Certes les abeilles, domestiques ou non,
sont aujourd’hui moins nombreuses. Mais, si ce déclin est inquiétant,
c'est bien la disparition des insectes pollinisateurs qui serait une
catastrophe naturelle.
La disparition des abeilles est souvent annoncée, pourtant le nombre de colonies d'abeilles domestiques est en progression notamment aux Etats-Unis. La tendance aurait-t-elle évolué depuis la prise de conscience de cette problématique ?
François Lasserre : Lorsque
l'on parle de la disparition des abeilles, il s'agit du son de cloche
du monde de l'apiculture. C'est donc l'effondrement d'une seule espèce
d'insectes : l'abeille domestique. Effectivement, l'homme l'exploite
depuis des millénaires, l'a aussi croisé et l'a rendue docile pour
éviter de se faire piquer, ce qui est normal. Et puis, cet insecte va
polliniser les champs sur lesquels on déverse des pesticides. C'est un
indicateur qui nous dit "Attention, vous faites n'importe quoi en
industrie et agronomie".
Mais, il ne s'agit que d'une espèce d'insectes. Tout
ce que l'on entend sur les abeilles est totalement anthropocentré
puisqu'il ne s'agit que des abeilles domestiques. Ces dernières ne sont
en effet pas les seuls insectes pollinisateurs. Ainsi, il y a un cortège
qui pollinisent les fruits et légumes. En France, sur mille espèces, il
n'y a qu'une espèce d'abeilles domestiques et qui est élevée de manière
artificielle et qui vit de façon extraordinaire en colonies. Ce sont
ces abeilles qui produisent du miel. Les abeilles sauvages et solitaires
sont meilleures pollinisatrices que les domestiques.
Dans cette famille d'insectes qui pollinisent et que
l'on appelle les hyménoptères, il y a les guêpes, des cousines des
abeilles. Certes elles politisent moins, mais elles participent tout de
même à la pollinisation des carottes ou du fenouil qui ont des fleurs
courtes. Une guêpe qui vient dans votre assiette chercher de la viande
va nourrir ses enfants avec ce butin car ceux-ci sont carnivores. La
guêpe en revanche mange du sucre, c'est la raison pour laquelle elle va
sur les fleurs.
Parmi les insectes pollinisateurs, il y a aussi les
mouches. Adultes, elles sont floricoles, c'est-à-dire qu'elles vont sur
les fleurs et, par conséquent, elles pollinisent. Toutes les mouches,
sous toutes leurs formes, sont d'excellentes pollinisatrices. Et elles
sont tout de même 5000 en France. Les moustiques, les cousins
participent eux aussi, de même que les punaises. Tous les papillons sont
pollinisateurs. Ce cortège représente donc plusieurs milliers
d'espèces. Si vous supprimer l'abeille domestique, c'est affreux parce
que vous n'aurez plus de miel, de propolis et de cire, mais le reste de
la biodiversité continuera à vivre.
Quelles sont les causes de ces phénomènes ? Tous les pays sont-ils touchés de la même manière ou les Etats-Unis restent un cas particulier ?
Il y a moins d'abeilles qu'avant c'est un fait, mais
cela est dû à notre utilisation abusive de la nature. Ou que l'on aille,
on n'offre pas la place au spontané, au sauvage, surtout en France. Dès
que des champs ne sont pas cultivés, on parle de jachère, de friche, de
terrain vague. Nous sommes dans un pays avec une mentalité très "jardin
à la française", où dès que ça dépasse, on n'aime pas. En revanche, les
insectes, la nature, les oiseaux, eux adorent le spontané. L'homme fait
diminuer cette biodiversité et cette richesse.
Dans une prairie sauvage, il y a de nombreux nectars
de variétés différentes. Les insectes, comme les hommes, s'ils mangent
toujours la même chose, vont être en carence. Il leur faut une variété
de propositions et d'offres de variétés de fleurs. Pour l'ensemble des
insectes et de la faune, c'est primordial. Lorsque l'homme s'installe
quelque part, c'est la politique de la terre brûlée. On rase tout et on
recompose à notre image. On ne laisse jamais la place aux autres êtres
vivants déjà installés.
Un champ de colza offert aux abeilles domestiques,
mais sur lequel on déverse des pesticides et d'engrais chimiques, ces
abeilles seront faibles et risquent de mourir.
En résumé, pour la mort des abeilles, on parle de
conséquences multifactorielles, c'est-à-dire de nombreux facteurs, qui,
cumulés, empoisonnent les abeilles.
Si ces insectes venaient à disparaître, quelles seraient les conséquences ?
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Si les pollinisateurs venaient à disparaître nous aurions une nourriture extrêmement pauvre puisque nous ne mangerions que les végétaux qui se reproduisent sans fleurs comme le blé, l'orge, les céréales. S'il n'y a plus de pollinisateurs demain, nous n'aurions plus de fruits issus de fleurs. Et des fruits issus de fleurs que nous mangeons tous les jours, mais aussi les concombres, les cornichons, les courgettes et les aubergines qui sont des fruits d'un point de vue botanique.
Les fleurs et les insectes pollinisateurs ont évolué
ensemble. L'un ne pourrait exister sans l'autre. Ils sont complètement
liés. Et une fleur est un organe sexuel dont la couleur, la forme et le
goût servent à attirer les insectes.
Mais, les hommes ne seraient pas les seules victimes
de cette disparition. En effet, prenons l'exemple d'une vache. Elle ne
se nourrit que de foin et la luzerne par exemple est pollinisée. Un
nombre également très élevé d'animaux mange des fruits comme des singes,
des oiseaux, les renards, les ours, les fouines.
Quelles sont les solutions pour tenter d'endiguer la fin des abeilles ?
En France, on n'est très peu élevés à la
biodiversité. Quand on devient dirigeant ou que l'on travaille dans
l'agriculture, on n'a aucune idée de l'impact de l'homme sur la nature.
Il faut vite remettre de l'environnement et de la sensibilisation à la
nature dans l'éducation. En France, les sujets sont cloisonnés et, par
conséquent, les gens ne sont pas touchés par les sujets qui ne semblent
pas les concerner.
Chacun est acteur. En effet, nous mangeons tous
matin, midi et soir, il suffit de choisir les aliments qui ont le moins
d'impact négatifs sur l'environnement. Lorsque l'on achète des fruits et
légumes, ils ont été visités par un insecte pollinisateur. Autant
prendre celui qui a été le moins impactant pour les insectes
pollinisateurs. Ainsi, lorsqu'on le peut, il est préférable d'acheter
des fruits non traités par des pesticides.
Le bio peut agir sur la santé, certes, mais il a
aussi un impact sur la santé de l'environnement. Il faut penser à tous
les animaux qui sont passés dans le champ, les insectes ou le hérisson,
où sont cultivés les fruits et légumes que vous achetez.
Chez soi, on peut aussi penser aux insectes qui
viennent chez vous. Pour bien les accueillir, il suffit de leur proposer
le gîte et le couvert. Evidemment, personne n'a envie d'être envahi par
les insectes. En revanche, dans chaque jardin, il est préférable de
laisser 10 à 20 % de l'espace totalement tranquille. Les animaux n'ont
pas de frontières. Ainsi, les campagnols et les mulots pourront se
balader. Les chenilles pourront s'installer et un papillon pourra donc
s'envoler.
L'homme doit prendre conscience qu'il n'est pas le seul être vivant sur Terre.
Source: http://www.atlantico.fr/rdv/atlantico-green/apocalypse-abeilles-moins-grave-que-prevue-francois-lasserre-2274327.html
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