Publié le
Une province sinistrée
Diagnostiquée "par hasard" à
Taviano il y a deux ans par Donato Boscia, professeur à l'institut de
virologie végétale de Bari, xylella a fait des ravages. Transformé cette
province pauvre du sud de Brindisi en une plaine pestiférée, abandonnée
à son sort. Sur les chemins qui croisent entre les milliers
d'oliveraies aux tâches brunes, des panneaux "zone empoisonnée", ornés
d'une tête de mort, indiquent les foyers de la bactérie. "Environ 20 % des 10 à 11 millions d'oliviers plantés sur les 95 000 hectares de la province sont touchés, estime Donato Boscia. Mais comme rien n'a été fait, toute cette partie des Pouilles est livrée à elle-même."
Le
gouvernement italien a bien ordonné l'éradication des arbres contaminés
et la pulvérisation intensive d'herbicides et insecticides. Les
tronçonneuses n'ont pas hurlé longtemps à la télévision, enrayées par
les écologistes et les élucubrations de stars qui, depuis Rome,
pleuraient pour qu'on ne détruise un patrimoine millénaire comparé au
Colisée. Résultat : seuls sept arbres ont été arrachés. La province a
été déclarée sinistrée, fermée par une zone tampon, dérisoire ligne
Maginot, au nord de Brindisi, au milieu de laquelle la xylella s'est
déjà offert un nouveau cocon.
L'Europe est intervenue à son tour. Mais là encore, les Italiens ont évité de déclencher la colère des Dieux. "On donne l'impression que le Salento est touché par la peste, s'indigne Mauro Della Valle, président de la fédération balnéaire. Ces
panneaux à tête de mort sont de très mauvais goût et excessifs. Les
touristes vont croire qu'ils risquent pour leur santé ici."
"On veut sauver nos oliviers millénaires"
Ce n'est évidemment pas le cas. "Beaucoup de gens parlent sans savoir", souffle
Federico Manni, directeur d'une cave coopérative à Racale et président
de l'association "Vocce dell'olive" qui regroupe 600 oléiculteurs. "On
est inquiets pour nos paysages et nos traditions. On ne veut pas perdre
le tourisme, mais on veut d'abord sauver nos oliviers millénaires.
Notre huile est l'une des meilleures du monde parce qu'on a toujours
privilégié une culture organique, sans utiliser trop de produits
chimiques. C'est notre mode de vie."
Aidés
des scientifiques, les producteurs greffent donc aux arbres malades des
branches d'oliviers plus résistants à la bactérie. Sur la route de
Santa Maria de Leuca, certains ont déposé de l'huile d'olive à la
chapelle de la vierge.
Officiellement
déclarée en novembre 2013 dans les Pouilles, la xylella fastidiosa a
l'âme baladeuse. Repérée un peu partout aux Amériques, détectée à
Taïwan, elle s'est invitée au mois d'avril dans un plant de caféier à
Rungis, le marché alimentaire des portes de Paris. Xylella arrivait
d'Amérique centrale, via les Pays-Bas. Isolée, détruite, elle n'avait de
toute façon pas d'insecte pour la porter. Mais a confirmé les
inquiétudes du gouvernement qui, le 4 avril, avait décidé "d'interdire l'importation de végétaux sensibles à xylella fastidiosa et provenant des zones touchées par la bactérie."
L'Italie
n'a pas apprécié, comme elle n'a pas aimé la quarantaine établie en
Corse sur ses végétaux. Car le risque de la voir s'attaquer aux
oliviers, aux lauriers ou aux agrumes est réel.
"La maladie sera inexorablement chez nous d'ici quatre ou cinq ans",
estime Jean-Yves Rasplus, entomologiste à l'Institut national de
recherches agronomiques (Inra) de Montpellier. "Le tout est de trouver
la parade d'ici là." En relation avec l'Agence nationale de sécurité
sanitaire (Anses) d'Angers, il travaille sur la cicadelle, l'insecte qui
véhicule la bactérie. "Si on met
le doigt dans l'engrenage qui permet à la bactérie de s'accrocher à la
gorge de l'insecte et de manipuler génétiquement la plante, provoquant
une sorte d'infarctus, on arrivera à arrêter la transmission."
A Marseille, on cherche le virus qui pourrait tuer la xylella
Une
autre méthode étudiée au laboratoire de chimie bactérienne (CNRS) de
Luminy, à Marseille, pourrait porter plus vite ses fruits. Elle consiste
à envoyer un virus tuer la xylella. "On a proposé une collaboration sur une thérapie phagique, les phages étant des virus qui infectent les bactéries," explique Mireille Ansaldi, directrice de recherche. "Cette
thérapie a été utilisée chez l'humain contre la dyssenterie. Elle peut
très bien marcher sur des bactéries type xylella. Des chercheurs
étudient des châtaigniers ravagés par une bactérie en Ardèche."
Pendant que les scientifiques s'activent, les oléiculteurs de la région s'inquiètent."Je
m'emploie depuis six mois à ne pas paniquer, sourit Olivier Naslès,
président de l'association française interprofessionnelle de l'olive
(Afidol). On sait que la bactérie entrera par les jardineries. On a eu
des doutes sur un jardin en mai. Il y a de l'affolement chez les
producteurs. On a demandé que la recherche soit un axe prioritaire." En Paca, la filière oléicole représente un chiffre d'affaires de 60 millions d'euros. "Les oliviers font surtout partie de nos paysages et de notre culture", précise Olivier Nasles.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire