lundi 20 juin 2016

Une serre unique au monde qui attire les fabricants de cosmétique

Jean-Paul Fèvre, le succès par la racine… Photo ER

À première vue, elle a tout de banal cette plante volubile originaire de Chine installée sur l’un des plateaux de la vaste serre d’un hectare qui abrite « l’usine photosynthétique » de la société PAT, acronyme de Plant Advanced Technologies. Mais dans son chevelu racinaire, cette sorte de liane recèle une molécule qui permet d’éclaircir la peau et de restaurer la sensibilité cutanée. Bref, un pouvoir bénéfique qui n’a pas échappé au juteux marché de la cosmétique.


PAT, c’est l’histoire d’une star-up née en 2005 des investigations fertiles d’une poignée de biologistes de l’École nationale supérieure d’agronomie et des industries alimentaires (Ensaia de Nancy-Vandœuvre) et de l’INRA. Un coup de génie vite breveté et désormais décliné en recherche et production sur le site de Laronxe, l’un des hauts lieux de la tradition maraîchère du Lunévillois.

« Cette serre est unique au monde »

 

En 11 ans d’existence, l’entreprise a grandi. Elle compte aujourd’hui une cinquantaine de salariés et table sur une forte perspective de croissance dans les domaines de la cosmétique, de la pharmacologie et de l’agrochimie. Tout cela grâce aux propriétés de la diversité du règne végétal. Dans ce lieu où poussent pour l’instant quelque 200 espèces de la flore exotique et autochtone dans une atmosphère à 30 °C de moyenne, les pensionnaires sont nourris au niveau de leurs racines par vaporisation, un nuage de 30 secondes toutes les trente minutes. Les plantes ne se développent donc hors-sol. D’où ce terme de culture « aéroponique » qui assure, sur un espace réduit, une forte productivité sans le moindre impact négatif sur l’environnement. « Cette serre est unique au monde. Sa vocation n’est pas de produire des fleurs, mais des molécules. Nous sommes des moléculteurs », sourit Jean-Paul Fèvre, le PDG de PAT. Ingénieur de formation dans l’agriculture, ce Champenois a engagé plus de 10 millions d’euros dans l’aventure. Une mise de taille, mais les promesses de sa start-up innovante ont séduit la Région lorraine qui, à travers le consortium ProBioLor, l’a soutenue à hauteur de 3,2 millions d’euros.

Le processus de stimulation tenu secret

 

La PME a en outre très tôt tapé dans l’œil des majors de la cosmétique, à l’image de la Maison Chanel. « Ils ont cru en nous. Nous leur livrons une molécule qui entre dans la composition du « Lift », l’une de leurs crèmes anti-âge les plus vendues ». Un client si prestigieux, ça aide, d’autant que tous les fabricants privilégient désormais l’usage d’éléments naturels dans la conception de leurs produits.

À Laronxe, PAT exploite ainsi avec les racines « la partie la moins explorée, mais sans doute la plus riche du monde végétal », poursuit son patron. « La capacité est prévue pour accueillir chaque année une centaine de variétés supplémentaires ». Ici, aucune plante n’est détruite. Par le biais d’un processus ingénieux et tenu secret de stimulation, on extrait ses molécules après une immersion dans des bains de solvants. Le végétal retrouve ensuite sa place dans le circuit où sa motte racinaire va se régénérer. Gros avantage : cette méthode de traite inédite permet de récupérer 50 à 100 fois plus de précieuses molécules qu’une opération classique sur de la matière sèche.

Voilà pourquoi le concept de la PME Lorraine suscite tant d’intérêts, notamment chez le leader mondial de la chimie, l’allemand BASF avec lequel elle a noué un partenariat dans le domaine des biopesticides, une alternative à la chimie phytosanitaire.

PAT est une affaire qui marche. Elle possède déjà trois filiales, dont l’une sur l’île de La Réunion et ses recherches s’orientent depuis 2010 sur la pharmacologie où ses découvertes pourraient servir contre la maladie d’Alzheimer. Une plante de la Réunion offre déjà des résultats étonnants : « l’activité antioxydante de l’une de ses molécules a été testée sur des animaux malades qui ont récupéré après traitement plus de mémoire que des animaux sains ! ». Une piste à creuser contre ce fléau.

                                                                                          Patrice COSTA

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