurs de la
vigne) augmentait bien avec la proportion d’habitats semi-naturels dans
le paysage, à la différence de la diversité fonctionnelle des oiseaux.
Il y a donc bien un effet positif de l’hétérogénéité à l’échelle du
paysage sur la vigne. De plus, les chercheurs ont montré que la
diversité fonctionnelle des oiseaux était plus élevée dans les vignobles
partiellement enherbés, comme c’était attendu.
Les
travaux des chercheurs ont ainsi démontré que l’hétérogénéité tant à
l’échelle locale qu’à l’échelle du paysage influence les espèces
d’oiseaux insectivores dans les vignobles en interagissant avec la
structure des communautés d’oiseaux. Ces résultats fournissent des
informations clés pour l’intensification écologique des vignobles et
montrent notamment que les choix de gestion doivent être adaptés tant à
la composition fonctionnelle des communautés locales d’oiseaux qu’à
l’hétérogénéité des habitats tant à l’échelle locale que paysagère. Les
chercheurs suggèrent donc de combiner des options de gestion à de
multiples échelles spatiales afin de faciliter les services de
régulation naturelle rendus par les oiseaux pour lutter contre les
insectes ravageurs. Il peut s’agir notamment de favoriser
l’hétérogénéité locale de l’enherbement et de préserver des fragments
d’habitats semi-naturels dans les paysages viticoles les plus intensifs.
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