samedi 27 février 2016

Les terres agricoles seront bientôt connectées au Web

Entre 2013 et 2015, l'utilisation des applications professionnelles agricoles sur smartphone a bondit de 110 %. - Photo TNS/Zuma/REA

La ferme du futur regorgera de capteurs et d'objets connectés au smartphone du cultivateur. Objectif : mesurer avec précision les paramètres agricoles pour ajuster les ressources en eau et en engrais. 

Imaginez : installé au chaud dans sa tour de contrôle agricole, José scrute à l'écran les données relevées sur son exploitation par de multiples capteurs connectés à sa terre ou juché sur une patrouille de drones. A la moindre anomalie de la végétation, une flotte autonome de robots se met en branle. Elle arrose, bine, taille, pulvérise les nuisibles… José lui, ne sort que… pour prendre l'air ! 
 
D'ici à 15 ans, ce scénario sera une réalité dans bon nombre d'exploitations. Car l'enjeu est de taille : produire plus et mieux pour nourrir une population toujours plus nombreuse. « Le défi de l'intensification durable des terres agricoles ouvre une nouvelle page dans la recherche agronomique », résume Luc Abbadie, professeur à l'Institut d'Ecologie et des Sciences de l'Environnement de Paris. D'ici à 2050, la plupart des cultures devront doubler pour répondre aux besoins de la démographie humaine sur des terres agricoles qui disparaissent au rythme de 100.000 hectares par an à cause de l'emploi massif d'intrants dans l'agro-industrie dominante. Retrouver le chemin de « la salubrité agricole » cher au paysan essayiste Pierre Rabhi va imposer une marche forcée vers la digitalisation des terres. 


Des débouchés multiples


La révolution numérique promise a déjà commencée. Entre 2013 et 2015, l'utilisation des applications professionnelles agricoles sur smartphone a bondit de 110 %, et 79 % des exploitants connectés (soit un peu plus de 45%, contre 39% en 2012), reconnaissent l'utilité des nouvelles technologies pour leur activité, selon le dernier rapport sur la France Agricole. Cette tendance n'a pas échappé aux industriels. La taille du marché des services numériques pour une agriculture de précision (systèmes de guidage, télédétection, logiciels de gestion…) devrait augmenter de 12 % par an dans les prochaines années pour atteindre 4,55 milliards de dollars en 2020 selon une étude de MarketsandMarkets. 

Les débouchés vont des applicatifs mobiles pour aider les agriculteurs à calculer le taux de semis optimum, aux algorithmes prédictifs pour prévoir les récoltes. La société de conseil Accenture, qui a créé un département dédié à ce secteur, défend l'idée qu'au delà de réduire les coûts d'exploitation en gérant convenablement les ressources, l'agriculture numérique doit pouvoir réduire l'impact de variables imprévisibles comme l'aléa climatique et les attaques de parasites. « Les agriculteurs sont confrontés à de nouveaux défis qui se résument par la traduction des quantités de données provenant de multiples sources en connaissances opérationnelles qui peuvent les aider à optimiser leurs rendements », explique le groupe. Il avance même un chiffre : « En fonction de la culture, l'agriculture de précision peut accroitre la rentabilité de 55 à 110 dollars par hectare. » 


Pas étonnant que de nombreuses start-up labourent également ce terrain. Airinov est par exemple devenue en moins de quatre ans un leader en matière de cartographie agronomique à l'aide de drone. Ses engins ont d'ores-et-déjà survolé 500.000 hectares chez près de 3.000 agriculteurs. Weenat propose de son côté des conseils agronomiques pour la préparation du sol, l'optimisation des dates de semis ou de l'irrigation. Pour les appuyer, son fondateur, Jérôme Leroy, vend aussi des capteurs connectés qu'il plante dans les parcelles pour mesurer des données comme la température et l'humidité, transmises par un réseau bas débit sans fil.

L'étape suivante est encore dans les laboratoires. Celui de l'Irstea à Clermont-Ferrand teste déjà une génération évoluée de capteurs autonomes reliés à des algorithmes prédictifs. Ces « crocus » assureront automatiquement le suivi de paramètres complexes tels que la transmittance (la quantité de lumière traversant la végétation) ou la réflectance capable de fournir un état de la quantité d'azote absorbée. Les données seront digérées par un Cloud et les apports hydriques ou d'intrants seront automatiquement ajustés. José pourra alors ajouter la sieste à ses activités…



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