Publié le 18 mai 2015
Hausse des températures, raréfaction des pluies, instabilité des rendements, stress hydrique en perspectives et une croissance démographique qui accentue la demande, le secteur agricole n’est pas au bout de ses peines.
La faible pluviométrie, ces deux derniers mois, inquiète les
agriculteurs et l’on parle déjà de «1/3 de la récolte qui risque de
partir en fumée». Les effets du changement climatique combinés à un
secteur en panne de planification font planer les risques d’une
insécurité alimentaire inévitable et durable.
Dans la zone Afrique du Nord, Moyen-Orient (MENA), les conséquences du changement climatique risquent d’amputer la production agricole de 20%, estiment des experts de l’Institut de prospectives économiques du monde méditerranéen (IPEMED), auteurs d’une étude sur la sécurité alimentaire. Ils s’ajouteront aux ressources hydriques insuffisantes et au potentiel foncier limité.
«Même avec de la trésorerie disponible, l’Algérie risque de ne pas trouver de produits à acheter à l’international», avertit Laâla Boukhalfa, expert agricole. «Les conditions climatiques, la réduction des terres agricoles et la croissance de la population mondiale», rendront la situation plus compliquée.
Les projections parlent «d’une baisse des précipitations de 10% à 3% et d’une hausse des températures de 2 à 3 C° à l’horizon 2050», note Mohamed Nouad, expert consultant en agronomie. Cela «ne permet pas la régénération du couvert végétal et constitue une menace grave» avec une «production agricole qui accusera des réductions moyennes des rendements des céréales de 5,7% à près de 14% et des rendements des productions des légumes de 10 à 30% à l’horizon 2030».
Déficit de production
Car, même si elle couvre 70% de ses besoins alimentaires, selon le ministère de l’Agriculture, l’Algérie reste dépendante des importations pour ses besoins essentiels (céréales, poudre de lait). Le déficit du commerce agricole et alimentaire a quadruplé entre 2000 et 2011 (- 11 milliards de dollars en 2011).
Pourtant, le secteur a bénéficié de milliards de dinars d’investissements ces dernières années. Mais, selon Mohamed Nouad, «les rendements ne répondent pas aux objectifs escomptés au regard des investissements consentis». Les contraintes sont multiples : «Un capital foncier mal valorisé, l’insuffisance des ressources hydriques, inégalité des potentialités de production et sous-équipement matériel, faible productivité, manque de financement». Les rendements sont faibles comparativement à des pays qui ont un climat similaire à Algérie. Ainsi, note l’expert, l’Algérie présente une productivité à l’hectare de 2000 dollars contre 6000 au Maroc.
Le fait est que les politiques agricoles et agroalimentaires de l’Etat, marquées par «des mesures de soutien des prix et de subventions aux produits alimentaires de base», ont atteint «leurs limites».
Défi hydrique
D’autre part, en raison des conditions «agro-écologiques arides et semi-arides», les productions agricoles restent tributaires «d’une pluviométrie irrégulière et insuffisante», de quoi rendre «l’extension des superficies cultivées limitée». Aujourd’hui, sur les plus de 1 million d’exploitations agricoles, 70% sont de petite taille (moins de 10 ha), 23% de taille moyenne (entre 10 et 50 ha) et seulement 2% sont de grande taille.
Les besoins en irrigation accaparent 65% des ressources hydriques, mais la pression va en augmentant. L’Algérie, reconnaît le ministère des Ressources en eau, est confrontée «à la rareté de l’eau» et «le stress hydrique et l’irrégularité de la ressource sont susceptibles de s’accentuer avec le changement climatique». Selon les normes du PNUD et de la Banque mondiale, elle est considérée comme un pays pauvre en eau avec 500 m3/hab/an, alors que le seuil de rareté est fixé à 1000 m3/an/hab, précise-t-on. Cela n’empêche pas le secteur agricole d’être irrigué. La Surface agricole utile (SAU) irriguée a ainsi augmenté de 10,5% en 2006 à 13% actuellement. Mais l’effort est appelé à se poursuivre dans les cinq prochaines années avec l’objectif d’atteindre 2,3 millions d’hectares irrigués d’ici 2020 contre 1,1 million d’ha actuellement.
Le défi sera également d’améliorer les techniques d’irrigation afin d’éviter les déperditions. On estime en effet que moins de 50% des surfaces agricoles irriguées sont équipées d’économiseur d’eau. La généralisation des techniques modernes permettrait d’économiser 30% de la consommation actuelle du secteur. Le ministère des Ressources en eau a proposé d’équiper 230 000 hectares de systèmes d’irrigation modernes d’ici les cinq prochaines années. Mohamed Nouad considère impératif d’investir pour «la mobilisation de l’eau d’irrigation (forages, puits) et les équipements d’irrigation économes en eau ainsi que pour les matériels agricoles qui permettent d’augmenter la productivité ou de minimiser les pertes de récoltes (matériels de récoltes de tous types, moyens de stockage et de conservation).»
Anarchie
Pas sûr cependant que cela suffise au vu des contraintes organisationnelles du secteur. En 2014, l’Algérie a même recouru à l’importation d’oignons dans ce qui ressemblait à une aberration pour les professionnels du secteur, mais témoignait aussi de ses dysfonctionnements. Tahar Boulenoir, porte-parole de l’Union générale des artisans et commerçants algériens (UGCAA) note que «les agriculteurs sont livrés à eux-mêmes. Il n’y a pas de plan national pour informer sur les besoins du marché».
«On laisse les agricultures avec des productions sur les bras et qu’ils sont obligés de brader, cela crée des déficits les années suivantes», abonde dans le même sens Laâla Boukhalfa qui pointe du doigt «un manque de planification qui permettrait d’avoir une idée claire sur les produits et leurs rendements par région». Le secteur est marqué par «un manque d’organisation et une anarchie», soutient l’expert qui cite l’exemple de la production de viande blanche dont «80% se font dans des abattoirs clandestins».
Si les dysfonctionnements et les contraintes naturelles mettent en péril la sécurité alimentaire du pays, il n’y a cependant pas de fatalité. Des exemples de production de pomme de terre à Oued Souf et de tomate à Adrar ont prouvé qu’il était possible de faire de l’agriculture même dans le désert.
Mais il ne peut y avoir de sécurité alimentaire sans augmentation de la production, assure Mohamed Nouad, surtout «là où des gains potentiels peuvent être obtenus : produits de maraîchage, arboriculture, petit élevage, qui sont souvent synonymes de bonnes perspectives d’emploi et sources de revenus».
Les cultures maraîchères et l’arboriculture représentent à elles seules moins de 10% de la surface agricole, contre plus de 50% pour les grandes cultures. Les céréales représentent plus d’un tiers des terres arables.
Dans la zone Afrique du Nord, Moyen-Orient (MENA), les conséquences du changement climatique risquent d’amputer la production agricole de 20%, estiment des experts de l’Institut de prospectives économiques du monde méditerranéen (IPEMED), auteurs d’une étude sur la sécurité alimentaire. Ils s’ajouteront aux ressources hydriques insuffisantes et au potentiel foncier limité.
«Même avec de la trésorerie disponible, l’Algérie risque de ne pas trouver de produits à acheter à l’international», avertit Laâla Boukhalfa, expert agricole. «Les conditions climatiques, la réduction des terres agricoles et la croissance de la population mondiale», rendront la situation plus compliquée.
Les projections parlent «d’une baisse des précipitations de 10% à 3% et d’une hausse des températures de 2 à 3 C° à l’horizon 2050», note Mohamed Nouad, expert consultant en agronomie. Cela «ne permet pas la régénération du couvert végétal et constitue une menace grave» avec une «production agricole qui accusera des réductions moyennes des rendements des céréales de 5,7% à près de 14% et des rendements des productions des légumes de 10 à 30% à l’horizon 2030».
Déficit de production
Car, même si elle couvre 70% de ses besoins alimentaires, selon le ministère de l’Agriculture, l’Algérie reste dépendante des importations pour ses besoins essentiels (céréales, poudre de lait). Le déficit du commerce agricole et alimentaire a quadruplé entre 2000 et 2011 (- 11 milliards de dollars en 2011).
Pourtant, le secteur a bénéficié de milliards de dinars d’investissements ces dernières années. Mais, selon Mohamed Nouad, «les rendements ne répondent pas aux objectifs escomptés au regard des investissements consentis». Les contraintes sont multiples : «Un capital foncier mal valorisé, l’insuffisance des ressources hydriques, inégalité des potentialités de production et sous-équipement matériel, faible productivité, manque de financement». Les rendements sont faibles comparativement à des pays qui ont un climat similaire à Algérie. Ainsi, note l’expert, l’Algérie présente une productivité à l’hectare de 2000 dollars contre 6000 au Maroc.
Le fait est que les politiques agricoles et agroalimentaires de l’Etat, marquées par «des mesures de soutien des prix et de subventions aux produits alimentaires de base», ont atteint «leurs limites».
Défi hydrique
D’autre part, en raison des conditions «agro-écologiques arides et semi-arides», les productions agricoles restent tributaires «d’une pluviométrie irrégulière et insuffisante», de quoi rendre «l’extension des superficies cultivées limitée». Aujourd’hui, sur les plus de 1 million d’exploitations agricoles, 70% sont de petite taille (moins de 10 ha), 23% de taille moyenne (entre 10 et 50 ha) et seulement 2% sont de grande taille.
Les besoins en irrigation accaparent 65% des ressources hydriques, mais la pression va en augmentant. L’Algérie, reconnaît le ministère des Ressources en eau, est confrontée «à la rareté de l’eau» et «le stress hydrique et l’irrégularité de la ressource sont susceptibles de s’accentuer avec le changement climatique». Selon les normes du PNUD et de la Banque mondiale, elle est considérée comme un pays pauvre en eau avec 500 m3/hab/an, alors que le seuil de rareté est fixé à 1000 m3/an/hab, précise-t-on. Cela n’empêche pas le secteur agricole d’être irrigué. La Surface agricole utile (SAU) irriguée a ainsi augmenté de 10,5% en 2006 à 13% actuellement. Mais l’effort est appelé à se poursuivre dans les cinq prochaines années avec l’objectif d’atteindre 2,3 millions d’hectares irrigués d’ici 2020 contre 1,1 million d’ha actuellement.
Le défi sera également d’améliorer les techniques d’irrigation afin d’éviter les déperditions. On estime en effet que moins de 50% des surfaces agricoles irriguées sont équipées d’économiseur d’eau. La généralisation des techniques modernes permettrait d’économiser 30% de la consommation actuelle du secteur. Le ministère des Ressources en eau a proposé d’équiper 230 000 hectares de systèmes d’irrigation modernes d’ici les cinq prochaines années. Mohamed Nouad considère impératif d’investir pour «la mobilisation de l’eau d’irrigation (forages, puits) et les équipements d’irrigation économes en eau ainsi que pour les matériels agricoles qui permettent d’augmenter la productivité ou de minimiser les pertes de récoltes (matériels de récoltes de tous types, moyens de stockage et de conservation).»
Anarchie
Pas sûr cependant que cela suffise au vu des contraintes organisationnelles du secteur. En 2014, l’Algérie a même recouru à l’importation d’oignons dans ce qui ressemblait à une aberration pour les professionnels du secteur, mais témoignait aussi de ses dysfonctionnements. Tahar Boulenoir, porte-parole de l’Union générale des artisans et commerçants algériens (UGCAA) note que «les agriculteurs sont livrés à eux-mêmes. Il n’y a pas de plan national pour informer sur les besoins du marché».
«On laisse les agricultures avec des productions sur les bras et qu’ils sont obligés de brader, cela crée des déficits les années suivantes», abonde dans le même sens Laâla Boukhalfa qui pointe du doigt «un manque de planification qui permettrait d’avoir une idée claire sur les produits et leurs rendements par région». Le secteur est marqué par «un manque d’organisation et une anarchie», soutient l’expert qui cite l’exemple de la production de viande blanche dont «80% se font dans des abattoirs clandestins».
Si les dysfonctionnements et les contraintes naturelles mettent en péril la sécurité alimentaire du pays, il n’y a cependant pas de fatalité. Des exemples de production de pomme de terre à Oued Souf et de tomate à Adrar ont prouvé qu’il était possible de faire de l’agriculture même dans le désert.
Mais il ne peut y avoir de sécurité alimentaire sans augmentation de la production, assure Mohamed Nouad, surtout «là où des gains potentiels peuvent être obtenus : produits de maraîchage, arboriculture, petit élevage, qui sont souvent synonymes de bonnes perspectives d’emploi et sources de revenus».
Les cultures maraîchères et l’arboriculture représentent à elles seules moins de 10% de la surface agricole, contre plus de 50% pour les grandes cultures. Les céréales représentent plus d’un tiers des terres arables.
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