samedi 25 juillet 2015

Biodiversité : les Bové père et fils, ennemis jurés de Xyllela, la "bactérie tueuse en série" d'oliviers

Publié le 24 juillet 2015

Mauvaise nouvelle. Selon le site d’information « Corse net info », un cas positif de Xylella fastidiosa a été relevé ce mercredi en Corse-du-Sud sur des plants de polygale à feuille de myrte ("polygala myrtifolia"), dans une zone commerciale de la commune de Propriano. Un prélèvement, réalisé le 20 juillet par la Fédération régionale de défense contre les organismes nuisibles (FREDON), transmis au laboratoire de référence de l'ANSES, s'est révélé positif.
Les agriculteurs, notamment les oléiculteurs, de l’Île de Beauté redoutaient de voir arriver la bactérie "serial killer" d’oliviers sur leurs terres : hélas, c’est chose faite. Ce n'est pas faute d'avoir été dûment avertis par l'eurodéputé écologiste José Bové et son père, Joseph-Marie. Ce dernier, chercheur girondin et ancien directeur de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra France) à Bordeaux, est spécialiste de la Xyllela depuis 20 ans.

 Qui est Xylella fastidiosa ?
Trompeur, le joli nom de "Xylella fastidiosa" désigne une redoutable bactérie tueuse  qui a déjà détruit des milliers d’oliviers multiséculaires en Italie. Présente aussi  en Amérique du Nord, où elle a dévasté les vignobles du sud des Etats-Unis dans les années 1990, en Amérique centrale et du Sud, au Japon, en Turquie et au Kosovo, elle fait dépérir les végétaux auxquels elle s'attaque. Elle se propage par de minuscules insectes volant, les cicadelles et les cercopes des prés, qui la transmettent aux végétaux en l’injectant lorsqu’ils se  nourrissent de leurs feuilles. Le gros problème, c’est qu’aucun remède n'a jusque là été trouvé pour la contrer. Plus de 309 espèces végétales sont concernées dont les pêchers, les cerisiers, les amandiers, les romarins et les lauriers, et elle constitue aussi une menace pour les vignes et agrumiers européens qui pourraient devenir des plantes d'accueil.
Mondialisation

Selon l'Institut agronomique méditerranéen (IAM) basé à Bari, la Xyllela est arrivée en Italie via des plants de caféiers ornementaux en provenance du Costa Rica. Le dépérissement de milliers d’oliviers a commencé en 2010, autour de Gallipoli, dans les Pouilles, l'une des premières régions productrices d'huile d'olive au monde, également riche en vignes et en fruits, puis s’est étendu plus au nord, près de Lecce en 2013. En  mars dernier, selon les expertises menées jusque là, "au moins 10% des quelque 11 millions d'oliviers de la province de Lecce" étaient touchés par la maladie qui avait dépassé Brindisi.

 Corse et Languedoc-Roussillon
En France, Xyllela inquiète particulièrement deux grandes régions, la Corse, proche des côtes italiennes, qui a relancé dans les années 80 sa production d'olives tombée en désuétude (photo ci-contre), et le Languedoc-Roussillon, grande région arboricole du sud. Le pays a entamé, au printemps 2014, une campagne de surveillance et de prévention qu’il a renforcée au début du mois d'avril dernier pour se protéger, en interdisant unilatéralement l'importation de végétaux en provenance des zones infestées. Une mesure qui ciblait de fait directement les productions agricoles des Pouilles.  Trop tardive ?  La maladie a mis le pied dans l’Hexagone le 15 avril, où un plant de caféier infecté était  identifié chez un revendeur de Rungis, près de Paris.

 L’Europe et la bactérie tueuse
En mars 2015, les élus européens de la commission agriculture relayaient l'inquiétude notamment affichée par la France, l'Espagne et le Portugal, qui réclamaient un tel durcissement des règles de prévention.  "Il faut aller beaucoup plus vite pour empêcher la circulation des végétaux" vecteurs,  plaidait alors l'écologiste français José Bové, au Parlement européen, en affirmant que la bactérie avait  déjà été découverte dans "des oliviers d'ornement vendus dans des grandes surfaces en Corse". Selon lui,  la lutte contre la peste végétale était "une urgence absolue pour l'Europe.



José Bové sur la bactérie Xilella: "C'est une peste végétale qui est en train d'arriver en Europe!"

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vendredi 24 juillet 2015

XXVe Congrès international d'entomologie


Site web du congrès: http://ice2016orlando.org/

Bactérie «tueuse d'oliviers» : «Le problème peut être éradiqué»

Gabriel SIMÉON


INTERVIEW

Un premier cas de Xylella Fastidiosa a été découvert mercredi en Corse (France). Thierry Candresse, spécialiste des pathologies affectant les arbres fruitiers, en détaille les caractéristiques.

 Xylella Fastidiosa est de retour. La bactérie «tueuse d’oliviers», qui fait des ravages dans le sud de l’Italie et n’était jusqu’alors présente nulle part en France, a été repérée mercredi sur une haie d’une zone commerciale de Propriano, en Corse du sud, d’après un communiqué de la préfecture locale. Thierry Candresse, directeur de l’unité «biologie du fruit et pathologie» de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) à Bordeaux, fait le point sur cet agent pathogène susceptible de menacer l’agriculture de l’île et au-delà. (Photo DR)

Que sait-on de Xylella Fastidiosa ?
C’est une bacterie un peu particulière qui vit dans le xylème des plantes, les vaisseaux conducteurs qui alimentent la partie supérieure en eau. Chez certaines, elle est inoffensive. Chez d’autres, elle peut bloquer le fonctionnement des tissus conducteurs et entraîner la mort du végétal par dessèchement. Ce processus ne prend parfois que quelques mois, parfois plusieurs années. Tout dépend de l’espèce de plante infectée.
L’olivier n’est donc pas le seul arbre menacé…
Non. Dans leur ensemble, les différentes souches de Xylella peuvent aussi causer de graves dégâts sur les vignes, les arbres fruitiers à noyaux, les agrumes, le laurier-rose… Des végétaux dont les cultures sont importantes autour de la Méditerranée. Et certaines de ces bactéries causent des dégâts chez différentes espèces.
Comment se propagent ces bactéries ?
Via les petits insectes se nourrissant de la sève des plantes infectées. Dans leur œsophage, les bactéries s’accumulent en attendant de contaminer le prochain plant où ils s’alimenteront. D’un point de vue épidémiologique, c’est un processus très efficace. On sait que deux espèces de cicadelles [un insecte parasite, ndlr], très répandues en Europe, peuvent la véhiculer. La cigale est soupçonnée de faire de même, mais cela reste à démontrer. Sur les longues distances, la maladie voyage de deux façons : par le commerce ou l’importation illégale de plants infectés, ou, c’est moins courant, par le transport d’insectes porteurs de la bactérie.
Et dans le cas corse ?
Il est trop tôt pour le dire. Il semble que le ou les plants infectés étaient plantés sur le parking du centre commercial depuis plusieurs années [2010 d’après le directeur du centre commercial, ndlr], mais cela ne renseigne pas sur l’origine de la contamination. Ils ont très bien pu être importés en étant déjà contaminés. On n’est pas non plus à l’abri d’une contamination ancienne en Corse. Tous les scénarios sont ouverts.
Comment repérer les plants infectés ?
C’est difficile, les symptômes ne sont pas typiques. On observe généralement un dessèchement du bord des feuilles qui s’étend peu à peu au reste de la plante. Mais il peut très bien s’agir d’un arbre sain qui a soif… Cela complique la lutte contre cette maladie.
Existe-t-il un moyen de l’éradiquer ?
On ne sait pas guérir les plantes aujourd’hui. Mais, détecté de façon précoce, le problème peut être éradiqué. Pour cela, on a recours à l’arrachage des plantes infectées, à des traitements insecticides pour supprimer l’activité des vecteurs de la maladie et à une surveillance minutieuse de la zone environnante.
Lorsqu’on le découvre très tard, comme ce fut le cas en Italie où plusieurs milliers d’hectares d’oliviers étaient déjà atteints, ça se complique. L’éradication n’est plus envisageable, car il faudrait alors retirer la totalité des espèces végétales présentes dans la zone concernée. Inimaginable. Dans ce cas, il faut apprendre à vivre avec la maladie, même si c’est terrible pour les oléiculteurs. Cela signifie : changer les cultures et lutter de façon continue contre les insectes vecteurs.
Faut-il s’en inquiéter ?
Le scénario catastrophe serait que la bactérie soit présente depuis longtemps sur l’île et qu’il s’agisse d’une souche capable d’infecter plusieurs espèces végétales, comme la vigne et l’olivier. S’il s’agit de la même qu’en Italie, les oliviers seront touchés mais les vignes devraient être épargnées. Mais celle découverte lundi est-elle la même ou a-t-elle une autre origine ? Ce sera aux enquêteurs scientifiques de le dire.

Source: http://www.liberation.fr/terre/2015/07/23/on-ne-sait-pas-guerir-les-plantes-infectees-par-la-bacterie-aujourd-hui_1352656