mercredi 27 juillet 2016

Nourrir la « smart city » de demain grâce à l’agriculture cellulaire

Par 26 juillet 2016



L’agriculture cellulaire permet de reproduire des protéines animales sans recourir à l’élevage. Une alternative pour répondre aux défis du secteur agricole et aux besoins alimentaires croissants liés à la démographie et à l’urbanisation.

La population mondiale grandit inexorablement. Selon les Nations Unies, la planète comptera 9,7 milliards d’habitants en 2050. Et ce sont les villes qui accueilleront la majorité de la population. Si, en 1960, les citadins représentaient 34 % de la population mondiale, ils atteignaient 54 % en 2014. Et on s’attend à ce que la population urbaine augmente de 2% par an en moyenne d’ici 2030. Ces 2 milliards de bouches supplémentaires à nourrir et cette concentration vers les zones urbaines invitent à repenser l’ensemble de la chaîne de production et de distribution alimentaire. 


Les enjeux environnementaux sont également de taille. D’après l’ONG Global Footprint Network, si nous maintenons notre rythme de croissance actuel, il faudrait 2 planètes pour subvenir à nos besoins en ressources naturelles d’ici 2030. 

L’agriculture, premier secteur impacté, doit donc produire davantage, dans un contexte de restriction des réserves (épuisement des sols et des nappes phréatiques). Le bât blesse particulièrement du côté de la production animale. À l’échelle mondiale, 18% des émissions de CO2 proviennent de la production de viande seule. Et il faut aujourd’hui 1 670 litres d’eau pour produire 500 grammes de viande de bœuf. En parallèle, la consommation de viande croît à un rythme effréné. Dans les pays en développement, là où l’augmentation de la population est la plus vigoureuse, la consommation de viande a augmenté de 5 à 6 % par an au cours des dernières décennies, celles du lait et des produits laitiers de 4 % environ

La pression exercée sur la production animale donne naissance à une agriculture industrielle intensive, polluante. Aux États-Unis, entre 1997 et 2012, la taille des élevages laitiers a doublé tandis que les élevages allaitants (élevages destinés à la production de viande) sont passés de 3 800 têtes en moyenne à plus de 4 000.
 Will technology feed and save us?" par L'Atelier BNP Paribas
Les défis de l'agriculture, tirée de l'étude "AgTech: Will technology feed and save us?" par L'Atelier BNP Paribas

Pour tenter de relever ces défis, plusieurs solutions émergent. L’AgTech avec l’agriculture pilotée par la donnée permet une optimisation des tâches pour les agriculteurs. L’agriculture urbaine, verticale, en intérieur ou en extérieur, ouvre également la voie pour répondre aux besoins d’approvisionnement des smart cities.
Une alternative de rupture se fait aujourd’hui entendre, notamment en Californie, terre agricole et d’innovations : l’agriculture cellulaire. Grâce aux avancées en matière d’ingénierie tissulaire et de biologie de synthèse, cette forme d’agriculture entend produire de la viande, des œufs, des produits laitiers mais aussi du cuir, et potentiellement bien d’autres produits dérivés d’animaux, en ayant recours à la culture cellulaire et non à l’élevage animal traditionnel.
Deux types de produits peuvent être réalisés par le biais de ce type d’agriculture en laboratoire : des produits non-cellulaires (protéines et composés organiques tels que la vanilline, la gélatine ou encore l’ovalbumine et la caséine) et des produits cellulaires (tels que la viande, les abats ou le cuir).
Le produit final, qu’il soit issu d’une culture classique végétale ou animale ou d’une culture en laboratoire, est le même. Seul le procédé de production change, précise New Harvest, une ONG qui finance des projets dans le domaine et rassemble une communauté de scientifiques et d’intéressés pour contribuer à vulgariser le concept.

L’insuline, premier acide aminé produit dans des boîtes de pétri

Les produits non-cellulaires sont créés en boîtes de pétri (boîte pour la mise en culture de micro-organismes) grâce à l’intervention de microbes (levures ou bactéries), dans lesquels on insère le gène responsable de la création de la protéine que l’on souhaite générer. Cette technique n’a rien de nouveau. L’insuline, découverte en 1889, était historiquement prélevée à partir du pancréas de porcs et de bœufs. Une pratique difficilement industrialisable. En 1978, trois scientifiques, Arthur Riggs, Keiichi Itakura et Herbert Boyer introduisaient pour la première fois le gène porteur de l’insuline humaine au sein d’une bactérie, de sorte que celle-ci puisse reproduire à l’identique l’insuline générée par les humains. Trente ans plus tard, la grande majorité de l’insuline utilisée dans le monde est produite par des bactéries et des levures. 

Un scénario similaire est à observer dans le fromage. Au coeur de sa fabrication siège la présure, un coagulant naturel, à l’origine extrait de la caillette des veaux (le quatrième estomac des jeunes ruminants).  Aujourd’hui, la présure d’origine animale n’est plus le seul coagulant utilisé pour la réalisation des fromages, l’industrie agroalimentaire a également recours à des ferments lactiques, par exemple. Et depuis 1990, (date à laquelle la FDA - Food and Drug Administration - a validé le procédé), bon nombre de fromages américains sont réalisés grâce à de la présure produite par des levures et des bactéries élevées en laboratoire.

Les procédés de l'agriculture cellulaire expliqués par New Harvest

Le premier burger « in vitro »

Si ces techniques ne datent pas d’hier, elles sont aujourd’hui amplifiées par les dernières avancées en matière de biotechnologies. En 2005, les premières recherches scientifiques ont été entamées aux Pays-Bas et en 2009, la toute première viande de laboratoire a été créée. En 2013, Mark Post, un chercheur néerlandais de l’Université de Maastricht, faisait sensation en révélant aux yeux du monde l’existence du « premier burger in vitro », un projet sur lequel une poignée de scientifiques a travaillé pendant deux ans, pour un coût total de ... 350.000 dollars !

Depuis peu, c’est au tour des start-ups de s’emparer de ce sujet d’actualité. L’Atelier a notamment identifié 21 start-ups américaines spécialisées dans l’agriculture cellulaire. Au cours des cinq dernières années, elles ont attiré pas moins de 567,2 millions de dollars. Bill Gates a ainsi investi dans les start-ups Impossible Foods et Beyond Meat. Cette dernière a également été soutenue par les deux cofondateurs de Twitter. Deux approches se dessinent parmi ces jeunes pousses : celles qui se lancent dans la culture de viande, œufs, produits laitiers et fromages à partir de cellules souches animales et celles qui puisent protéines et autres éléments constitutifs d’un produit dans le règne végétal afin d’en reconstituer l’aspect, le goût et les propriétés nutritionnelles. 



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