INTERVIEW
Un premier cas de Xylella Fastidiosa a été découvert mercredi en Corse (France). Thierry Candresse, spécialiste des pathologies affectant les arbres fruitiers, en détaille les caractéristiques.
Xylella Fastidiosa est de retour. La bactérie «tueuse d’oliviers», qui fait des ravages dans le sud de l’Italie et n’était jusqu’alors présente nulle part en France, a été repérée mercredi sur une haie d’une zone commerciale de Propriano, en Corse du sud, d’après un communiqué de la préfecture locale. Thierry Candresse, directeur de l’unité «biologie du fruit et pathologie» de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) à Bordeaux, fait le point sur cet agent pathogène susceptible de menacer l’agriculture de l’île et au-delà. (Photo DR)
Que sait-on de Xylella Fastidiosa ?C’est une bacterie un peu particulière qui vit dans le xylème des plantes, les vaisseaux conducteurs qui alimentent la partie supérieure en eau. Chez certaines, elle est inoffensive. Chez d’autres, elle peut bloquer le fonctionnement des tissus conducteurs et entraîner la mort du végétal par dessèchement. Ce processus ne prend parfois que quelques mois, parfois plusieurs années. Tout dépend de l’espèce de plante infectée.
L’olivier n’est donc pas le seul arbre menacé…
Non. Dans leur ensemble, les différentes souches de Xylella peuvent aussi causer de graves dégâts sur les vignes, les arbres fruitiers à noyaux, les agrumes, le laurier-rose… Des végétaux dont les cultures sont importantes autour de la Méditerranée. Et certaines de ces bactéries causent des dégâts chez différentes espèces.
Comment se propagent ces bactéries ?
Via les petits insectes se nourrissant de la sève des plantes infectées. Dans leur œsophage, les bactéries s’accumulent en attendant de contaminer le prochain plant où ils s’alimenteront. D’un point de vue épidémiologique, c’est un processus très efficace. On sait que deux espèces de cicadelles [un insecte parasite, ndlr], très répandues en Europe, peuvent la véhiculer. La cigale est soupçonnée de faire de même, mais cela reste à démontrer. Sur les longues distances, la maladie voyage de deux façons : par le commerce ou l’importation illégale de plants infectés, ou, c’est moins courant, par le transport d’insectes porteurs de la bactérie.
Et dans le cas corse ?
Il est trop tôt pour le dire. Il semble que le ou les plants infectés étaient plantés sur le parking du centre commercial depuis plusieurs années [2010 d’après le directeur du centre commercial, ndlr], mais cela ne renseigne pas sur l’origine de la contamination. Ils ont très bien pu être importés en étant déjà contaminés. On n’est pas non plus à l’abri d’une contamination ancienne en Corse. Tous les scénarios sont ouverts.Comment repérer les plants infectés ?
C’est difficile, les symptômes ne sont pas typiques. On observe généralement un dessèchement du bord des feuilles qui s’étend peu à peu au reste de la plante. Mais il peut très bien s’agir d’un arbre sain qui a soif… Cela complique la lutte contre cette maladie.Existe-t-il un moyen de l’éradiquer ?
On ne sait pas guérir les plantes aujourd’hui. Mais, détecté de façon précoce, le problème peut être éradiqué. Pour cela, on a recours à l’arrachage des plantes infectées, à des traitements insecticides pour supprimer l’activité des vecteurs de la maladie et à une surveillance minutieuse de la zone environnante.Lorsqu’on le découvre très tard, comme ce fut le cas en Italie où plusieurs milliers d’hectares d’oliviers étaient déjà atteints, ça se complique. L’éradication n’est plus envisageable, car il faudrait alors retirer la totalité des espèces végétales présentes dans la zone concernée. Inimaginable. Dans ce cas, il faut apprendre à vivre avec la maladie, même si c’est terrible pour les oléiculteurs. Cela signifie : changer les cultures et lutter de façon continue contre les insectes vecteurs.
Faut-il s’en inquiéter ?
Le scénario catastrophe serait que la bactérie soit présente depuis longtemps sur l’île et qu’il s’agisse d’une souche capable d’infecter plusieurs espèces végétales, comme la vigne et l’olivier. S’il s’agit de la même qu’en Italie, les oliviers seront touchés mais les vignes devraient être épargnées. Mais celle découverte lundi est-elle la même ou a-t-elle une autre origine ? Ce sera aux enquêteurs scientifiques de le dire.Source: http://www.liberation.fr/terre/2015/07/23/on-ne-sait-pas-guerir-les-plantes-infectees-par-la-bacterie-aujourd-hui_1352656
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