Sous nos climats tempérés, à l’automne, les feuilles tombent. L’arbre s’adapte ainsi aux effets conjugués du froid et de la diminution de la durée du jour. Interview d’Hervé Cochard, spécialiste de la physiologie de l'arbre.
Qu’est-ce qui provoque la chute des feuilles?
Hervé
Cochard : Les
feuilles tombent en réponse à des signaux environnementaux tels que le froid et
la diminution de la durée du jour. Mais la sensibilité des espèces végétales à
ces deux signaux varie grandement, pour des raisons encore peu connues. Le
manque de lumière ralentit la photosynthèse tandis que le froid provoque la
dégradation de la chlorophylle (1). La disparition progressive du vert
chlorophyllien démasque une palette de pigments qui étaient présents dans les
feuilles mais non visibles. Carotènes (orange), anthocyanines (pourpre), et
xantophylles (jaune) s’expriment alors et donnent aux feuilles leurs belles
couleurs chaudes.... Puis une zone d’abscission se forme à la base des
feuilles, qui tombent sous l’effet de leur poids et du vent. Tous ces processus
sont régis par des hormones et des enzymes.
H. C. : Oui, les arbres tirent certains
bénéfices de la chute des feuilles, en termes de recyclage et de protection
contre le gel. Le recyclage se fait à plusieurs niveaux. D’abord, les produits
de la dégradation de la chlorophylle des feuilles et de certaines protéines
sont réutilisés dans l’arbre sous forme de nutriments carbonés et azotés.
Ensuite, le recyclage se complète lorsque les feuilles tombent et que ses
constituants sont dégradés par les microorganismes du sol et sont captés à
nouveau par l’arbre. Second point, les feuilles représentent un facteur de
vulnérabilité au gel, à cause du phénomène appelé embolie hivernale : en
cas de froid intense, les vaisseaux des feuilles gèlent, les gaz dissous dans
la sève forment alors des bulles d’air car ils sont très peu solubles dans la
glace formée. Lors du dégel, ces bulles d’air grossissent et provoquent
l’interruption de la circulation de sève. Si l'arbre gardait ses feuilles en
hiver, elles dépériraient par déshydratation.
H. C. : Les arbres à feuilles persistantes
sont moins sensibles au froid. Les conifères sont bien protégés contre le
phénomène d’embolie hivernale car leurs aiguilles possèdent des éléments
conducteurs (tracheïdes) très étroits où ne peuvent être piégées que des bulles
d’air très petites. De plus, leur système photosynthétique est plus résistant
au froid.
H.
C. : Il est faux
de dire que la sève quitte les feuilles avant leur chute. Il n’y a pas de
« descente » de sève. La sève reste dans les vaisseaux. En période
feuillée, la sève brute, essentiellement de l’eau, monte des racines vers les
feuilles via les vaisseaux tandis que la sève élaborée (2), enrichie par les
produits de la photosynthèse des feuilles, redescend vers les racines en
passant de cellules en cellules, qu’elle nourrit au passage. L’arbre sans
feuilles ralentit fortement sa croissance et vit sur ses réserves d’amidon
stockés dans le tronc et l’écorce. L’amidon est transformé en sucres solubles
qui ont aussi une fonction « d’antigel ».
(1) Le même
phénomène explique comment les agrumes, récoltés verts, deviennent oranges en
chambre froide…
(2) La sève
élaborée ne contient que 1% de la quantité d’eau véhiculée par la sève brute.
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