vendredi 26 février 2016

« L’INRA France ne mettra sur le marché que des cépages durablement résistants » selon Christian Huyghe

Vendredi 26 février 2016 par Alexandre Abellan

Les nouveaux éléments sur la résistance polygénique des variétés obtenues par Alain Bouquet doivent maintenant être testés par l'INRA, avant d’être intégrés, ou pas, aux stratégies de recherche.
Professeur retraité, Alain Carbonneau n'en démord pas : les cépages résistants obtenus par son défunt camarade, Alain Bouquet, devraient être déployés immédiatement dans le vignoble. S’appuyant sur un récent article de recherche australien, il estime que la résistance polygénique de ces rétrocroisements est désormais prouvée [NDLR : voir l'encadré pour en savoir plus sur les résistances mono et polygéniques, et le gène Run1]. Mais, pour Christian Huyghe, le directeur scientifique adjoint à l’Agriculture de l’Institut National de Recherche Agronomique (INRA), il est encore bien trop tôt pour conclure, et envisager une nouvelle stratégie.
Run1 & co

Publiée fin 2015, l'étude australienne brandie par Alain Carbonneau « montre que la résistance d’un individu transgénique, ne possédant que le gène Run1, n’a pas la même résistance que les variétés Bouquet. Résistance qui est contournée. Le papier émet l'hypothèse qu'il pourrait y avoir, dans le matériel Bouquet, un gène majeur, complété par d'autres gènes » résume Christian Huyghe. Mais il souligne qu’il s’agit « d’une hypothèse, pas d’une conclusion. Il faut infirmer ou confirmer ces résultats. » Le chercheur relativise également l’effet de surprise de ces résultats, les classant dans le processus classique de recherche et d'échanges entre labo.

L’INRA doit désormais se pencher sur l’hypothèse irlandaise pour la jauger expérimentalement. « Ça sera plus long que six mois » concède Christian Huyghe. Et « si jamais il est confirmé qu’il y a une résistance polygénique dans les variétés Bouquet, il faudra adapter nos programmes. Mais ce n’est pas parce qu’il y aura démonstration de résistance polygénique qu’il y aura disponibilité du jour au lendemain… » Si elle était lancée, une procédure de mise en marché s’annonce longue : le temps d’ouvrir et de mener une procédure d’inscription au catalogue, puis de multiplier et distribuer un matériel végétal sain.


Attentes de la filière

Mais, les délais d’évaluation et d’inscription de l’obtention variétale attisent l’impatience de la filière, Christian Huyghe ne se plaint pas de cette attention accrue. Bien au contraire : « c’est une très bonne nouvelle ! Les professionnels ont inscrit l’obtention de variétés résistantes au plus haut niveau de leurs préoccupations. Il y a cinq ans, ce n’était pas une priorité, quel que soit le bassin viticole. »

L'impatience pousse également des représentants du vignoble à se tourner vers les cépages résistants obtenus, et commercialisés dans d’autres pays européens (Allemagne, Italie…) et débouchent sur la demande d’accélération du classement français de ces cépages étrangers. Aujourd’hui, l’inscription au catalogue national se fait sur l’expression des caractères visibles (le phénotype) et non sur l’information génétique (le génotype). « Ce n’est pas suffisant » estime Christian Huyghe, qui s’inquiète « d’une offre qui vient d’ailleurs et dont on n’a aucune information sur le déterminisme génétique ». Un possible encadrement de ces informations est actuellement à l’étude au sein du ministère de l'Agriculture, dans le cadre du plan d’action Semence et Agriculture Durable.
 
* : Contrairement aux cépages Resdur, pyramidés pour des résistances polygéniques, les variétés du défunt Alain Bouquet ont été rétrocroisés sur quatre à cinq générations, pour affiner leurs qualités oenologiques. Organoleptiquement, ces derniers restent plus aboutis que les premières générations Resdur (les secondes générations sont attendues pour 2019).

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