lundi 20 juin 2016

L’agriculture biologique peut-elle nourrir le monde ? Oui, mais…


Deux agronomes américains viennent de dévoiler les résultats de 40 ans de recherches sur l’agriculture biologique. Cette dernière suffirait bel et bien à nourrir les sept milliards d’humains que nous sommes, et ce sans causer de problèmes environnementaux et sanitaires.

Avant l’apparition de l’industrialisation de l’agriculture, le terme biologique n’existait pas. Tout ce qui était produit l’était sans toutes ces choses que sont les produits chimiques ou encore les semences OGM, alors que le savoir-faire était tout autre, dans le respect des consommateurs, des animaux et de l’environnement. Cette forme d’agriculture est plutôt marginale aujourd’hui, bien qu’en évolution, mais est en général plus issue d’une mode que d’une réelle volonté de réduire les impacts environnementaux.



Les guerres et autres famines ont permis aux investisseurs de surfer sur la vague de la « sécurité alimentaire », alors que les grands semenciers et grandes compagnies de l’agroalimentaire ont endossé un rôle (très relatif) de « grands nourriciers de la planète ». Pourtant, après plusieurs décennies d’agriculture intensive, près d’un milliard de personnes vivent sous le seuil de pauvreté dans le monde, au mépris de la biodiversité, de la qualité des sols et de la ressource eau, alors que l’on assiste à une véritable standardisation des semences, réduisant terriblement le « catalogue » que nous a offert la nature.

En février 2016, John Reganold et Jonathan Wachter, deux experts en agronomie de la Washington State University, ont synthétisé et publié dans la revue Nature Plants 40 années de recherches sur l’agriculture biologique. Ces recherches ont été menées sur la base de quatre critères différents : la productivité, les performances économiques, l’impact environnemental ainsi que le bien-être social. Les résultats sont en général très positifs.

« Nous devons aussi réduire le gaspillage alimentaire, améliorer l’accès et la distribution de l’alimentation, stabiliser la population mondiale, éliminer la conversion des cultures en biocarburants et nous orienter vers une alimentation plus tournée vers les végétaux » indiquent les chercheurs, qui remettent en cause le système actuel et nos modes de vie.

À propos des deux critères que sont le bien-être et l’impact environnemental, les effets sont positifs, c’est indéniable. S’alimenter avec des produits de meilleure qualité nutritionnelle et n’ayant pas nécessité un gaspillage de l’eau et diverses pollutions, c’est mieux et cela semble couler de source. Au niveau des performances économiques, il est possible de dire qu’elles sont meilleures, car, l’agriculture demandant plus de soin et de temps, de nombreux emplois sont créés.

Le « hic » proviendrait du dernier critère, la productivité. Il s’agit du principal reproche fait à l’agriculture biologique puisque les rendements seraient inférieurs de 8 à 25% face à l’agriculture intensive, suivant les types de plantation. Si l’on prend le blé, l’agriculture bio n’est pas compétitive, mais une telle comparaison n’est pas viable. En effet, les semences de blé ont été sélectionnées (ou modifiées) pour un couplage avec l’agriculture intensive et il faudrait réaliser des études sur les semences qui pourraient optimiser les rendements de l’agriculture biologique. Pour chaque denrée, il existe des dizaines voire des centaines de variétés différentes, mais à l’heure de la standardisation, où en sommes-nous réellement ?

« Des centaines d’études scientifiques démontrent maintenant que l’agriculture bio devrait jouer un plus grand rôle pour nourrir la planète. Il y a 30 ans, il y avait à peine quelques études comparant l’agriculture bio à la conventionnelle. Ces 15 dernières années, leur nombre a explosé. »

Il est également possible de s’interroger sur la manière de cultiver les sols. L’agriculture intensive a été façonnée pour la monoculture sur d’énormes parcelles (openfield), alors que l’agriculture biologique se débrouille bien mieux sur des surfaces plus réduites et utilisées en polyculture (mélange des plantations). De plus, la rotation des cultures est quelque chose de très important afin de garder les sols fertiles, tandis que l’agriculture biologique permet d’économiser la ressource eau.
La vocation des surfaces cultivables a aussi son importance. En effet, une partie de ces surfaces est cultivée pour l’alimentation animale (industrie de la viande et du lait). Ainsi, en réduisant la consommation de viande à l’échelle mondiale, ces mêmes parcelles pourront servir à nourrir les Hommes. Une partie du problème se situe dans nos modes de vie, car beaucoup de personnes sont encore très attachées à la consommation de viande et ne pensent pas un seul instant pouvoir s’en passer, le plus souvent pour des raisons de plaisir gustatif, mais parfois aussi par peur de ne pas rester en bonne santé.

Il est effectivement difficile de se passer de viande, surtout que les aliments végétaux ont perdu beaucoup de leur qualité nutritionnelle d’antan, justement à cause de l’agriculture intensive. C’est pour cela que certains se tournent vers l’agriculture biologique, mais ces produits sont souvent onéreux et remplir son caddie peut multiplier par quatre la facture en arrivant en caisse, donc pas pour toutes les bourses. Paradoxal n’est-ce pas ? Oui, nous vivons dans ce monde.

Sources : France InterPositivREurActiv


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